Mohamed Chaïb, ex-député au parlement catalan : «La majorité des MRE en Catalogne est opposée à l’indépendance»

Comment la communauté marocaine vit-elle le bras de fer entre Barcelone et Madrid au sujet du referendum d’indépendance de la Catalogne du 1 er  octobre ?

Avec une certaine "préoccupation". Les Marocains n’ont jamais souhaité une telle séquence historique car la majorité veut une Catalogne à l’intérieur de l’Espagne comme c’est le cas aujourd’hui. Ils ont de l’estime pour la Catalogne et pour l’Espagne.

D’après votre expérience, politique et associative, les Marocains ayant le droit de voter au referendum appuieront-ils l’option de l’indépendance ?

Il y a certains qui vont voter pour l’indépendance mais la majorité ne va pas appuyer le referendum, d’ailleurs les Marocains participent déjà peu aux élections dites «normales». Ils seront moins enthousiastes à prendre le chemin des urnes tout simplement parce que le referendum ne les intéresse pas.

Des partis catalans avaient par le passé tenté de convaincre les Marocains de Catalogne de voter en faveur de l’indépendance...

J’ai le sentiment que les Marocains ne sont intéressés ni par le referendum du 1^er octobre ni par l’indépendance. Ce qui ne signifie pas que certains membres de la communauté des MRE n'y portent pas un intérêt particulier mais ils restent une minorité.

Le soutien apporté par des partis catalans au "Hirak" du Rif sera-t-il déterminant à l’heure du vote des Marocains ?

Sans aucun doute c’est un thème qui pèsera. C’est justement pour cela que j’ai dit que certains Marocains sont en faveur de l’indépendance de la Catalogne. Il y a des partis politiques dans la région qui instrumentalise cette question, telle la CUP (Candidature d’Union Populaire, un allié de Podemos, ndlr). C'est la formation qui soutient le plus énergiquement le «Hirak».

En cas de victoire du "oui", quelles seront les conséquences pour les Marocains vivant en Catalogne ?

Il semble que vu le contexte actuel et le niveau très élevé de confrontation entre la Catalogne et l'Espagne, le referendum ne sera pas organisé. Mais au cas où la consultation aura lieu avec une victoire du «oui», celle-ci n’aura pas immédiatement force obligatoire sachant qu’elle doit être reconnue au préalable par l’Union européenne et par la communauté internationale ; ce que l’Espagne ne permettra jamais. C’est pourquoi je ne vois pas de conséquences immédiates sur les Marocains vivant en Catalogne.

Est-vous confiant en l’avenir de la Catalogne ?

Certainement. La Catalogne est et restera le moteur économique de l’Espagne. Maintenant l'enjeu pour la Catalogne est le choix d'un nouveau système fiscal. Après plusieurs années de solidarité avec d’autres régions en Espagne, les Catalans réclament un nouveau système fiscal leur permettant de progresser socialement et économiquement.

J’avais voté au parlement catalan pour le Nouveau Statut de la Catalogne (le 30 septembre 2005, ndlr) qui n’a jamais revendiqué l’indépendance. Mais une fois au pouvoir, le Parti Populaire a veillé à éliminer toutes les questions importantes dont le financement. Je reproche au PP d’avoir laissé trainé les choses au point d’en arriver dans une situation délicate. Le PP aurait dû privilégier la voie du dialogue et accorder aux Catalans le système fiscal qu’ils méritent.

A votre avis une solution politique est-elle encore possible ?

Une solution politique est la seule permettant de mettre un terme à cette confrontation qui ne bénéficie ni à l’Espagne ni à la Catalogne. Par ailleurs, je ne suis pas d’accord avec la solution de convoquer un referendum illégal et unilatéral…

Le Maroc a-t-il intérêt à s’opposer au referendum de la Catalogne ?

Je suis convaincu que le Maroc souhaite voir perdurer le contexte actuel, c’est-à-dire une Catalogne à l’intérieur de l’Espagne et donc garder des bonnes relations avec les uns et les autres.