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Interview

Abdeslam Balaji démêle le vrai du faux sur les nouvelles banques participatives au Maroc [Interview]

La semaine dernière, le Conseil supérieur des oulémas a donné le feu vert à la Banque centrale du royaume pour la finance islamique. Depuis mercredi, les cinq banques marocaines agréées proposent leurs premiers services aux clients intéressés. Jusqu’à aujourd’hui, trois banques, Umnia Bank, Bank Assafa et Bank Al Yousr ont démarré leurs activités. Abdeslam Balaji, professeur de finance islamique, nous donne des explications et des précisions sur ces nouvelles banques.

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Abdeslam Balaji, professeur de finance islamique et président de l’Association marocaine de la finance islamique. / Ph. DR
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Avec le lancement officiel des banques participatives au Maroc et le début des campagnes de communication, certains confondent les différents concepts et s’interrogent sur le type de crédit qu’accorderont ces banques à leur client, ainsi que sur le financement. Expliquez-nous d’abord la différence.

Les banques participatives n’accordent pas de prêts mais plutôt des financements. Elles ne feront que financer les besoins des clients. Cela inclut les biens immobiliers, les équipements, les moyens de transport, les outils de production. Tout cela peut se faire soit par l’achat, par la banque, du bien pour son client, soit par sa participation à l’achat. Il n’y a donc pas de prêt d’argent.

On parle aussi de crédit sans intérêt, mais il n’est pas stipulé par la loi. Il s’agit seulement d’un crédit volontaire, comme si un membre de votre famille acceptait de vous prêter de l’argent sans intérêt. Dans ce cas de figure, la loi n’oblige pas la personne à vous prêter de l’argent.

Pour les banques participatives, elles peuvent accorder des crédits sans intérêt, mais cela entre seulement dans le cadre des relations entre une banque et son client. La loi ne stipule pas tout ce qui relève du volontariat.

Quels sont les produits et les offres présentés actuellement ?

Les trois banques participatives qui viennent de lancer officiellement leurs activités présentent des offres et des produits. L’offre concerne l’ouverture de comptes bancaires, donc des dépôts. Quant aux produits, il s’agit du financement pour l’acquisition de biens immobiliers. Les banques ne financent pas encore tout ce qui attrait aux équipements et aux moyens de transport, parce qu’il faut un avis et une décision de la banque centrale et de la commission des finances participatives au sein de l’instance de l’Iftae (avis religieux) du Conseil supérieur des Oulémas. Jusqu’à maintenant, seules les décisions concernant les ouvertures de comptes et les financements de biens immobiliers ont été publiées par Banque Al Maghrib après l’avis de la commission des finances participatives. Cela commencera progressivement avec à chaque fois un produit ou un service, ou les deux, conformément à la loi.

Le nombre d’agences annoncées par les trois premières banques reste limité...

Des agences ouvriront dans plusieurs villes. Dans un an, les cinq banques participatives disposeront d’une centaine d’agences bancaires propres au Maroc, en plus des services et de produits participatifs qui seront présentés dans des agences classiques. Au total, on aura entre 110 et 115 agences en l’intervalle d’une année. Cela nécessite des préparatifs, la mise en place d’agences, des moyens logistiques et humains.

Certains demandent s’ils peuvent faire des rachats de crédit accordés par des banques classiques auprès des banques participatives ?

C’est tout bonnement impossible parce qu’il s’agit de deux transactions. Les dispositifs de la loi régissant les banques classiques ne sont pas les mêmes que les banques participatives. On ne peut donc pas mélanger les deux. Ceux qui comptent déjà parmi les clients d’une banque doivent y rester et ne pas espérer transférer leur transaction vers un autre type de banque. S’ils souhaitent devenir client avec une banque participative, ils n’auront qu’à commencer dès le début.

Certains évoquent aussi des taux d’intérêt et des coûts encore plus élevés que ceux des banques classiques, alors que d’autres déclarent qu’en cas d’achat de maison par le biais de ces banques,  les clients doivent régler à deux reprises les mêmes impôts. Est-ce vrai ?

Ce n’est pas vrai. Les gens jugent et comparent avec les facilitations et les produits alternatifs disponibles depuis 2007, qui avaient un autre cadre et une autre loi. Les Marocains doivent voir la nouvelle loi et les lois-cadres. Certains affirmaient même que le retard du lancement était dû à des entraves mais en réalité, le retard est dû à la volonté que ces banques participatives fassent une entrée remarquable sur le marché marocain et soient compétitives par rapport aux banques classiques.

Il faut savoir que la banque centrale a aussi veillé à ce qu’il n’y ait pas une grande différence entre les produits des banques classiques et ceux des banques participatives.

Pour la double imposition, soit le fait de payer les mêmes impôts deux fois, l’Etat a déjà mis fin à ce genre de situation. Quant à l’enregistrement des titres fonciers, qui s’effectuait en deux temps, il se fait désormais en une seule fois. Encore une fois, les gens comparent en rappelant les produits de financement alternatif.

En tant que spécialiste de la finance islamique, comment voyez-vous le secteur des banques participatives au Maroc ?

Il y a un engouement. Preuve en est de l’intérêt porté notamment par les médias sur ces nouvelles banques. Même les cinq banques qui ont demandé des autorisations ont effectué des études sur le marché. Elles en ont conclu qu’il y aura un engouement pour ces produits et ces offres. Elles ont indiqué qu’entre 10 et 15% de l’ensemble des banques classiques deviendront clients chez les banques participatives. C’est un chiffre considérable.

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