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Grand Angle

Diaspo #21 : De Nice à Tanger, parcours de Melinda Mrini, journaliste-baroudeuse

Pour avoir sillonné des pays d’Europe en famille puis la région MENA en solitaire, caméra à la main, Melinda Mrini n’a jamais envisagé de s’installer dans un pays précis. Pourtant, sa passion pour le journalisme l’a amenée à jeter l’ancre au Maroc, il y a près de dix ans. Aujourd’hui, cette reporter baroudeuse dirige le pôle des correspondants à Medi1 TV. #Diaspo d’une journaliste qui a découvert précocement sa vocation.

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Depuis près de dix ans qu’elle évolue dans le paysage audiovisuel marocain, Melinda Mrini n’est plus une inconnue du petit écran. Melinda Lamia Sonia Mrini de son vrai nom, est née en 1985 à Nice, de parents marocains naturalisés en France.

Native de Meknès, sa mère a vécu dans l’Hexagone depuis l’âge de six mois, et a travaillé dans le secteur médical. Son père, passioné de théâtre et de photographie, est arrivé en France à l’âge de 19 ans pour poursuivre des études de photographe-reporter. Il en a fait son métier avant de devenir économe général dans une clinique de renom à Nice. 

Melinda Mrini dans les locaux de 2M / Ph. M.L.S. Mrini Melinda Mrini dans les locaux de 2M / Ph. M. Mrini

Entourée de deux frères, c’est dans cet environnement qu’est née Melinda Lamia Mrini, s’initiant très tôt à l’univers de l’information. En effet, son frère aîné est passionné d’histoire et d’actualité. Elle voit son père lire la presse quotidiennement. Suivre le Journal télévisé en famille fait partie des rituels sacrés, même qu’il fallait faire le tour de toutes les chaînes. «Regarder les JT de 2M, de la RTM et de France télévision est obligatoire, en famille», nous raconte-t-elle.

Journaliste depuis le collège

C’est ainsi que le déclic pour Melinda a été précoce. Elle nous raconte qu’à l’âge de 7 ans, en regardant un JT, elle lance à son père : «un jour, je serai à la place de cette présentatrice !». Déjà au collège, la jeune niçoise devient rédactrice en chef du journal de son établissement, tout en se faisant remarquer par sa grande aisance à l’oral.

Au lycée, la graine de journaliste relance la radio ‘Apollo FM’, unique radio lycéenne de France à l’époque. «C’était à la fois sérieux et interactif. Se rappelle-t-elle avec enthousiasme. J’interviewais des enseignants de mon établissement, des lycéens qui lançaient des groupes de rock, je présentais un flash d’information…». C’est tout à l’honneur d’un père qui a été fier de suivre la future reporter dans ses premiers pas. Elle ne tarde pas à être repérée par France télévision, qui lui consacre alors un portrait dans le cadre d’une émission de jeunesse, mettant en avant les adolescents lanceurs d’initiatives utiles.

Melinda Mrini entourée de ses collègues / Ph. M.L.S. MriniMelinda Mrini entourée de ses collègues à Medi1 TV / Ph. M. Mrini

Après un BAC littéraire, le frère aîné et le père de Melinda lui recommandent de faire une maîtrise en histoire. Mais Melinda change de cap pour rejoindre l’école de journalisme de l’Université de Nice Sophia-Antipolis. Elle se spécialise en magazine et documentaire télévisés. Elle suit quelques cours d’arabes inclus à son cursus. Après des stages à Trace TV puis Radio France, elle fera un cours séjour au Maroc, dans le cadre d’un stage conventionné à la SNRT. Elle est émerveillée de voir que ses sujets passent à l’antenne dès ses premiers jours au sein de la rédaction.

