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Grand Angle

France : Deux études confirment l’ampleur des discriminations au logement

C’est bien connu : il ne fait pas bon chercher un bien immobilier en France, lorsqu’on porte un patronyme à consonance maghrébine ou africaine. Une réalité qui vient à nouveau d’être confirmée par deux études d’une «ampleur inédite».

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Deux études confirment l’ampleur des discriminations au logement en France. La Galerie de l'Arlequin, à Grenoble. Ph. Google Street View
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Ils s’appelaient Mohamed Chettouh, Mounir Mehdaoui, Karim Benchargui, Nordine M’Barek et Désiré Sambou. A eux cinq, ces noms d’emprunt, élaborés dans le cadre d’un «testing» sur la discrimination à la location d’appartements en France, ont globalement 26% de chances de moins que la moyenne de pouvoir ne serait-ce que visiter un logement.

Un résultat obtenu à l’issu d’une étude publiée vendredi 15 décembre par le laboratoire de recherches du CNRS Travail emploi et politiques publiques (TEPP). Les quatre chercheurs des universités de Bourgogne-Franche-Comté, Marne-la-Vallée et Le Mans ont réalisé un «testing» – méthode scientifique qui mesure les écarts de taux de réussite entre des candidatures fictives – d’une ampleur inédite, d’après Le Monde.

Huit faux candidats aux profils variés ont été élaborés pour répondre à une centaine d’annonces de location du parc privé, émanant de particuliers et d’agences immobilières, dans chacune des cinquante villes cibles.

Le profil d’un dénommé Sébastien Petit, devant servir de référence, se voulait neutre, tandis qu’un deuxième, Frédéric Rousseau, présentait une adresse dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) où il candidate. De même, Kevin Durand mentionnait qu’il était âgé de vingt ans. Enfin, les cinq autres profils précités portaient des patronymes supposant une origine maghrébine ou africaine, dont un fonctionnaire et un résident en QPV.

Une sélection discriminatoire dans 83% des cas

Ces huit faux candidats recherchaient un deux pièces vide ou meublé, loué à environ 500 euros par mois. Ils ont répondu à un total de 5 000 annonces publiées sur Le Bon Coin, Se Loger ou Logic Immo, adressant environ 25 000 messages type : «Madame, Monsieur, l’appartement que vous proposez correspond à ce que je recherche. Serait-il possible de le visiter ? Pour le dossier de location, pouvez-vous me donner la liste des pièces demandées ?», en précisant parfois l’âge, l’adresse et les motivations : «J’ai 22 ans et je cherche un appartement pour m’installer», «Je suis fonctionnaire et je viens d’être muté».

Résultat : seules 17% des annonces ont suscité les mêmes réponses des bailleurs aux six candidats (choisis parmi les huit profils). Autrement dit, dans 83% des cas, les annonceurs ont été sélectifs et ont traité les candidats différemment, affichant bien une attitude discriminatoire, précise le journal Le Monde.

Le profil neutre de Sébastien Petit reçoit, en moyenne, 14% de réponses positives, plus fréquentes chez les loueurs professionnels que chez les particuliers, tandis que Mohamed Chettouh n’obtient que 10,1% de réponses non négatives : la différence de 3,7 points équivaut à 26,7% de chances en moins. Désiré Sambou obtient le moins de succès, à 9,44% soit 32,5% de chances en moins.

Si le candidat d’origine maghrébine est fonctionnaire, ce qui lui suppose une stabilité professionnelle, il améliore un peu ses chances, à 10,7%, sans parvenir au score du «Français moyen» qu’il est tout autant. L’un des auteurs de l’étude, l’économiste Loïc du Parquet, enseignant-chercheur à l’Université du Mans, explique : «Les annonceurs perçoivent bien la meilleure qualité de candidature avec le rassurant statut de fonctionnaire, mais cela ne suffit pas.» En revanche, l’adresse et l’âge ne semblent pas influencer les annonceurs ; être jeune, maghrébin et habiter en QPV paraissant même «susciter un peu plus de bienveillance», précise le quotidien.

Plus de mixité, moins de discrimination ?

L’étude du TEPP propose également une cartographie et un palmarès des villes accueillantes. Ainsi, Nice, Paris, Poitiers, Rouen, Bordeaux sont les moins discriminantes, tandis que la discrimination sévit à Perpignan, Limoges, Valenciennes (Nord), Avignon ou Nancy. «Il semble, mais cela est difficile à établir de manière formelle, que plus les villes sont grandes et ont des populations brassées et hétérogènes, moins la discrimination s’y fait sentir», ajoute Loïc Parquet.

Hier, c’est le Défenseur des droits qui publiait son «enquête de perception» sur la discrimination au logement, adoptant une méthode différente mais aboutissant à des résultats concordants.

Sur les mille personnes interrogées, ayant cherché une location au cours des cinq dernières années, 14% disent avoir été discriminées. Un taux qui monte à 40% chez les personnes perçues comme noires, 30% comme arabes, 24% pour les mères seules avec des enfants de moins de trois ans. Les hommes vus comme blancs et diplômés du supérieur ne sont que 5% à se plaindre de discrimination et les familles biparentales, 8%.

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