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2 octobre 1955 ou l'anniversaire de la première opération de l'Armée de libération nationale

Le 2 octobre 1955, l’Armée de libération nationale mènera sa première opération dans le Nord du Maroc contre les forces du protectorat. Durant deux jours, les résistants marocains réussiront à infliger d’importants dégâts matériels et humains et contrôler les montagnes au nord de Taza. L’armée se divisera ensuite en deux courants pour continuer à opérer dans le sud du royaume jusqu’en 1958. Histoire.

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Photo d'illustration. / DR
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De 1912 à 1956, l’histoire de la lutte nationale contre la colonisation française et espagnole a été marquée par plusieurs étapes. Les dernières années précédant l'indépendance ont été sans doute les plus meurtrières. Dès 1950, la résistance nationale décide de franchir une étape cruciale ; celle de la lutte armée.

Le 2 octobre 1955, l’Armée de libération nationale (ALN), constituée quelques années auparavant, signera sa toute première opération contre l'armée française à Aknoul, Tizi Ouasli et Boured. Certains de ses éléments ne déposeront les armes qu’en février 1958 après l’opération «Ecouvillon» menée conjointement par la France et l’Espagne au Sahara. D’autres se tourneront contre le Maroc, formant le premier noyau du Front Polisario.

Plusieurs opérations visant les figures du colonialisme

Nous sommes le 20 août 1953. Avec l’exil du sultan Mohammed Ben Youssef et de la famille royale, la lutte armée atteint son apogée. Moins d’un mois plus tard, soit le 11 septembre 1953, le martyr Allal Ben Abdellah tentera d'assassiner Mohamed Ben Arafa, que les autorités coloniales venaient de désigner comme le successeur de Mohamed Ben Youssef. Les opérations visant les figures du colonialisme se multiplieront, tout comme les groupes et organisations secrètes.

Le 24 décembre, une bombe explose au marché central de Casablanca, faisant 18 morts et 40 blessés parmi les Européens. Dès l’année 1954, la résistance multiplie ses opérations, visant d’abord Thami El-Glaoui dans la mosquée Koutoubia à Marrakech le 20 février, puis le résident général Augustin Guillaume, le 24 mai. En juin 1954, le résistant Mohamed Zerktouni mettra fin à ses jours en avalant un comprimé de cyanure dans son domicile alors que les autorités coloniales sont à sa porte pour l’interpeller. Quelques mois plus tard, les autorités coloniales arrêtent plusieurs autres résistants à l’instar de Fqih Basri ou encore Moulay Abdeslam Al Jabli. Des arrestations qui ne changeront en rien la détermination de la résistance nationale de continuer son combat.

Le 14 juillet 1955, une bombe artisanale fabriquée par trois Casablancais explose devant le café Mers Sultan, situé dans le quartier éponyme, faisant six morts et une trentaine de blessés européens. La France, qui venait à peine de remplacer le général Guillaume par Francis Lacoste, fait désormais face à une grogne sociale et la contestation dans plusieurs villes du royaume chérifien.

C’est dans ces circonstances marquées par une tension montante au sein de la résistance nationale que Mohamed Ben Abdallah Ben Taïeb Ben El Habib, alias Abbas Messaâdi, quittera le Parti de l'Istiqlal pour rejoindre, avec Abdelkrim El Khatib, Abdellah Senhaji et Benaboud, l’Armée de libération nationale (ALN). Cette dernière a été fondée dans les années 50 par Abdelkrim El Khatib, El Ghali El Iraqi, Hassan Safieddine, Said Niâalat, Houcine Berrada et d’autres résistants, à en croire le témoignage du célèbre résistant Bensaid Ait Idder.

Photo de résistants marocains à l'époque coloniale. / Ph. DRPhoto de résistants marocains à l'époque coloniale. / Ph. DR

Un triomphe à Taza et dans les montagnes du Rif

Le 2 octobre 1955, l’Armée de libération nationale (ALN) lancera sa toute première opération contre l'armée française à Aknoul, Tizi Ouasli et Boured, soit dans la région de Taza et les montagnes du Rif. Les groupes de l'Armée de libération se sont alors déployés sur plusieurs fronts et ont livré des attaques coordonnées contre les postes des forces coloniales. Auparavant, «ils avaient reçu un entrainement militaire sous la supervision d’un certain Abdelkader Bouzar, un général algérien», raconte Bensaid Ait Idder.