Entrée dans le monde professionnel par la grande porte

La jeune journaliste a cultivé une curiosité particulière pour l’apprentissage de l’arabe classique. Son diplôme en poche et du haut de ses 22 ans, elle s’envole pour l’Egypte, un pays dont elle ne connaît jusque-là que les noms d’écrivains et d’artistes de renom, notamment à travers le cinéma et la littérature. Elle y suivra des cours d’arabe intensifs et effectue une année en langue anglaise à l’université américaine du Caire.

En plus de ses études, elle travaille pour le bureau de l’AFP dans la capitale égyptienne. «C’était un pur hasard, nous raconte-t-elle. J’ai frappé aux portes, j’ai fait du forcing pour convaincre la direction de m’embaucher comme pigiste et j’ai réussi ce premier challenge». Elle convainc le directeur de l’AFP de lui confier une caméra.

Grâce à son assurance et à sa capacité d’adaptation, Melinda Mrini réalise un premier grand reportage pour l’agence de presse française. Pour ce premier exercice, la jeune journaliste a suivi les femmes musulmanes qui se rendent aux églises cairotes pour se faire exorciser par un prêtre. Le sujet est inédit et sa manière de le traiter en a fait un véritable «grand» reportage. «C’est là que mon directeur me dit ‘bienvenue à l’AFP’», se rappelle-t-elle fièrement.

Une collaboration avec l’agence commence, mais Melinda ne s’en contente pas. Avide d’apprentissage sur le terrain pour mieux connaître son monde professionnel et être plus en contact avec la société égyptienne, elle a eu connu plusieurs collaborations en tant que rédactrice en chef du Petit journal, ou secrétaire de la rédaction du Progrès égyptien, le premier quotidien francophone né dans le pays. Elle a même travaillé avec une société de production, où elle côtoie Youssef Chahine ainsi que de grands noms de la photographie en Egypte. Au bout d’un an, Melinda se sent «égyptienne de cœur». Elle voyage ensuite en Syrie et en Jordanie. 

Durant sa carrière professionnelle, la journaliste s'est passionnée pour le travail de terrain / Ph. M.L.S. MriniDurant sa carrière professionnelle, la journaliste s'est passionnée pour le travail de terrain / Ph. M. Mrini

De retour en France, elle est recommandée par son ancien directeur, pour rejoindre l’AFP à Paris. Un retour au bercail pour reprendre son souffle, mais cette aventurière cherche déjà de nouveaux défis.

Redécouvrir le Maroc

Jusque-là, Melinda n’a gardé du Maroc que des souvenirs d’enfance, de vacances d’été en famille, de longs voyages en voiture et par bateau. Avide de découvrir autrement son pays d’origine, elle décide de s’envoler vers le royaume malgré les réticences de ses parents.

Pour la jeune journaliste, il s’agit de la première page d’un nouveau livre qui s’ouvre, lui permettant de découvrir des horizons différents après avoir pris goût à l’aventure, lors de son séjour en Egypte. Melinda Mrini décide de proposer sa candidature pour un poste de journaliste chez 2M. 

Melinda Mrini a travaillé à la radio, pendant ses cinq premières années à 2M / Ph. M.L.S. MriniMelinda Mrini a travaillé à  la radio, pendant ses cinq premières années à 2M / Ph. M. Mrini

Rapidement, elle est recrutée pour faire partie de l’équipe qui met en place la programmation de l’information sur Radio 2M. Elle côtoie Sami El Jaï, Karim Dronet et prend Samira Sitail comme un véritable modèle professionnel, nous raconte-t-elle. En 2011, Melinda Mrini assure la couverture en direct de l’intervention de l’ex-président américain Barrack Obama depuis Washington, le jour de l’opération militaire contre Oussama Ben Laden. Suite à cela, elle est amenée à travailler pour la télévision, où elle rejoindra l’équipe de l’émission Grand Angle qu’elle présentera.

