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Grand Angle

Maroc : La CDT appelle à une grève nationale en défense de l'école publique

Le syndicat national de l’enseignement relevant de la Confédération démocratique du travail (CDT) appelle à une grève nationale le 14 février. Une décision prise sur la base de neuf constats alarmants que reprend la CDT dans son appel à la mobilisation. Détails.

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Ph. DR.
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Réuni vendredi à Casablanca, le bureau national du syndicat de l’enseignement (CDT) appelle à une grève nationale dans le secteur de l’éducation, le 14 février prochain. Lors de cette journée, la CDT prévoit également des rassemblements devant les délégations provinciales du ministère de tutelle.

Cette décision a été prise par la centrale syndicale pour dénoncer la situation alarmante du service public de l’éducation, dont la CDT rappelle la mise à mort dangereuse à travers le recrutement direct d’enseignants contractuels, le partenariat public-privé dans le secteur qui annule de facto la gratuité de l’enseignement, ainsi que la situation du dialogue social avec le gouvernement, arrivé au point mort.

Autre objet de la contestation, la CDT dénonce l’inaction politique face aux revendications d’ordre social et financier du corps enseignant et pédagogique dans le public, notamment en rapport avec le dossier des retraites. Le secrétaire général du syndicat national de l’enseignement et membre du bureau exécutif de la CDT, Allal Belarbi, explique à Yabiladi qu’il est «illogique de rester dans ce flou total et de prétendre réformer l’enseignement avec des recrutement directs contractuels».

La gratuité dans le viseur

Critiquant la marginalisation des enseignants dans le cadre d’une réforme longtemps titubante, le syndicaliste affirme que «la formation académique et pédagogique des enseignants se fait en moyenne sur cinq ans, dans tous les pays». Pour lui, on ne peut parler d’une véritable refonte du système éducatif «lorsqu’on brûle toutes ces étapes en formant les enseignants dans l’immédiat, pour les embaucher conformément aux circulaires de 2015».

Concernant la gratuité de l’enseignement, Allal Belarbi rappelle que les représentants de la CDT au sein du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSERS) avaient voté contre l’imposition des inscriptions payantes dans les écoles publiques. «La réforme prévoit que ces impôts deviennent l’une des ressources de financement de l’enseignement, ce qui signifie une annulation de la gratuité», nous explique-t-il.

«L’Etat resserre l’étau sur l’école publique et elle ouvre automatiquement la porte à la promotion de l’enseignement privé, donc à la marchandisation de l’éducation. Le Maroc va à plusieurs vitesses aujourd’hui et l’école est à l’image de cette marche titubante. Chaque année, 400000 élèves abandonnent l’école.»

Indiquant que l’obligation de cette contribution requise aux familles riches n’est pas une solution, Belarbi ajoute :

«On peut trouver toutes les ressources de financement possibles, en épargnant les familles précaires et moyennes. On ne peut pas considérer comme riche un salarié vivant à Casablanca et qui touche 7000 DH par mois, compte tenu du coût de la vie par région. Nous, la CDT, avons proposé une taxe sur la richesse pour les grandes fortunes, mais l’idée a été refusée. Le partenariat public-privé dans le cadre de la réforme, absent dans la vision nationale de l’enseignement mais présent dans la loi 51.17 relative au système de l’éducation, de l’enseignement et de la recherche scientifique, implique une forme de privatisation qui ne dit pas son nom.»

Une démission de l’Etat

En outre, la CDT considère que cette première grève des enseignants pour l’année 2018 fait partie d’une démarche rappelant à l’Etat ses obligations. D’autres dates de rassemblements seront annoncées d’ici le 14 février. «Nous appelons à reconstruire le domaine de l’école publique qui connaît une crise structurelle. L’Etat fait une gestion court-termiste. Tous les ministres s’étant chargé du portefeuille de l’Education nationale n’ont pu palier ces failles vieilles de trente ans», souligne Allal Belarbi.

Le syndicaliste rappelle que le système de l’enseignement «qui est en train d’être sapé» est celui qui a créé les grandes figures de la gauche marocaine. «L’école publique a également créé des élites qui ont questionné l’Etat sur la démocratie et la modernité, souligne-t-il. Toutes ses valeurs sont vidées de leur sens et on ne peut y remédier tant que les conditions de travail des enseignants ne sont pas améliorées. Lorsqu’on veut détruire un Etat, on met à mort son service public de l’enseignement et on vise les enseignants en premier».

Plus que des réformettes gouvernementales, la CDT exige une décision politique : «Un Etat tient debout sur la base de la logique de continuité. Il y a un fil conducteur faisant que quel que soit le gouvernement ou le ministre, un certain fonctionnement suit son court. Aucune décision politique n’a encore été prise pour réformer structurellement l’éducation nationale.»

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