Menu

Archive  

Guerre du Kippour d’octobre 1973 : Quand les soldats marocains combattaient Israël aux côtés des armées arabes

Les pays arabes, tout comme Israël, commémorent ce 6 octobre le 44e anniversaire du début de la Guerre du Kippour. Durant plusieurs jours, les armées de l’Egypte, de la Syrie et de la Jordanie, soutenues par d’autres armées des pays arabes dont le Maroc, combattaient l’entité sioniste pour se venger de la défaite lors de la Guerre des Six jours. Retour sur l’engagement du Maroc lors de ces affrontements.

Publié
Des chars M60 d'Israël ayant participé à la Guerre du Kippour en octobre 1973. / Ph. DR
Temps de lecture: 5'

Le 6 octobre 1973 à 14h00, l’Egypte et la Syrie, épaulées par les armées de plusieurs pays arabes dont le Maroc, déclenchèrent une guerre contre Israël. Il s’agit de la guerre du Kippour, également célèbre sous d’autres appellations, dont la Guerre du Ramadan ou encore la Guerre d’Octobre.

Durant cette première journée, qui coïncide avec le jour du jeûne de Yom Kippour, férié en Israël, intervenant également en plein Ramadan, les armées des pays arabes, soutenues par l’Union soviétique, la Ligue arabe et la Corée du Nord, orchestrent des attaques surprises et simultanées dans la péninsule du Sinaï et sur le plateau du Golan, territoires arabes occupés par Israël depuis la guerre des Six Jours. Contrairement à cette dernière lors de laquelle feu le roi Hassan II n’avait envoyé aucun soldat marocain, le royaume se range cette fois-ci du côté des Etats arabes. Les soldats marocains des Forces armées royales se distingueront même, encore une fois, par leur courage et leur bravoure.

La Guerre des Six jours et le désir d’une vengeance

Nous sommes le 10 juin 1967. Au terme d’une grande guerre opposant l’Etat hébreux à l'Égypte, la Jordanie et la Syrie, Israël sort grand gagnant d’une série de batailles ayant duré près de 5 jours. Le jeune Etat parvient même à annexer le Sinaï, la Bande de Gaza, le plateau du Golan et Jérusalem-Est. Les autorités de Tel Aviv parviennent à renforcer le mythe d’une «armée israélienne imbattable». Parallèlement, la défaite pousse les pays arabes à adopter, dès septembre 1967, la résolution de Khartoum. Un engagement qui définira une ligne de conduite commune, avec notamment «Les ‘trois non’ des relations israélo-arabes» : Non à la paix, non à la négociation et non à la reconnaissance d’Israël.

Bien que les voisins d’Israël s’engagent à respecter la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies du 22 novembre 1967, les hostilités entre Le Caire et Tel Aviv se poursuivent jusqu’en août 1970. Mais avec l’humiliation de l’Egypte et des pays arabes lors de la Guerre des Six jours, une autre guerre est en préparation, les Arabes n’ayant pas l’intention d’en rester là.

Dès 1972, l’Egypte déclare être prête à partir en guerre contre Israël. Le président égyptien Anouar el-Sadate débute alors son offensive, à commencer par l’approvisionnement auprès de l’Union soviétique et le soutien de la Ligue arabe. Il ne manquera pas de dépêcher son général Saad El Shazly en Algérie, en Libye et au Maroc afin d’obtenir le soutien des pays du Maghreb. Le 9 février 1972, il est à Rabat pour rencontrer feu le roi Hassan II afin de le convaincre de soutenir les armées arabes.

Un char M60 israélien détruit lors de la Guerre du Kippour. / Ph. PinterestUn char M60 israélien détruit lors de la Guerre du Kippour. / Ph. Pinterest

Sollicité par l’Egypte et la Syrie, le Maroc répond présent

Dans son ouvrage «Mémoires de la Guerre d’Octobre» (Editions Maison américaine des recherches du Moyen Orient, 2003), Saad El Shazly revient notamment sur cette première rencontre avec le roi Hassan II.

«Le Général Oufkir et le directeur du Cabinet royal étaient aussi présents. Le Roi m’a m’écouté avant de commenter : les Forces armées marocaines sont toutes à votre disposition et chaque citoyen marocain sera heureux de voir nos forces armées combattre pour la cause arabe. J’ai donc exprimé le souhait d’avoir une idée générale sur la force militaire et le Roi a favorablement répondu à ma requête.»

Lors de cette rencontre, qui précède de quelques mois le coup d’Etat des aviateurs, feu Hassan II n’a pas manqué, toujours selon le général égyptien, de faire part de son mécontentement face aux hostilités de la Libye à l’égard du royaume. Suite à cette visite de deux jours, Saad El Shazly demandera par la suite un escadron de F-5 et un bataillon de chars. Le roi Hassan II lui avance alors : «Vous allez écrire sans doute vos mémoires. Marquez bien que le roi Hassan II a promis et a tenu ses promesses.»

