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Grand Angle

Banques marocaines : Plus de créances (douteuses) en Afrique

Plus rentables qu’au Maroc, les prêts de la BMCE, Attijariwafa et BCP accordés par le biais de leurs filiales africaines sont aussi plus souvent «douteux» et donc risqués. Bank Al Maghrib se montre cependant rassurante.

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«Dans ce contexte, le secteur bancaire est parvenu à préserver un bon niveau de rentabilité et de capitalisation, grâce notamment à son expansion en Afrique et à la diversification de ses activités», a déclaré Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al Maghrib, devant le roi, samedi 29 juillet. Les banques marocaines ont trouvé sur le continent un relai de croissance face à un marché national en ralentissement. L’an dernier, la BCP a ouvert une succursale en Guinée-Bissau et une filiale au Tchad, tandis que la BMCE obtenait l’agrément du Cameroun. En début d’année, Attijariwafa Bank a également bouclé le rachat de Barclay en Egypte.

Autant investissements rentables : avec seulement 23% de ses prêts accordés en Afrique, Attijariwafa réussi à produire 28% de ses revenus nets bancaires en 2016 ; 25% de prêts accordés en Afrique par la BMCE ont produit 47% de ses revenus et 12% ont produit 17% des revenus de la BCP, selon la dernière publication de l’agence de notation Moody’s pour le Maroc, le 27 juillet. «Le retour des banques sur les actifs africains est supérieur aux rendements intérieurs malgré un coût de risque plus élevé», souligne le rapport de Moody’s.

Coût du risque plus élevé

Le coût du risque est plus élevé parce que le risque en Afrique subsaharienne est plus élevé qu’au Maroc. Ainsi, Moody’s révèle que la part des créances douteuses parmi les prêts accordés par Attijariwafa n’est que de 6,8% au Maroc, contre 9,1% en Afrique subsaharienne ; 7,4% pour la BMCE au Maroc, contre 11,1% en Afrique subsaharienne.

Chaque banque doit couvrir ce risque en provisionnant des réserves tampons car si leur stabilité était mise en cause par une crise les conséquences en chaîne sur toute l’économie marocaine seraient considérables. Les trois banques - Attijariwafa, BMCE et BCP - à avoir entrepris une politique d’expansion continentale représentent ainsi à elles seules les deux tiers des actif bancaires marocains.

Règlementée par Bank Al Maghrib, la couverture de ces risques n’est toutefois pas identique dans toutes les banques. Le taux de couverture des prêts douteux par la BCP est notamment plus élevée pour les prêts accordés en Afrique - 91,2 % - que pour ceux accordés au Maroc - 73,3%. Au contraire, les créances douteuses marocaines de la BMCE sont couvertes à 65,3%, contre 50,4% seulement pour les mêmes créances accordées en Afrique, selon Moody’s. L’agence américaine n’est pas la première à donner l’alarme - en février 2016, le FMI appelait les banques marocaines à la vigilance - mais certainement la première à se montrer aussi précise.

BAM rassure

Dans son dernier rapport sur la Stabilité Financière, rendu publique la semaine dernière, la Banque centrale marocaine se veut particulièrement rassurante. «Le risque de contagion transfrontière pouvant émaner des filiales des banques marocaines implantées en Afrique reste très faible», assure-t-elle, car «les prêts accordés par les trois banques à leurs filiales implantées à l’étranger continuent d’afficher des niveaux très limités. Ces prêts se répartissent sur plusieurs zones géographiques, avec une part de 41% accordée à la Tunisie, 13% au Gabon et 10% au Mali.»

La BAM affirme ainsi avoir soumis les trois banques à un stress test «bâti sur la base d’une hypothèse défaut de l’ensemble de ces filiales occasionnant une perte des expositions portées par leurs maisons mères», autrement dit en faisant l’hypothèse que la maison mère soit obligé de renoncer à recouvrer tous les prêts accordés en Afrique subsaharienne. Ce test «confirme la résilience des banques à de tels chocs, compte tenu de leur assise financière  du niveau faible de leurs expositions sur leurs filiales situées à l’étranger», rassure la BAM.

Elle travaille d’ailleurs à renforcer cette résistance par ses règlementations, le suivi des opérations bancaires et sa collaboration avec les autorités régulatrices dans les pays d’implantation des banques marocaines. Ainsi si elle constate, comme Moody’s ou le FMI, que les créances en souffrance portées par les filiales à l’étranger, notamment en Afrique subsaharienne, augmentent «portant le taux de risque de 9,6% en 2016, contre 9,7% une année plus tôt», elle se réjouit que «le taux de couverture de ces créances par les provisions s’est amélioré d’une année à l’autre de 4 points à 72%.»

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