Menu

Grand Angle

Santé : La banque de sang placentaire ou l'espoir de guérison pour les malades

Le lancement hier de la banque de sang placentaire par le CHU Mohammed VI de Marrakech, a été qualifié de prouesse technologique. Une première pour le Maroc qui avait besoin de ce projet pour des malades dont les chances de guérison sont réduites dans le royaume. Détails.

Publié
Image d'illustration. /Ph. DR
Temps de lecture: 4'

Il est un fait indéniable que la culture du don de sang au Maroc n'en est qu'à ses prémices. Les campagnes de sensibilisation ne manquent pas et les appels aux dons se succèdent, mais le manque est encore grand dans le domaine. C'est le cas également pour les dons particuliers tel que le don de sang placentaire (aussi appelé sang de cordon) qui n'existait jusqu'alors pas dans le royaume et qui pourtant sauverait des vies. Des vies qui n'ont pas la chance au Maroc de voir d'autres alternatives que le don de moelle osseuse. En effet, dans le cas où un malade aurait besoin de cellules souches hématopoïétiques (CSH) et ce notamment pour les maladies du sang ou dans les cas cancéreux qui sont aussi exposés à ce phénomène de part les chimiothérapies qui détruisent les cellules, une seule option s'offrait à lui : celle de trouver un donneur compatible de moelle osseuse, souvent au sein de la famille.

C'est donc pour remédier au phénomène et pour le dissiper petit à petit que le CHU Mohammed VI de Marrakech a lancé hier la toute première banque de sang placentaire à l'échelle nationale. Une initiative qui se veut novatrice pour le pays, pour le corps médical et surtout pour les patients. Coordonnée par les services de la maternité, la coordination de greffe d'organe et tissus, les différents laboratoires et le service d'hématologie clinique du CHU Mohammed VI, cette banque a pour objectif de concentrer le plus grand nombre et le plus rapidement possible de greffon conservés afin de constituer un stock important, de répondre ainsi à la demande et à l'attente des malades mais aussi d'augmenter leurs chances de trouver un greffon compatible, note le communiqué de presse parvenu à Yabiladi.

Le don du sang placentaire, c'est quoi ?

Le don du sang placentaire, encore méconnu au Maroc, est en réalité une «prouesse» pour le pays. Privé de fichier et de base données dans le domaine, le Maroc pourra désormais à travers cette première banque faire face à la demande. Joint par Yabiladi, le professeur Anass Belbachir, responsable de la banque de sang placentaire au centre de recherches cliniques du CHU Mohammed VI de Marrakech, explique :

«Le sang qui reste dans le placenta et le cordon ombilical après la naissance du bébé est ce qu'on appelle le sang placentaire. C'est ce qui est aujourd'hui jeté avec le placenta alors que les études occidentales ont montré que ce sang là est riche en CSH.»

La pratique a vu le jour en France dans les années 1980 pour sauver un malade privé de donneur dans sa famille faute de compatibilité, de là est né le concept de banque de sang placentaire.

Un malade qui a besoin d'une greffe de CSH ne peut recourir qu'à une greffe de moelle osseuse ou de sang placentaire. Or, la première alternative est compliquée si le malade ne trouve pas de donneur compatible. Tandis que la deuxième option offre plus de chances à travers les banques de sang placentaire puisque dotées de stocks permettant d'accroître les chances de trouver un greffon compatible.

Le professeur le souligne d'ailleurs : «la problématique vient du fait que les malades qui ont besoin d'une greffe de CSH ne trouvent pas toujours de donneur dans la famille. Les statistiques en France par exemple disent que le tiers de ces malades vont trouver des donneurs dans la famille, le deuxième tiers en dehors de la famille et donc dans des fichiers internationaux, qui ne sont pas disponibles au Maroc, et le dernier tiers c'est le sang placentaire.»

En effet, d'après lui le Maroc ne dispose pas de base de données et donc amenuise les chances des patients du simple fait que «si on calque sur ces chiffres, on a qu'un tiers des malades qui trouvent donneur dans la famille et les deux derniers tiers n'ont donc rien», note le médecin.

Pour ce faire, les maternités marocaines sont aujourd'hui ciblées : «on demande aux mamans si elles sont d'accord, d'ailleurs ça ne constitue aucun danger ni pour la mère ni pour le bébé», expose Anass Belbachir. Et de préciser : «il existe deux techniques, généralement on pratique le prélèvement alors que le placenta est toujours à l'intérieur de l'utérus mais on peut aussi le faire après extraction du placenta. Pour le moment on a adopté la deuxième technique pour prélever dans une salle juste à côté où la sage femme va pouvoir prélever le greffon tranquillement.» Car en effet, le geste est pratiqué par les sages femmes qui pour ledit centre ont été formées par l'hôpital de Londres, avise le professeur.

Une lueur d'espoir pour les malades

Cette nouvelle chance offerte aux patients est aussi une lueur d'espoir pour les médecins : «être devant un malade et savoir que la seule indication c'est la greffe, que vous n'avez rien d'autre à lui proposer, c'est un peu difficile», se désole Anass Belbachir. Ainsi, les premiers concernés par le phénomène sont les personnes souffrant de maladies du sang, de maladies cancéreuses tels que les leucémies aiguës, les lymphomes ou encore les neuroblastomes ; mais aussi les maladies non cancéreuses, donc hématopoïétiques, dans les cas où la moelle osseuse ne fonctionne plus comme les aplasies médullaires.

Une autre catégorie de malades est visé : les enfants. «C'est un grand candidat à la greffe, il y a des enfants qui ont des pathologies soit hématopoïétiques mais aussi cancéreuses. On donne la chimio à des doses très importantes et on essaye de tuer ce cancer, mais on va aussi léser et atteindre la moelle osseuse. Il faut donc proposer la greffe dans la foulée», commente Anass Belbachir. Des cas qui très souvent, s'ils ne trouvent pas de donneur compatible dans leur famille, sont résignés et restreints à ne plus rien faire.

«Si dans la famille ça ne marche pas, ils n'ont aucune alternative si ce n'est partir à l'étranger, ce qui est extrêmement cher. Donc aujourd'hui on va pouvoir leur apporter quelque chose de nouveau et de simple, car c'est un déchet. Potentiellement, toute grossesse peut être sujette, et si nous avons un stock suffisant nous pourrons traiter une bonne partie des malades.»

D'après le responsable, ni listing ni priorité ne sont prévus si ce n'est les tests de compatibilité : «lorsque nous recevons le prélèvement nous déterminons le type de compatibilité HLA que l'on note sur un fichier.» C'est ce fichier qui servira de base de données à la banque pour répondre favorablement à chaque receveur selon le stock, sinon le patient devra attendre que la banque ait le bon HLA pour lui.

Ainsi les greffons sont conservables des années grâce aux technologies de pointe dont dispose le centre et les méthodes de conservations pour lesquelles il a opté. Le nouveau centre est aujourd'hui effectif pour répondre à la demande d'un tiers des malades. «Ça fait déjà quelques mois que nous faisons des tests parce qu'il faut roder le système. On va démarrer d'abord par quelques jours par semaine pendant cet été et en septembre nous serons opérationnels à 100%», confie le médecin. «La demande est là et elle est croissante, il faut qu'on y fasse face», conclut-il.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com