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Grand Angle

Chronique littéraire : Sexe, mensonges et virginité

«La question de la virginité n’est plus aussi taboue qu’avant», se frayant un chemin dans le débat au Maroc. Mais qu’en est t-il de sa sacralité ? Est-ce qu’elle a toujours la même importance qu’avant ?

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«N’oublie pas de rester vierge», rappelle à chaque fois la maman à sa fille Soraya, qui témoigne dans l’ouvrage de Slimani. La sacralisation de la virginité aboutit à une vraie schizophrénie sociale. En fait, «la virginité n’est pas définie comme un état de chasteté mais comme une apparence (un hymen intact)», assure Sanaa El Aji. Les femmes au Maroc sont tellement obnubilées par cette obsession de rester vierge, qu’elles se mettent à inventer d'innombrables astuces en vue de la préserver. «Je vais économiser et me refaire une virginité», affirme ainsi Nour dans son témoignage. Mais cette hantise de rester vierge jusqu'au mariage peut pousser «les filles [à] recourir à différentes pratiques : sodomie, fellation, etc., pourvu qu’elles gardent l’hymen intact», atteste Sanaa El Aji.

Une fille qui perd sa virginité même par accident, comme dans le cas de viol devient une fille «gâchée». La société ne tolère pas cela pour une fille même si ce n’est pas de sa faute. «Dans le langage populaire, les expressions pour désigner la perte de la virginité sont d’ailleurs assez révélatrices», assure El Aji. Ainsi, «une fille non vierge» et souvent qualifiée de «cassée», «abîmée» par «un homme et qu’il [faut] ensuite gérer ce terrible «stigmate», poursuit El Aji dans son intervention.

Nombreux sont ceux qui pensent que pour préserver l’honneur d’une fille, se résumant à sa virginité, on doit la maintenir chez elle. Conséquemment, «la virginité [devient] un outil de coercition destiné à garder les femmes chez elles et à exercer sur elles une surveillance de tous les instants», comme l’affirme Soraya.

Tout le monde à un avis sur le sexe de la femme

Garder la virginité, peut dans certains milieux trop conservateurs devenir un prétexte pour priver les filles de fréquenter l'espace public, qui demeure trop souvent sous l'emprise de l’homme. «La rue ne t’appartient pas. Tu es toujours une intruse dans l’espace public», voilà ce qu’on annonce souvent aux filles. Les filles sont qualifiées d’intruses, elles ne doivent pas s’approprier un espace qui n’est pas le leur, vu qu’ «elles n’ont pas totalement gagné le privilège de marcher en paix dans la rue».

Pour protéger la fille il faut minimiser sa fréquentation de l'espace public au maximum ou bien finir complètement par l’emprisonner. Cette mise à l'écart devient alors une norme sociale que la fille n’a pas à contester : «j’ai compris que mon sexe concernait tout le monde : la société avait droit sur lui», explique Soraya.

Cette pression qu’on fait subir aux filles, les garçons eux, y échappe complètement. Contrairement aux filles qui doivent à tout prix conserver leur virginité, les garçons ont le droit à une sexualité entièrement libre. Finalement, «la virginité de l’homme, qui est impossible à prouver et qui n’est en réalité pas recherchée, ne préoccupe personne», résume Soraya. 

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