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Grand Angle

Des dinars d'or du 12e siècle originaires du Maroc retrouvés en France

Une équipe de chercheurs de l’université Lyon II a découvert un trésor enfoui à l’abbaye de Cluny, théâtre régulier de fouilles archéologiques. Des dinars d’or du début du XIIe siècle, originaires d’Espagne et du Maroc, ont notamment été retrouvés.

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Pièces de monnaie découvertes à Cluny (Saône-et-Loire), le 14 novembre 2017. / Ph. Anne Baud - Anne Flammin/ Laboratoire d'Archéologie et Archéométrie
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Huit siècles qu’un trésor dormait sous les pieds de l’abbaye de Cluny. Dans cette commune de Saône-et-Loire (centre-est), 2 200 pièces de monnaie médiévales ont été découvertes, a annoncé, mardi 14 novembre, l’équipe à l’origine de la découverte, d’après le Monde.

«On a très vite compris que c’était un trésor», a raconté, mercredi 15 novembre à France Info, Anne Baud. Cette enseignante-chercheuse du Laboratoire archéologie et archéométrie, de l’université Lyon II, était à la tête, avec Anne Flammin, de l’équipe qui a fait la découverte de ce trésor, composée de chercheurs de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée et d’étudiants. «Le plus étonnant c’est de trouver cette bourse sous un sol à proximité de l’infirmerie. Quelqu’un l’a caché là, et personne n’est allé le rechercher ensuite.»

Les dinars en or retrouvés à l’abbaye de Cluny. / Ph. Alexis Grattier - Université Lumière Lyon 2Les dinars en or retrouvés à l’abbaye de Cluny. / Ph. Alexis Grattier - Université Lumière Lyon 2

Un trésor en date de la première moitié du XIIe siècle

Cluny, l’une des plus grandes abbayes d’Europe occidentale au Moyen Age, est régulièrement le théâtre de fouilles archéologiques. «L’abbaye est au XIIe siècle la plus grande abbaye de la chrétienté occidentale, elle a un rayonnement européen et elle est considérée un peu comme le phare de la chrétienté», explique Anne Baud.

Lors de cette campagne automnale, l’équipe a sorti de terre les restes d’un sac en toile contenant plus de 2 200 monnaies d’argent, des deniers et des oboles majoritairement émis par l’abbaye elle-même, précise le Monde.

De ce petit amoncellement de pièces a émergé une petite bourse en cuir qui contenait 21 dinars d’or du début du XIIe siècle, originaires d’Espagne et du Maroc, «une feuille d’or de 24 grammes repliée dans un étui, un élément circulaire en or et, enfin, un anneau sigillaire, en or lui aussi», énumère le quotidien. D’après les chercheurs, le trésor avait été enfoui dans un remblai, où il a dormi pendant huit siècles et demi.

Les deniers et oboles d’argent à gauche, la bourse en cuir à droite. / Ph. Vincent Borrel / Laboratoire AorocLes deniers et oboles d’argent à gauche, la bourse en cuir à droite. / Ph. Vincent Borrel / Laboratoire Aoroc

Quand les dinars arabes circulaient en France

«Les pièces dateraient de la première moitié du XIIe siècle, aussi bien les deniers clunisiens - des monnaies d’argent frappées dans l’abbaye ou à proximité - et les monnaies arabes, les dinars d’or, qui sont aussi du deuxième quart du XIIe siècle. La bague sigillaire, qui permet de faire des sceaux, est également du début du XIIe siècle, peut-être fin XIe», poursuit Anne Baud.

 «Qu’il y ait de la monnaie qui circule, c’est tout à fait normal. Les dinars arabes sont une monnaie qui aurait circulé au début du XIIe siècle parce qu’en France on ne frappait pas encore de monnaie en or à l’époque.»

Avec la découverte de ce trésor, plusieurs questions ont naturellement été soulevées, notamment sur le propriétaire : «On se tournerait peut-être aujourd’hui vers quelqu’un du monde ecclésiastique, quelqu’un de l’abbaye ou un dignitaire religieux. Cela pourrait aussi être un riche bourgeois, mais l’inscription correspond plutôt à un religieux», avance la chercheuse.

Celle-ci relativise toutefois la valeur des pièces de monnaie pour l’époque : «Ce n’était pas vraiment un montant phénoménal à l’époque. C’est très difficile de voir ce qu’on pouvait acheter avec ça, mais ce n’est pas LE trésor de l’abbaye. C'est le trésor d’un particulier, mais un particulier assez riche.»

Occupation musulmane au VIIIe siècle dans le sud de la France

Une découverte qui fait écho à celle qui avait eu lieu lors de fouilles à Nîmes (sud-est), en février 2016. Trois tombes musulmanes avaient effectivement été retrouvées. Elles témoignent des premiers indices de la présence de communautés de musulmans dans le sud de l’Hexagone au début du Moyen Age, entre le VIIe et le IXe siècle.

«On savait que les musulmans sont venus en France au VIIIe siècle mais on n’avait jusqu’alors aucune trace matérielle de leur passage», précisait l’anthropologue Yves Gleize, de l’Institut français de recherches archéologues (INRAP), principal auteur de cette recherche. Pour lui, «l’analyse archéologique, anthropologique et génétique de ces sépultures du début de l’époque médiévale à Nîmes fournit des preuves matérielles d’une occupation musulmane au VIIIe siècle dans le sud de la France».

Les analyses des ADN prélevés sur les dents et les os indiquaient que les trois hommes enterrés étaient d’origine nord-africaine. Ils étaient âgés respectivement de 20 à 29 ans pour l’un, d’une trentaine d’années pour le deuxième, et de plus de 50 ans pour le troisième. La datation radiométrique des ossements les fait remonter entre les VIIe et IXe siècles, précisent les chercheurs.

Autant de données qui, selon eux, portent à croire que ces trois squelettes étaient des Berbères enrôlés dans l’armée du califat des Omeyyades durant la conquête arabe en Afrique du Nord au VIIIe siècle.

Jusqu’à présent, la plus ancienne sépulture musulmane découverte en France, à Marseille, datait du XIIIe siècle.

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