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Grand Angle

Viande putréfiée de l'Aïd : Retour sur une polémique qui divise encore

Au Maroc, mais également en Algérie, plusieurs foyers ont été touchés par ce malheureux incident qu’est le pigment bleu-vert qui s’est déposé sur la viande de l’Aïd Al-Adha. Les deux pays ont tranché, indépendamment : c’est bel et bien une contamination bactérienne qu’est à l’origine de la putréfaction de la viande. Mais dans cette affaire, ce n’est pas le seul sujet qui fâche les Marocains, les pharmaciens et les vétérinaires du royaume. Détails.

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La Fédération algérienne des consommateurs a annoncé que les analyses ayant été effectuées sur des échantillons de viande putréfiée ont révélé la présence de bactéries de type Pseudomonas Aeruginosa, responsables de l’altération rapide de la viande fraîche et des produits laitiers, indique le quotidien algérien Al-Khabar.

Au Maroc, l’ONSSA avait expliqué aux consommateurs marocains que la teinte verdâtre et l’altération de l’état de la viande seraient dues «à une contamination bactérienne de types Pseudomonas, clostridies, coliformes et staphylocoque».

Pseudomonas Aeruginosa est l’espèce-type des Pseudomonas, également appelée bacille du pus bleu. Allongée et en forme de bâtonnet, elle est largement répandue dans l’environnement et se trouve chez l’homme et l’animal au niveau des fosses nasales.

Peu exigeante contrairement aux autres bactéries, elle se développe dans les milieux usuels, même les plus simples et ne demande quasiment aucun facteur de croissance. Elle possède aussi une grande tolérance dans les gammes de températures modérées, allant de 4 à 42 degrés, ce qui n’entrave pas sa croissance dans les milieux réfrigérés. La bactérie sécrète de la Pyocyanine, pigment vert-bleu à l’origine de la transformation de couleur de la viande.

Le médicament à usage vétérinaire, entre pharmaciens et vétérinaires

Au Maroc, suite à la polémique sur la teinte verdâtre de la viande de l’Aïd, un scandale sanitaire a été révélé par la confédération des syndicats de pharmaciens du Maroc. Son président avait même fait état d’«injections de produits chimiques destinés à faire grossir les animaux». Des injections qui seraient, selon lui, à l’origine de la putréfaction de la viande chez certaines familles marocaines.

Contacté cette semaine par Yabiladi, le président du conseil de l’ordre national des pharmaciens, Dr Hamza Bdira précise que le circuit légal par lequel passe la viande destinée à la consommation est contrôlé par l’ONSSA, organisme étatique faisant de l’excellent travail et d’une grande confiance.

Quant aux propos de son collègue du syndicat des pharmaciens, Hamza Bdira rectifie le tir. Il déplore un autre un circuit échappant à tout contrôle : Celui qui concerne les médicaments à usage vétérinaire ou encore les pesticides, achetés en contrebande. «Souvent périmés et manipulées par des personnes inexpérimentées qui peuvent dépasser les doses autorisés, ces produits ont des répercussions très graves sur la santé de l’animal et celle du consommateur en conséquence», nous confie-t-il. Le président du conseil de l’ordre national des pharmaciens déplore enfin la facilité d’obtention d’un médicament à usage vétérinaire au Maroc.

Au Maroc, l’article 34 de la loi 17-04 du Code du médicament et de la pharmacie, promulgué en 2006, indique que lorsque la prescription porte sur un médicament vétérinaire, le pharmacien doit également s'assurer que l'ordonnance précise aussi l'identité et l'adresse du détenteur de l'animal concerné ainsi que l'espèce de ce dernier. Une mesure pas tout le temps respectée. En effet, en l’absence parfois du pharmacien, ce sont d’autres employés sans formation préalable qui peuvent s’occuper de la délivrance des médicaments. Un cas de figure qui favorise l’abus de médicaments à usage vétérinaire par les éleveurs.

D’autres points qui fâchent les vétérinaires

Revenant sur la polémique née au lendemain de l’Aïd Al Adha célébré vendredi 1er septembre dans le royaume, le président du conseil de l’ordre national des vétérinaires, Dr Badre Ouazzani, nous précise encore une fois que «la cause de l’altération de la viande est d’origine directe». «C’est à dire pendant la saignée de l’animal», enchaîne-t-il. Notre interlocuteur confirme aussi la présence de la bactérie Pseudomonas, qui serait à l’origine du pigment vert-bleu. Badre Ouazzani avance que «seulement 700 cas d’ovins touchés ont été enregistrés sur 5,5 millions de têtes abattues».

«Le rapport est minime et l’ONSSA, dont la mission est l’homologation des pesticides, la surveillance vétérinaire des animaux d’élevage et contrôle des aliments importés et exportés, ne dispose pas à d’assez d’informations pour démarrer une investigation», regrette-t-il.

Pour cela, l’ONSSA compte mettre en place un système d’identification dès janvier 2018 pour améliorer la traçabilité et mieux identifier la chaîne par laquelle passe la viande destinée à la consommation et ce, de la naissance de l’ovin jusqu’à l’arrivée de la viande sur la table du consommateur.

Grâce à ce système, les investigations auront enfin un sens. Mais en attendant, aucune investigation n’est possible aujourd’hui concernant cette affaire faute d’informations suffisantes. La plupart des familles touchées ne disposant d’aucune information sur la provenance de leurs ovins.

Badre Ouazzani pointe également du doigt le non-respect du délai d’attente par les éleveurs. En effet, il est connu que les denrées alimentaires d’origine animale peuvent contenir des résidus de médicaments administrés aux animaux destinés à l’abattage. Ces résidus peuvent avoir des effets nocifs sur la santé de l’être humain. Dans un souci de protection de la santé publique, les autorités sanitaires exigent un temps d’attente. Ce délai est le temps entre la dernière administration du médicament à usage vétérinaire et l’abattage pour que la teneur en substances actives provenant du médicament soit suffisamment basse et donc inoffensive pour le corps humain.

Le système d’identification promis par l’ONSSA permettra-t-il d’éviter que ce scandale sanitaire se reproduise l’année prochaine ? Il est à rappeler qu’au Maroc, la consommation de viande est tout autant importante qu’en période de l’Aid Al-Adha, pour reprendre les mots du président de l'Ordre national des vétérinaires.

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