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Grand Angle

Casablanca : Des sévices sur une «petite bonne» relancent le débat sur leur protection

L’association Insaf a été alertée par les médecins d’une clinique à Casablanca, où a été admise une jeune femme, dont le corps présente des brûlures de 3ème degré, des ecchymoses et des hématomes.

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Des sévices sur une «petite bonne» relancent le débat sur leur protection. AIC PRESS
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Le drame qui se jouait jusqu’à présent entre les murs clos d’un domicile casablancais rappelle, s’il le fallait, la perméabilité de l’arsenal législatif censé protéger les domestiques, notamment les plus jeunes. L’association Insaf, qui lutte contre l’exclusion des mères célibataires et l’abandon des enfants, a révélé les sévices endurés par une «petite bonne» originaire de Zagora, «pendant un an et deux mois», d’après Omar Saadoun, responsable du pôle de lutte contre le travail domestique des filles mineures au sein de l’association Insaf, contacté par Yabiladi. L’ONG a été alertée par des médecins de la clinique où la jeune femme a été admise, amenée par «les parents de ses employeurs».

Agée de 22 ans, elle était régulièrement battue par ses maîtres de maison. La calvaire aurait redoublé d’intensité «ces trois derniers mois», selon Omar Saadoun, qui a pu lui rendre visite. «Son corps est couvert de blessures qui se sont muées en graves infections. Elle est actuellement dans une clinique où elle a subi une première opération hier», nous indique le militant.

L’agence MAP évoque quant à elle des brûlures, des hématomes et des ecchymoses. Dans une pétition mise en ligne hier, l’Insaf fait effectivement état de brûlures causées «avec des fourchettes rougies sur le feu». Omar Saadoun confirme, dénonçant des «actes criminels». En revanche, l’association n’a pour l’heure aucune information sur les employeurs, ajoute-t-il. «Nous attendons que la jeune femme se rétablisse pour pouvoir collecter plus d’éléments sur ses conditions de travail et de vie. Elle est encore traumatisée et peine à s’exprimer.»

Une instruction judiciaire a été ouverte, a appris la MAP ce mercredi auprès d’une source à la cour d’appel de Casablanca. Le parquet a ordonné l’ouverture d’une enquête pour déterminer les circonstances de cette affaire. Meriem Othmani, présidente de l’Insaf, a fait savoir que l’association hébergera la jeune femme dans ses locaux. Elle se constituera également partie civile, précise Omar Saadoun.

Des travaux inadaptés à leur âge

Sceptique, cet acteur associatif ne cache pas son inquiétude sur l’application de la loi n°19.12 sur les conditions de travail et d’emploi des travailleurs et travailleuses domestiques. «Je ne pense pas que cette loi protègera ces jeunes filles. Elle a été conçue par des personnes qui n’ont pas tenu compte de la réalité de ce phénomène», estime-t-il. Le bât blesse du côté de la période transitoire de cinq ans, prévue dans la loi, qui légalise en quelque sorte le travail des petites filles ayant moins de dix-huit ans, souligne La Vie éco.

Selon le Haut-Commissariat au plan (HCP), cité par l’hebdomadaire, quelque 193 000 enfants âgés de 7 à 17 ans étaient concernés par le travail dangereux en 2015, dont 80% en milieu rural, l’écrasante majorité (78%) étant de sexe masculin. 75,3% de ces enfants sont âgés de 15 à 17 ans. Les territoires reculés ne sont pas épargnés. En effet, le HCP estime à 62 000 le nombre d’enfants domestiques dans le monde rural, contre 7 000 en milieu urbain.

Les statistiques de l’Insaf, elles, dénombrent entre 60 000 et 80 000 petites filles de moins de quinze ans employées en tant que domestiques au Maroc. L’association souligne qu’elles sont cantonnées à des travaux inadaptés à leur âge, dans des conditions difficiles voire extrêmes.

Article modifié le 2018/01/18 à 16h02

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