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Grand Angle

Yennayer est décrété fête nationale en Algérie, quid du Maroc ?

Alors que les militants amazighs de Kabylie ont longtemps porté leurs revendications sur la scène politique algérienne, le gouvernement d’Ahmed Ouyahia vient de répondre à l’une de leurs demandes. Il a décidé hier que le nouvel an amazigh serait une fête nationale à partir de 2018.

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Manifestation en Kabylie pour la promotion et la reconnaissance de la langue amazighe / Ph. New Press
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Célébrée entre le 11 et le 13 janvier par les amazighs en Afrique du Nord, Yennayer est désormais un jour chômé et payé en Algérie. La décision a été rendue officielle hier mercredi, à la suite d’une réunion du Conseil des ministres. En fin de journée, ce dernier a annoncé dans un communiqué que la fête du nouvel an amazigh sera désormais une fête nationale chômée et payée dès le 12 janvier 2018.

Dans sa déclaration relayée par l’agence APS et reprise par nombre de médias algériens dont El Watan, le président Abdelaziz Bouteflika précise que «cette mesure comme toutes celles déjà prises au profit de notre identité nationale dans sa triple composante islamique, arabe et amazighe, confortera l’unité et la stabilité nationales alors que des défis multiples internes et régionaux nous interpellent».

Une décision prise sur fond de tensions

Cette annonce est faite au moment où la région kabyle de Bouira sort d’une semaine secouée par de nouveaux affrontements entre brigades anti-émeute et étudiants. Ces derniers manifestaient la semaine dernière, avec des lycéens, pour la promotion de la langue amazighe.

Par ailleurs, une pétition avait été lancée par des écrivains et des intellectuels algériens, qui appelaient justement à fériériser Yennayer. Cités par le portail kabyle Tamurt, les signataires disaient s’appuyer «sur le préambule de la Constitution [algérienne] qui définit l’amazighité comme l’un des fondements essentiels de l’identité nationale, et sur l’article 4 de la Constitution de 2016 qui stipule que Tamazight est langue nationale et officielle, et dans le souci de permettre des avancées effectives dans la prise en charge de cette réalité plusieurs fois millénaire, nous signataires de ce texte lançons un appel aux hautes autorités du pays afin de décréter Yennayer comme une journée de fête nationale, chômée et payée». 

Le Maroc encore en retard

Cette vieille revendication des militants du mouvement amazigh en Kabylie est également présente au Maroc. A chaque Yennayer, l’Institut royal pour la culture amazighe (IRCAM) réitère sa demande de rendre férié le jour de cette célébration et de le décréter fête nationale. Ahmed Boukous, président de l’IRCAM, a rappelé en 2014 qu’il s’agissait d’ «une requête juste et raisonnable», mais qui n’a toujours pas de répondant du côté du gouvernement.

Le sociologue et linguiste évoque la constitutionnalisation de la culture amazighe depuis 2011, qui doit être mise en œuvre notamment à travers une telle décision, ainsi que la résolution de l’UNESCO reconnaissant la commémoration du nouvel an amazigh patrimoine immatériel de l’humanité.

De leur côté, des députés de l’Istiqlal en 2015 et plus récemment de l’USFP ont porté cette revendication auprès du gouvernement. Dans un message adressé à Saâdeddine El Othmani, les socialistes ont saisi la Primature pour décréter Yennayer fête nationale, sans qu’aucune décision officielle ne soit prise pour le moment.

Brahim Akdim, l’un des premiers membres du Mouvement culturel amazigh au Maroc, confie à Yabiladi ne pas être sûr qu’une mesure serait prise dans ce sens. Il nous explique que «faire pression est une bonne chose. Saâdeddine El Othmani pourrait être plus facilement favorable à une telle proposition, comparé à son prédécesseur, d’autant plus qu’il est amazighophone avant d’avoir été arabophone. Mais je ne pense pas qu’il pourrait convaincre son parti, en tant que secrétaire général du PJD et Chef du gouvernement». Pour le militant, officialiser la célébration du nouvel an amazigh est une manière de se réconcilier avec l’histoire :

«Les Marocains connaissent une histoire falsifiée de leur pays, qui a existé bien avant Moulay Driss Ier. Le mouvement national a toujours eu une seule dimension historique, selon laquelle le Maroc serait arabe. Mais il est amazigh en substrat et la langue arabe s’y est greffée.»

Brahim Akdim réfute également l’idée voulant que le débat sur l’amazighité crée des tensions au sein de la société : «Les Marocains n’ont jamais été islamisés à la suite d’une invasion. Le pays a entièrement été musulman sous les Almohades, qui sont Amazighs». Il affirme ainsi qu’ «extrapoler le débat sur l’amazighité et mettre celle-ci en vis-à-vis avec l’identité arabo-musulmane est une manière erronée de poser le débat».

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