Place Al Joulane -du Golan-, Rabat, Maroc… En cheminant vers notre lieu de rencontre, nous traversons le fleuve du Bouregreb par le pont Moulay Youssef. Le soleil descend au niveau de l’embouchure alors que nous virons vers le centre ville septentrional. Le quartier Hassan derrière les murailles qui ceinturent la capitale est ragoutant pour l’œil amateur d’art déco d’abord et pour le gosier ensuite.
Carrefour du quartier Hassan
Le visiteur pourra emprunter le tramway pour se guider jusqu’à la station connexe. C’est entre la majestueuse cathédrale de Saint Pierre et l’Institut Français du Maroc que se tient le plus souvent à partir de 15h une petite table blanche mobile. Un petit four en acier brûlé surplombe telle une cheminée le plan de travail. Non loin des maraîchers, des restaurants et le fameux marché des fleurs, point de repère immanquable.
Notre vendeur de Châtaignes se fait annoncer par la meilleure publicité olfactive : une délicieuse fumée grise qui remue les glandes salivaires. C’est la bogue calcinée et le feu qui entame la douce chair de la châtaigne éclosant d’une plaie éclatée par la chaleur, car Moustapha, le vendeur cinquantenaire qui nous accueille d’un hochement de tête, alimente une flambée sur place. Bienvenue au meilleur street-vegan-barbecue de la contrée !
Foyer du brisoloir
Un joyeux feu urbain
Notre interlocuteur ne désemplit pas et sert ses clients de brûlantes châtaignes dans des cônes en pages de vieux cahiers d’écoliers. Sur un carton, les prix sont inscrits au feutre noir : 100g à 12 dirhams et 250g à 30 dirhams.
Malgré la trachéotomie de Moustapha, emmitouflé dans ce Palais des vents, sa bonhomie répond amplement de toute sa disposition. Quelques clients s’engrènent dans notre discussion et emmènent chacun différentes quantités de châtaignes… L’un d’eux nous répond que les châtaignes sont disponibles au supermarché mais crus. Pourtant, cet aliment n’est pas populaire dans la gastronomie locale. Rare d’ailleurs au pays sans castanéiculture et à ne pas confondre avec le marron d’Inde toxique, nous apprend Moustapha.
Le sac de cinq kilos importé qu’il ramène de Casablanca coûte 450 dirhams… Trois au minimum seront vidés avant 21h. Le saladier n’en finit pas de se remplir, Moustapha le soulève toutes les 5 minutes pour cuire tous les fruits qu’il saupoudre de sel. Il laisse échapper les étincelles et des bouffées de chaleur réconfortante. Il fait patienter les plus gourmands en leur offrant quelques châtaignes qu’ils débarrassent de leurs téguments craquelés.
La châtaigne ne se pare pas que de son goût au brisoloir, cette masse farineuse est également un aliment énergétique. De quoi faire passer le vent glacial de l’hiver pour une douce caresse.