Une fois la préparation de la guerre achevée, le général égyptien est encore une fois dépêché dans les pays du Maghreb pour confirmer à nouveau la participation des armées maghrébines à la guerre contre l’entité sioniste. Le 17 septembre 1973, il est à nouveau au Maroc pour rencontrer le roi Hassan II. Il ne rencontrera le souverain que le lendemain. Il est surtout conscient que depuis sa dernière visite, plusieurs choses ont changé. Dans ses mémoires, il rappelle qu’il a déjà entendu parler du coup d’Etat des aviateurs et déclare savoir que la plupart des pilotes marocains qui devaient prendre part à la guerre contre Israël ont été soit arrêtés, soit interdits de quitter le royaume. «Le Maroc venait aussi de dépêcher l’unique bataillon de chars en Syrie depuis des semaines», raconte le général égyptien.

«J’ai donc informé le Roi de la décision finale de la guerre. J’ai aussi demandé s’il était possible de mobiliser d’autres bataillons. Il m’a répondu : cher frère, ce que vous venez de m’apporter sont les meilleures nouvelles que je n’ai jamais entendues. Je suis heureux que le peuple arabe s’unisse pour combattre son ennemi et venger l’humiliation où nous sommes. Nous participerons avec encore plus de forces et d’hommes que ce que je vous ai promis.»

Des soldats arabes à la Guerre du Kippour. / Ph. DRDes soldats arabes à la Guerre du Kippour. / Ph. DR

En Syrie, les Marocains se distinguent

Le général Saad El Shazly raconte ensuite avoir demandé à ce que les forces marocaines soient dépêchées sur le front égyptien le 1er octobre. Le roi Hassan II, ne connaissant pas encore la date du début des interventions des forces arabes, propose la date du 1er novembre, arguant que les soldats marocains doivent passer Ramadan et l’Aïd El Fitr avant de partir en guerre.

Mais dès l’annonce du début des opérations, les Marocains sont envoyés en Egypte pour prendre part à la guerre contre Israël. «Tous les moyens aériens ont été utilisées, y compris la Royale Air Maroc», raconte le général égyptien, affirmant que le soutien apporté par le royaume lui a valu d’être classé 5e force militaire arabe à soutenir l’Egypte, la Jordanie et la Syrie dans cette guerre.

Le royaume dépêchera une brigade d'infanterie sur le front égyptien et un bataillon blindé sur le front syrien. Saad El Shazly fait aussi savoir que l’escadron marocain de F-5 n’a finalement pas été dépêché.

Le nombre exact de soldats envoyés par le royaume reste, jusqu’à aujourd’hui, méconnu. Si le média égyptien Ahram évoque l’envoi de 11 000 soldats, Mohamed Amnzou, un soldat marocain ayant participé à la Guerre du Kippour, a affirmé en 2014 dans une déclaration à la presse qu’ils étaient près de 6 000 soldats marocains à avoir pris part à cette guerre. «5 000 d’entre nous sont arrivés au front syrien à temps et occupaient des positions sensibles», raconte-t-il. Et c’est d’ailleurs vrai puisque plusieurs médias, à l’instar de Sasa Post, font état du rôle de la brigade marocaine d’infanterie dans le Golan. «La brigade s’est bien battue lors de la bataille du mont Sheikh. Ils sont même 170 martyrs marocains à avoir été déplorés lors de cette guerre», poursuit cette source. Ahram ne manque pas de vanter le courage et la bravoure des Marocains qui lui ont valu de porter le nom d’une grande place au cœur de Damas.

Au cœur de Damas, une place portant le nom de la brigade marocaine ayant participé à la Guerre du Kippour. / Ph. SasapostAu cœur de Damas, une place portant le nom de la brigade marocaine ayant participé à la Guerre du Kippour. / Ph. Sasapost

Du choc pétrolier de 1973 aux Accords de Camp David

Mais sur d’autres fronts, bien que l’armée arabe ait surpris l’Etat hébreux durant les premiers jours, les États-Unis ne pouvaient pas se contenter de regarder les pays arabes raser Israël. Le pays de l’Oncle Sam n’hésite pas à lancer l'opération Nickel Grass pour venir en aide aux Israéliens après leurs fortes pertes dans le Sinaï. Sur le terrain, la tendance s’inverse avant qu’un cessez-le-feu ne soit déclaré par les Nations unies le 25 octobre. Les combats prendront officiellement fin le 26 octobre. Des discussions entre Israël et l’Egypte sont organisées après deux jours pour échanger les prisonniers de guerre.

Du côté des pays arabes et même d’Israël, la Guerre du Kippour s’est soldée par une victoire. Pour les premiers, la guerre a surtout été l'occasion de dissiper le mythe de l’«armée israélienne imbattable». En réaction au soutien américain à Israël, les pays arabes imposeront le 17 octobre 1973 un embargo sur le pétrole à destination des États occidentaux, ce qui conduit au choc pétrolier de 1973. Les pays arabes venaient ainsi de tester une nouvelle arme : le pétrole.

Quant à l’Etat hébreux et grâce aux Etats-Unis, Israël venait d’échapper à une dangereuse tentative visant à le rayer de la carte du Moyen-Orient. Ce fut aussi l'occasion pour les autorités de Tel Aviv de revoir leur politique étrangère. Chose faite. Le 17 septembre 1978, le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin signaient les Accords de Camp David sous la médiation du président américain Jimmy Carter, et avec un grand apport de feu le roi Hassan II. Un chemin qui sera aussi emprunté par la Jordanie, quelques années plus tard, au grand dam de la convention de Khartoum.

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com