Dans l’ouvrage «La Résistance et l'Armée de Libération - Une série d'événements de l'indépendance» publié par le Haut-commissariat aux anciens résistants et anciens membres de l'armée de libération, on raconte que près de 1 000 résistants marocains attaqueront plusieurs postes français près de Taza. Les forces coloniales répondront en appelant des renforts, qui arriveront le jour-même avec 14 camions militaires transportant des soldats sénégalais et des parachutistes. A Jbel Bou Iblane, des avions militaires frappaient les positions des rebelles.

Dès le 3 octobre, un grand avion militaire est endommagé au niveau de Tizi Oussli suite aux feux des résistants alors que près de Berkane, un officier français et six autres soldats sont tués. Ce jour-là, 220 français sont secourus à Aknoul alors que le journal Al Oumma affirmait que les hommes de l’armée de libération nationale avaient réussi à contrôler l’ensemble des montagnes situées dans le nord de Taza suite à ces interventions.

Les résistants infligeront aux forces d'occupation françaises de lourdes pertes sur les plans humain et matériel, notamment à Jbel Lakraâ, Bouskour, Tizi et Daren. «Les batailles à Aknoul, Tizi Ouasli et Boured étaient sans merci, malgré le manque d’armes dans les rangs des résistants», poursuit le résistant dans son témoignage accordé à la chaîne qatarie Al Jazeera. Parallèlement, dans la zone contrôlée par l’Espagne, les opérations menées sous les ordres d’Abdelkhaleq Torres, membre aussi de l’ALN, se poursuivent également.

Armée de libération du Sud et l'«opération Ecouvillon»

Le 16 novembre 1955, le sultan Mohammed Ben Youssef - futur roi Mohammed V - et sa famille débarquent à l’aéroport de Rabat. Le Maroc vient de gagner sa dernière bataille pour l’indépendance. Mais l’Armée de libération nationale ne baissera pas encore les armes. Ses membres considèrent que le royaume doit libérer l’ensemble de ses territoires, notamment ceux sous colonisation espagnole. Leur mission n’étant pas encore finie, ils refusent donc d’intégrer les Forces armées royales (FAR) ou de rendre les armes.

Le 29 mai 1956, la branche Nord de l’ALN fusionnera avec les FAR mais certains de ces membres partiront au sud rejoindre l’autre branche de l’ALN pour continuer de mener la vie dure aux Espagnols.

Abbas Messaâdi, l’un des fervents opposants à l’idée de rejoindre les FAR, est assassiné à Fès le 27 juin 1956. Dans son ouvrage «Hassan II, de Gaulle, Ben Barka. Ce que je sais d’eux» (édition Karthala, 2010), Maurice Buttin revient d’ailleurs sur ce crime jamais élucidé, rapportant même qu’un certain Karim Hajjaj soupçonné d’avoir assassiné Messaâdi aurait reconnu son crime et avancé l’avoir commis «sur ordre de Ben Barka». Le 3 juillet 1956, une cérémonie est alors organisée au Palais royal à Rabat où des membres de l’ANL, ayant récemment rejoint les FAR, viendront présenter leur allégeance au sultan Mohammed Ben Youssef.

Des engins blindés de reconnaissance (EBR) de l'armée française utilisés dans l'opération Écouvillon. / Ph. ECPADDes engins blindés de reconnaissance (EBR) de l'armée française utilisés dans l'opération Écouvillon. / Ph. ECPAD

Leurs camarades au Sud s’engageront auprès des résistants sahraouis dans leur guerre contre l’occupant espagnol. Des guérillas sont alors menées à différents endroits du Sahara, et notamment à Goulimine, Bou Izargen et Sidi Ifni. Les affrontements à Sidi Ifni et la résistance ardue au Sahara occidental pousseront l’Espagne à demander l’aide de la France pour une opération de pacification de la rébellion au Sahara, baptisée «Opération Écouvillon» en février 1958 après de longs mois d’affrontements avec les résistants.

L’opération aurait pris fin le 25 février et depuis, on ne garde de l’Armée de libération nationale que le souvenir d’une lutte acharnée pour l’indépendance et des témoignages de ceux ayant servi dans ses rangs.

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