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Grand Angle

Un Algérien photographie les Amazighs du Haut Atlas

Ferhat Bourdat présente actuellement dans le cadre du festival de photoreportage Visa pour l’image à Perpignan, en France, son exposition : «Berbères au Maroc, une culture en résistance». Une exposition documentaire comme pour conserver trace d’une culture en perdition.

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Amazighe du Haut Atlas ; photographie presentee pendant l'exposition « Berbères au Maroc, une culture en résistance » (c)Ferhat Bouda
Amazighs du Haut Atlas ; photographie presentee pendant l'exposition « Berbères au Maroc, une culture en résistance » (c)Ferhat Bouda
Amazighes du Haut Atlas ; photographie presentee pendant l'exposition « Berbères au Maroc, une culture en résistance » (c)Ferhat Bouda

Un Algérien photographie le Maroc : il ne pouvait être que Kabyle. Ferhat Bouda expose dans le cadre de Visa pour l’Image, du 2 au 17 septembre à Perpignan, une série de photos documentaires prises dans les villages amazighs du Haut Atlas Tinfgam et Timedta - inutile de les chercher sur une carte, ils n’y figureront pas. Né en 1976, près de Bouzeguéne (Tizi Ouzou) et résidant aujourd’hui à Francfort, le photographe kabyle est un fervent militant de la cause transnationale amazighe culturelle et politique. «J’ai voulu monter un peuple en résistance ; résistance, d’abord, à la nature très rude et aux Etats, surtout, qui imposent d’autres cultures et d’autres langues », explique-t-il.

Les photos exposées à Perpignan montrent des femmes aux mises pauvres, aux visages burinés, des enfants échevelés et sales, le regard éclatant. Tinfgam est un village « situé à 2 000 mètres d’altitude que l’on atteint après trois heures de marche sur un sentier escarpé. Les maisons sont faites de pierre et de terre cuite quand elles ne sont pas directement aménagées dans les grottes qui parsèment les crêtes et les collines abruptes du territoire. Les villageois sont paisibles, animés d’une force tranquille. Ce sont pourtant les oubliés du gouvernement qui les marginalise à dessein. Aucune infrastructure n’est mise en place pour assurer leur santé ou leur éducation ; il n’y a ni dispensaire ni école, pas même l’électricité. Mais les Berbères sont indépendants. Par leur connaissance profonde de l’environnement et leur savoir-faire, ils parviennent à l’autonomie alimentaire en travaillant la terre, en élevant des chèvres. Leur mode de vie est intimement lié au territoire qu’ils habitent et s’organise au jour le jour, suivant le rythme de la nature. En dépit des conditions de vie précaires, il règne dans le village une atmosphère chaleureuse, familiale. Les femmes y occupent une place centrale, les hommes étant pour la plupart partis travailler sur d’autres terres. Elles sont ainsi devenues les gardiennes de la mémoire vive, des traditions et de la culture amazighes», raconte Ferhat Bouda dans la présentation officielle de son exposition.

La photo en noir et blanc, témoin du passé

Prises en noires et blanc les images, très belles et très fortes mais dans une représentation très classique de ces villages isolés, ont tendance à dramatiser l’atmosphère. Loin de cette ambiance chaleureuse que raconte le photographe, elles évoquent plutôt des gravures et renvoient les habitants dans le passé. Un effet assume par Ferhat Bouda : «on me reproche de montrer la misère mais pour moi, c’est comme si je faisais un voyage dans le passé», explique l’auteur dans une interview donnée dans le cadre d’une précédente exposition sur les femmes amazighes. «C’est important de montrer ces personnes dont la façon de vivre n’a pas été influencée parfois depuis des millénaires», ajoute-il dans la vidéo de présentation diffuse par Visa pour l’image. Dans sa perspective militante de préservation de la culture amazighe, il est en effet important pour l’auteur de souligner que les berbères sont les plus anciens habitants d’Afrique du nord.

L’une de ses photos montre une des femmes qui entre dans la grotte où elle habite. Elle est photographiée de dos et les carreaux blancs de sa longue robe contrastent avec l’ombre noire que forme l’entrée de la grotte. «Cette femme part dans le noir : cette image est très symbolique. Est-ce que sa culture va entrer dans le noir et disparaître, comme celle des indiens d’Amérique, ou bien est-ce qu’elle va rester telle qu’elle est là, sur la photo, ni dans le noir, ni dans l’existence juste dans la survie ?», interroge-t-il dans la vidéo du festival.

Ferhat Bouda était parmi les rebelles amazighs en Libye au début de la révolution. / (c)FerhatBouda/VuFerhat Bouda était parmi les rebelles amazighs en Libye au début de la révolution. / (c)FerhatBouda/Vu

Projet de livre

Le travail de Ferhat Bouda sur les Amazighs ne commence ni ne s’arrête son exposition de Visa pour l’Image. «J’ai commencé par photographier ma famille [sa grand-mère en particulier, qu’il adorait, ndlr], mon village, ma région, avant d’élargir», explique-t-il dans un entretien accordé à France Inter. Il a commencé par un premier photoreportage en Lybie entre octobre et décembre 2011 pour l’agence Vu. Il documente alors l'enrôlement du peuple berbère dans la guerre civile libyenne. Quatre ans plus tard il se rend à Kidal, au Nord-Mali, à 1200 kilomètres de Bamako pour partager le quotidien des membres du mouvement indépendantiste MNLA. La même année, il sillonne le massif de Djurdjura en Algérie où le français Hervé Gourdel a été exécuté le 24 septembre 2014 par des jihadistes. Il photographie notamment des manifestations en hommage à Hervé Gourdel à Tizi Ouzou qui traduisent une exaspération de la population locale kabyle devant l'insécurité générale et l'impuissance gouvernementale face à la menace terroriste.

Ferhat Bouda prépare deux nouveaux voyages cette année - Tunisie et Egypte - pour compléter son travail sur les Amazighs qu’il prévoit de rassembler dans un livre d’ici un an.

Ferhat Bouda est allé à la rencontre des Amazighs du MNLA, au Mali. (c)FerhatBouda/VuFerhat Bouda est allé à la rencontre des Amazighs du MNLA, au Mali. (c)FerhatBouda/Vu

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