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Grand Angle

Depuis mars, blocage des cartes de séjour pour les réfugiés au Maroc

Depuis mars dernier, près d’une centaine de réfugiés sont bloquées au niveau administratif : Ils ne peuvent pas obtenir de titre de séjour. Les auditions ont été suspendues au sein du Bureau des réfugiés et des apatrides (BRA) à Rabat. Elles doivent avoir lieu juste après l’enregistrement auprès du Haut-commissariat aux Nations unies pour les réfugiés (HCR). Cette situation met ces réfugiés dans une situation délicate, où la précarité est omniprésente. Détails.

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Depuis mars, les réfugiés ne sont plus auditionnés pour recevoir le titre de séjour au Maroc. / Ph. DR
Temps de lecture: 3'

Les réfugiés au Maroc, qui se sont enregistrés auprès du Haut-commissariat aux Nations unies pour les réfugiés (HCR) depuis mars dernier, n’ont pas l’ultime sésame : Un titre de séjour. La commission interministérielle ad-hoc de régularisation des réfugiés, hébergée au Bureau des réfugiés et des apatrides (BRA) à Rabat, doit tenir des auditions, mais celles-ci ont été suspendues.

Normalement, elles interviennent juste après que le HCR termine l’instruction des dossiers à son niveau, puis les réfère sur une base de listes soumises au ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale (MAECI). Après approbation, les auditions sont programmées durant deux jours en semaine, les mardis et jeudis, explique à Yabiladi Jean-Paul Cavaliéri, représentant du HCR au Maroc. Pour mettre en contexte la situation, il ajoute :

«Depuis mars, ces auditions au niveau du BRA et donc de la commission interministérielle ont été suspendues. J’ignore la raison de cet arrêt.»

Pas de carte de réfugiés : pas de carte de séjour

Cette étape est pourtant cruciale pour les réfugiés, puisque c’est de là qu’ils peuvent obtenir une carte de réfugié de la part du gouvernement marocain. Ceci leur «donne droit ensuite à la carte de séjour», ajoute le représentant au Maroc de l’organisme onusien.

La commission «interministérielle» fait intervenir plusieurs ministères du gouvernement marocain, «en plus du MAECI, il y a aussi le ministère des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Emploi, le ministère de la Santé, etc.»  La seule raison invoquée par les autorités marocaines, selon Jean-Paul Cavaliéri, concerne les «délais bureaucratiques». Il précise qu’il n’a «aucune raison de mettre cela en cause».

Du côté du MAECI, contacté par Yabiladi, une autre version est avancée : «Le bureau des réfugiés et des apatrides n’a pas fermé. Toutefois, celui-ci a reçu une liste du HCR, pour identifier les personnes et pour les auditionner afin de leur donner des cartes de séjour. Dans cette liste, il y a des personnes qu’on ne retrouve pas. C’est la raison derrière la suspension des auditions.» La source au sein du MAECI insiste sur le fait que le travail est fait, mais elle ne dispose pas de dates concernant la reprise des auditions.

Pour sa part, Younous Arbaoui, coordinateur de la plateforme nationale de protection des migrants (PNPM), affirme à Yabiladi que «cette suspension est un grand pas en arrière. Elle retarde le processus de transition lancé depuis 2013 et selon lequel le BRA remplacera le HCR. La suspension a pour conséquence d’empêcher des personnes reconnues réfugiées par le HCR d’être régularisées. Tout ceci rend la procédure d’asile non-effective.»

Précarité

Les effets de cette suspension sont très palpables dans le quotidien des réfugiés au Maroc. Jean-Paul Cavaliéri l’explique : «Ils sont dans une certaine précarité, par rapport au fait de trouver un logement, par rapport aux propriétaires qui préfèrent que le locataire ait un titre de séjour. Parfois, les réfugiés doivent payer un loyer plus cher vu qu’ils n’ont pas de titre de résidence.» Mais en réalité, le plus gros problème rencontré par les réfugiés est «l’accès au marché formel de l’emploi». Sans titre de séjour, «ils ne peuvent pas valider les contrats de travail ou concrétiser les promesses d’emploi qui leur sont faites», ajoute notre interlocuteur.

«C’est là où on touche le paradoxe et le côté douloureux de la situation. Le HCR, le ministère des MRE et l’ANAPEC investissent beaucoup dans l’employabilité des réfugiés, à la fois financièrement et normativement. D’un autre côté, ces réfugiés qui peuvent être employés se voient bloqués au niveau de la délivrance de la carte de séjour.»

Le représentant du HCR reconnaît que c’est «douloureux» de voir un tel investissement et efforts du gouvernement et de l’organisme onusien, «en terme de ressources et de temps», qui ne peut «aboutir pour ces centaines de réfugiés qui n’ont pu être auditionnés.»

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