Menu

Interview

Sidi Brahim Tidjani : «Nous avons un projet de musée du soufisme pour faire connaître la spiritualité musulmane» [2/2]

Sidi Brahim Tidjani, président du cercle Souffles à Fès, est le descendant direct du Cheikh Sidi Ahmed Tidjani, le fondateur de la confrérie soufie éponyme. Yabiladi l’a rencontré autour d’un verre de thé. Entretien avec un héritier passionné.

Publié
Chérif Sidi Brahim Tidjani recevant le Cheikh Tidian Sall, Grand Moukadame de la Tidjaniya à Mantes-la-Jolie, France, en janvier 2014. / Ph. Facebook
Temps de lecture: 3'

La trentaine, Sidi Brahim, cinquième petit-fils du Cheikh, sillonne le monde à la rencontre des adeptes de sa confrérie. Il était, du 11 au 14 janvier, l’invité de la troisième édition de «Fez Gathering» pour parler du soufisme, de sa tradition et de ses rituels.

Pour mieux comprendre votre fonctionnement, quel rôle est dévolu à la zaouïa ? 

Il faut d'abord faire une distinction préalable. La zaouïa, où les membres et sympathisants de la confrérie peuvent venir pour faire du dikr, y passer la nuit, ou partager un repas, n’est pas une mosquée, c’est une maison pour les soufis. Dieu fait la différence entre la mosquée et une maison. D'ailleurs Sidi Ahmed Tidjani lui-même ne faisait pas la prière du vendredi à la zaouïa tidjania, il partait à la mosquée.

Et pour le financement...

Le prophète (paix et salut sur lui) n’acceptait pas sadaqa (l’aumône, ndlr), mais il a accepté lhadia (le don, ndlr). Chez les Chérifs (descendants du prophète, ndlr), si tu leur donnes la sadaqa, chez Dieu ce n’est pas accepté. La sadaqa n’est pas valable. Cela s’appelle alors une hadia. Cette tradition perdure dans la famille, comme le prophète (paix et salut sur lui) disait : «Donnez-vous des cadeaux, donnez-vous de l’amour». Lhadia c’est une sunna. Le prophète Mohammed (paix et salut sur lui) vivait de cela. Quand il a eu la Révélation, il a arrêté le commerce qu'il faisait avec Sayida Khadija (Radiya Lahou Anha) afin de se concentrer sur sa mission et il vivait de hadias.

Le soufisme dans la Tidjania et dans d’autres confréries est mené par des Chérifs, descendants du prophète. Sur le plan financier, les petits-fils du Cheikh vivent de cela, parmi d’autres ressources. Certains d’entre-eux sont plus autonomes et exercent des métiers.

Pour gérer les zaouïas il faut aussi de l’argent pour payer les factures d’électricité et d’eau. Les zaouïas fonctionnent en quelque sorte en auto-gérance. On trouve toujours dans chaque zaouïa un nadir, en charge des finances et un moqaddam qui s’occupe de l’initiation. Enfin, Lfouqara sont ceux qui cotisent pour les dépenses courantes.

Parlons du cercle Souffles que vous présidez. Quels sont vos projets futurs ?

J’ai voyagé dans plus de 70 pays, où je rencontre toujours des disciples de la confrérie, que ce soit en Afrique, en Amérique, en Europe et en Asie. Je vis cette diversité et ce patrimoine non visible mais inestimable qui a un rôle essentiel dans l’humanité et dans la fin des conflits et des guerres. Il y a d’abord une union, une vision de l’unité de Dieu, ce qui participe à une vision qui converge.

Le cercle Souffles est présent dans dix pays en Europe, au Sénégal et dans le reste de l’Afrique. Trois fondements dictent l’action de cette fondation. C’est tout d’abord combattre l’extrémisme via la culture et l’art tout en se basant sur la pensée islamique soufie. On organise des concerts de samaa (incantations, ndlr), de musique andalouse, ici au Maroc. A l’étranger, nos activités sont diverses, telles que les derviches tourneurs en Turquie. Nous tentons de combattre toutes sortes d’extrémismes, de l’extrême-droite européenne, au salafisme ou encore au wahhabisme, qui n’ont aucun sens.

Chérif Sidi Brahim Tidjani. / Ph. DRChérif Sidi Brahim Tidjani. / Ph. DR

Deuxième fondement, nous travaillons sur la protection du patrimoine soufi spécialement le patrimoine de la Tidjania. Nous sommes engagés dans la protection du patrimoine culturel soufi, essentiellement oral, comme le samaa, les chants, les invocations, les poésies qui ont été écrites dans ce sens et qui sont en voie de disparition, malheureusement. C’est tout un travail d’archivage qui est très important, pour transmettre cet héritage aux générations futures alors qu’il menacé par notre mode de vie actuel.

Les gens sont blasés, occupés par leur quotidien qui devient une menace en lui-même pour le patrimoine spirituel. Notre travail c’est de protéger ce patrimoine, oral, écrit et architectural. Nous poursuivons un grand projet à Tombouctou, un peu partout dans le monde où nous menons des restaurations par exemple en Syrie, dans certaines tombes de grands saints et savants de l’Islam. Des lieux profanés par les extrémistes de Daech.

Il y a un projet qui vous tient à coeur, c'est le musée...

En effet, nous travaillons sur un projet de musée pour faire connaître la spiritualité islamique dans le monde. Il retracera l’histoire du soufisme de l’Inde jusqu’au Maroc comme une grande cartographie de la spiritualité soufie. Le début des travaux sont prévus cette année ou en 2019. Ce sera fait via la fondation Souffles.

Dans ce sens, je trouve dommage que les non musulmans ne puissent pas avoir accès aux lieux de culte musulmans. Autrement, ils pourraient découvrir toute une spiritualité qui leur est inconnue et se départir de certains clichés. J’espère voir cela au Maroc. Ce lieu, loin du prosélytisme, servira à effacer les stéréotypes, établir la vérité, et mettre en lumière la vérité de cette tradition.

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com