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Grand Angle

Abdellah Ait Saïd : Entreprendre au Maroc, là où tout est possible, mais rien n’est certain [Portrait]

Cet ingénieur franco-marocain a regagné son pays natal en 2012 pour développer sa société de service en systèmes d’information. Il raconte les obstacles d’un Français revenu au pays et son intégration à un climat des affaires nouveau pour lui.

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Abdellah Ait Saïd est directeur général de la société de service en systèmes d’information, Open Logic/Géoloc. / Ph. CJD Maroc
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Au Maroc, les niches ont trouvé preneurs. Abdellah Ait Saïd, entrepreneur franco-marocain, est de ceux-là. Et c’est le secteur de la géolocalisation qui s’est attiré ses faveurs. En 2012, cet ingénieur natif de la province de Chichaoua, arrivé en France à l’âge de cinq ans dans le cadre d’un regroupement familial, débarque à Rabat pour y développer sa société de service en systèmes d’information, Open Logic/Géoloc Solutions, qu’il créé initialement en France en 2010. D’abord seul maître à bord, il est ensuite rejoint par cinq consultants et experts en système d’information.

Celui qui a grandi dans les Ardennes, à Charleville-Mézières, raconte : «J’avais envie de créer quelque chose au Maroc. Peut-être est-ce le fait d’avoir vécu à Montpellier, et de m’être ainsi rapproché de la Méditerranée qui m’en a donné l’envie. Je me suis intéressé à un projet de système de géolocalisation qui permet de localiser en temps réel des flottes de véhicules.»

Gros projets et équipes internationales

C’est que les défis, Abdellah Ait Saïd connaît bien. Après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur dans les systèmes d’information de l’Université des Sciences et Technologies de Lille 1 et de l’Université du Québec à Montréal en 1998 - «l’année de la tempête de verglas qui nous a privés d’électricité pendant des semaines !» -, le Franco-marocain intègre à Paris le cabinet Accenture, l’un des leaders mondiaux des services aux entreprises et administrations. Entre 1998 et 2004, il participe à la mise en place de projets d’intégration technologique chez de prestigieux clients tels que Airbus, Sainsbury’s UK, Auchan et Orange, qui le conduisent jusqu’aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et en Angleterre.

«Cette expérience m’a permis de gérer de très gros projets et de travailler avec des équipes internationales. Chacun venait d’un pays différent mais tous travaillaient de la même façon. C’était assez impressionnant à voir», se souvient Abdellah Ait Saïd. En 2005, il quitte la capitale pour Montpellier, d’où il continue de gérer sa toute première société de service en systèmes d’information, Absys Integration, qu’il créé la même année. Ce sera sa «période TGV», qu’il troque par la suite pour des liaisons entre la France et la Chine, histoire d’assurer le sourcing pour le matériel de son entreprise.

C’est finalement dans leur pays d’origine que lui et sa femme posent leurs valises en 2012. «Lorsque je suis arrivé au Maroc, je suis venu pour l’expérience. Avant de partir, ma femme était plutôt réticente à venir vivre ici. D’origine marocaine, elle avait un contact assez limité avec le Maroc, contrairement à moi qui entretenait des relations beaucoup plus fortes», poursuit l’entrepreneur, aujourd'hui père de trois garçons.

«Tout est possible, rien n’est certain»

A son arrivée, Abdellah doit composer avec un climat des affaires et un environnement culturel sans commune mesure avec la France. «Il y avait toute une dimension culturelle des affaires que je ne maîtrisais pas. Typiquement, au Maroc, le concept d’échéance est très délicat ; elle n’engage que celui qui l’inscrit. J’ai aussi rencontré des difficultés pour le recouvrement ; on travaillait beaucoup mais on avait du mal à faire rentrer l’argent. Il a donc fallu revoir la manière de maîtriser notre recouvrement au sein de la société. J’ai vraiment dû me remettre en question sur ça», confie l’ingénieur.

Côté relationnel, l’adaptation est également de mise : «Il m’a fallu être plus patient, plus concilient, accepter de demander et répéter les choses plusieurs fois. On peut avoir ce genre de cas en France, mais de manière isolée et sur un nombre d’individus limités. Il suffit qu’un petit paramètre émerge pour que les gens ne parviennent plus à analyser la situation par eux-mêmes et à respecter l’esprit de la demande. Mais j’avais beaucoup misé sur la formation ; je n’hésitais pas à revenir auprès des gens. Je privilégie avant tout une relation de personne à personne, non pas de patron à subordonné», revendique Abdellah Ait Saïd.

Reste que le Maroc est une véritable terre d’opportunités, estime le Franco-marocain : «Les opportunités sont là, ça c’est clair, mais il faut bien étudier son marché au préalable pour en connaître les tenants et aboutissants. Au Maroc, tout est possible, rien n’est certain. Après, bien sûr, le fait d’avoir grandi en France aide : c’est un gage de sérieux et de rigueur auprès des Marocains.»

Son affiliation au Centre des jeunes dirigeants (CJD) Maroc, dont il est le vice-président pour le mandat 2017-2019, lui a également donné un coup d’impulsion : «J’y ai trouvé un support moral aux côtés de chefs d’entreprise vers lesquels je me suis ouvert, notamment au début. J’ai réussi à démystifier certains problèmes, ce qui m’a permis de sortir la tête de l’eau et de recadrer un certain nombre de choses auxquelles je ne prêtais pas attention, trop occupé à avoir le nez dans le guidon.»

Philosophe, Abdellah Ait Saïd reste enthousiaste : Il paraît que le nombre d’années qui permettent de dire qu’on s’est habitué, c’est deux ans. J’ai beaucoup d’amis qui sont venus et ont finalement quitté le Maroc à l’échéance de ce seuil fatidique. Moi, ça fait cinq et je suis encore là !»

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