«Avoir côtoyé des personnes comme Samira Sitail et Réda Benjelloun, m’a véritablement donné l’envie de rester au Maroc», reconnaît Melinda Mrini. Sur le terrain, elle se passionne pour traiter des sujets de société, s’intéresse au suicide chez les jeunes, les goumiers marocains, les migrants, les petites bonnes, ou l’enclavement de la région de Midelt...

«Je pense qu’au Maroc, le métier de journaliste prend tout son sens. On pense à l’importance de faire un journalisme utile, qui met le doigt sur des questions sociétales taboues, qui participe à faire changer les choses en traitant des situations humaines dans les zones reculées…»

Un journalisme «utile»

Pour avoir exercé en Egypte, en France, puis au Maroc, Melinda Mrini considère que son métier revêt un caractère d’utilité publique : «On n’est pas journaliste pour se faire de l’argent mais avant tout par passion.» La reporter est convaincue que son exercice professionnel a pour but de contribuer à un changement positif de la situation d’un pays.

«On le fait parce qu’on a un côté humain très fort et qu’on veut faire changer la situation des gens, par sa plume, par sa caméra… On sent ce besoin au Maroc.»

Melinda Mrini lors d'un reportage dans le cadre de l'émission Grand AngleMelinda Mrini lors d'un reportage dans le cadre de l'émission Grand Angle

Lors d’un reportage dans le Nord, Melinda Mrini est happée par le charme de Tanger. L’aspect méditerranéen de la ville lui rappelle le Nice de son enfance. Elle décide alors de s’y installer pour s’occuper de la couverture régionale de 2M. Mais après neuf ans de bons et loyaux services au sein de la chaîne, elle est rattrapée par l’idée de quitter le Maroc.

En effet, la journaliste se sent lentement envahie par un sentiment d’étouffement. Les pesanteurs de la société marocaine sont parfois dures à vivre, surtout quand elles touchent les rapports hommes-femmes. «On a beau combattre la perception négative des femmes marocaines par leur société, confie-t-elle à Yabiladi. Le fait de vivre en tant que femme dans ce paysage devient de plus en plus difficile. J’ai l’impression qu’on régresse sur le plan sociétal, même si la place du débat s’est élargie. Pourtant, j’ai fait des reportages sur le harcèlement. Mais cela devient de plus en plus pesant à vivre quotidiennement».

En plus du harcèlement dans la rue et du regard des autres, l’exercice professionnel n’a pas toujours été facile pour Melinda. Elle dit savoir ce qu’est d’être ramenée à sa situation de femme : «On ne m’a jamais dit directement que le fait d’être une femme, ayant un poste de responsabilité, était gênant. Mais je suis passée par des situations qui auraient été plus faciles, si j’étais un homme. C’est comme si l’on demandait aux femmes de faire deux fois plus que leurs congénères, afin qu’elles soient prises plus au sérieux».

Depuis janvier 2017, Melinda Mrini a rejoint Medi1 TV, dans le cadre de la mise en place d'une antenne africaine / Ph. M.L.S. MriniEn compagnie de Michel Vauzelle, ancien garde des Sceaux français et président de la région PACA / Ph. Mélinda Mrini

En pleine période d’incertitude, Melinda se lance dans un nouveau projet qui lui a été proposé par Medi1 TV, il y a presque un an. Naviguant entre Tanger et Rabat, elle est appelée pour participer au lancement et de la coordination du Journal de l’Afrique, occupant le poste de rédactrice en chef et responsable des correspondants et des reportages. Elle a également été appelée à présenter le JT de la chaîne d’information tangéroise, exhaussant ainsi son rêve d’enfant.

«Ce métier me colle à la peau et je ne pourrais pas faire autre chose, constate-t-elle. Je pense que je resterai encore dans ce pays pour continuer à produire des reportages qui participent au développement». Se projetant dans l’avenir, elle rêve de lancer «une émission qui permettrait de créer le débat» ou même pourquoi pas un média. La lycéenne qui avait pris le micro a grandi, mais ses rêves sont restés intactes.

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