Ne Maroc, j’en ai mangé pendant 15 ans, alors c’est bon», lance, tout sourire Nabil, la vingtaine, né à Oyonnax. Comme lui, la deuxième génération de Marocains résidant à l’étranger, celle qui grandit dans le pays d’accueil de ses parents, n’a pas toujours adopté les habitudes des parents. Eux, au Maroc, font plus souvent du tourisme.
Tous les enfants de la génération qui a émigré racontent la même histoire : le voyage à travers la France et l’Espagne pendant un, deux, trois jours, selon la distance entre la ville d’Europe, où ils vivent l’année entière, et la ville de naissance de leurs parents où ils se rendent pour les vacances d’été. «C’était super drôle, 6 mois à l’avance, nos parents, commençaient les préparatifs du départ. On n’était pas les seuls, c’était une véritable transhumance», se souvient Nawal, 37 ans née à Mantes la Jolie. A l’adolescence, certains ont pris leurs distances, leur entrée dans la vie active a fait le reste. «Je pars deux trois fois par an. Hors saison, je reste une semaine ou deux», détaille Hassan,
27 ans, né à Lens. Il est fréquent que les enfants partent plus souvent que leurs parents mais ils restent aussi moins longtemps. «Depuis 4/5 ans, je viens moins longtemps; je reste une ou deux semaines maximum», remarque Nabil. Le morcellement des vacances qui concerne l’ensemble de la population française touche aussi ces jeunes. «J’ai un fils, il va au Maroc avec ses potes pour 15 jours», raconte Aïcha, née à Oujda et émigrée à Argenteuil. Les deux filles d’Abdallah, 64 ans, né à Casablanca, vivent à Londres et Manhattan. «Elles restent une semaine et repartent», explique leur père.
La case famille ne tient plus la même importance. Les jeunes partent plus facilement entre amis. «Il m’arrive de partir plusieurs jours avec des amies, sans aller systématiquement voir ma famille», raconte Assia, 23 ans, née à Champagnol. Samir est né en France. Chaque été, il partait avec ses parents à Amrir. L’an dernier, il n’y est pas allé, mais il a bien prévu d’y retourner.
«Quand j’aurai la voiture j’en profiterai pour voyager ailleurs», souligne le jeune homme. Les parents constatent sans amertume que leur progéniture n’a plus les mêmes priorités. «Je ne suis pas trop tourisme, reconnait Mehdi, 43 ans, né à Casablanca, je pars directement dans ma famille. Les jeunes, ils se font leurs trucs à eux à Marrakech.»
Les pratiques touristiques au Maroc de cette nouvelle génération se concentrent spontanément sur les villes les plus connues, celles qui déjà accueillent un grand nombre de touristes. Agadir, Marrakech, Essaouira sont les premiers noms cités. Les parents d’Assia sont originaires de Taounate, mais elle est tombée, avec ses amies, sous le charme de la ville ocre. «A Marrakech on est vraiment en vacances, je dépense facilement 600 euros en une semaine, je m’éclate, je ne me prive de rien», s’amuse la jeune femme qui enchaîne, alors, piscines, restaurants, soins, hôtels de luxe.
Parce qu’ils partent plus facilement en vadrouille, il arrive que les enfants connaissent mieux le Maroc que leurs parents. «Mes enfants veulent toujours prendre leur voiture. Ils voyagent partout au Maroc. En 20 ou 30 jours de congés, ils font tout le Maroc. Ils connaissent des choses que je n’ai pas eu le temps de voir», reconnaît Bachar, 54 ans, né à Guelmim.
L’évolution des pratiques touristiques ne touche pas seulement la nouvelle génération. «On allait toujours dans notre famille, puis, au bout d’un certain temps, on a commencé à sortir. On est allé à Al Jadida, Mohammedia, Safi, Marrakech, Tanger, Agadir ...», souligne Abdallah. «J’ai fait le tour de tout le Maroc : Meknès, Tiznit, Fès, Taroudant ... Je vais à l’hôtel, j’y vais pour faire du tourisme», explique Aïcha.
Les personnalités les plus indépendantes de leurs familles, parmi la première génération, et la plupart des Marocains du monde de la seconde génération, en général, se tournent aussi vers d’autres destinations. «Mes enfants ont grandi, ils vont où ils veulent à présent. Mon grand fils, par exemple, est parti en Turquie», raconte Bachar. «Quand ils avaient 7 ou 8 ans je pouvais leur dire, allez, on part à Casablanca, mais plus aujourd’hui», explique Abdallah dont le fils vient de partir en Thaïlande pour 15 jours.
Hassan compare même l’offre touristique au Maroc avec celle de l’Egypte. «Au Maroc il n’y a pas de plongée pour aller voire la flore sous marine ; s’il y a du jet ski c’est déjà pas mal !», ironise le jeune homme. Assia est partie trois années successives à Marrakech. «Avec mes amies, on compte un peu changer de pays. On pense à la Turquie, aux Caraïbes... Le Maroc, quoi qu’il arrive, on y retournera un jour, donc on peut en profiter pour aller ailleurs.»
Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°8