Insultes, parfois à caractère raciste, intimidations, et bousculades : un quotidien difficile à supporter pour Karima et Leila*, deux jumelles d'origine marocaine de 10 ans. L'école Saint Exupéry, dans la petite commune de Bondoufle, en Essonne, n'a pas réussi à gérer ce conflit, relayé par Le Parisien, et les instances responsables - la mairie et l'inspection académique - n'ont pas aidé à régler le problème. Au contraire, le directeur de l'inspection académique de l'Essonne est allé jusqu'à qualifier le père des fillettes de «vindicatif voire menaçant». Farid Z.*, le père, répond en déposant plainte contre le directeur de l'inspection académique, pour diffamation. Sa plainte s'ajoute à d'autres, sur lesquelles le parquet ne s'est pas encore prononcé.
Une équipe pédagogique impuissante ?
Le père revient sur le vécu de ses filles dans l'école Saint-Exupéry de Bondoufle. Depuis 2009, un groupe de filles ne lâchait plus les deux jumelles, selon Farid Z. Pourquoi ? «De la jalousie au regard de leurs bonnes notes», explique le père. En classe et pendant les récréations de cette petite école primaire de moins de 150 élèves, les bousculades se seraient répétées. Lunettes jetées par terre et cachées, des gifles, des insultes poursuivaient même les fillettes en dehors des classes, via internet. «Ta gueule, c'est moi qui a eu le dernier mot, petite conne, arrête de vouloir faire genre que tu sais te battre, je te pousse avec mon doigt t'es au sol», voilà un des messages (corrigé) postés sur le mur MSN d'une des jumelles. Ces messages «que tout le monde pouvait lire, même les cousines au Maroc», témoignent d'un climat haineux.
Cette situation, l'école n'est manifestement pas parvenue à la gérer. Après qu'une des jumelles aurait été «frappée violemment et giflée», la directrice aurait reconnu ne pas pouvoir faire grand chose. Elle aurait simplement proposé de porter plainte auprès de la police, explique-t-il. «Elle a même annoncé ça à l'enfant pendant les cours. Ce qui a causé à mes filles encore plus de dérangements», se plaint-il.
Quand les problèmes se sont intensifiés, fin 2010, la directrice n'était pas disponible pour un rendez-vous. Une mère d'élève aurait commencé à prendre part au conflit. Elle serait venue «harceler nos filles à la sortie d'école et même dans les lieux publics», rapporte le père des jumelles. Début mars 2011, un clash entre les deux familles dans un centre commercial donne lieu à des plaintes des deux côtés. Quand, à l'école, une nouvelle bousculade a lieu le 8 mars, les parents gardent les jumelles à la maison. Elles étaient «très choquées et désespérées», raconte leur père, un certificat médical atteste de leur incapacité à aller à leur école.
La mairie et l'académie bloquent un changement d'école
Un changement d'école s'imposait et Farid Z. s'est adressé à la mairie pour en faire la demande. La mauvaise gestion de l'école semble, alors, se poursuivre dans les administration, car la mairie lui demande de s'adresser à l'académie, tandis que cette dernière le renvoit vers la mairie. Au final, la famille reçoit un courrier de l'inspection de l'éducation nationale, daté du 21 mars, lui indiquant qu'après consultation de Madame le maire adjoint chargée des affaires scolaires de Bondoufle, un changement d'école est impossible. Il «arriverait trop tardivement dans l'année et serait préjudiciable à la scolarité de vos enfants», justifie l'inspectrice responsable, sans pour autant avoir consulté la famille au préalable. De plus, aucune mention n'est faite des difficultés que rencontraient Karima et Leila à l'école Saint-Exupéry.
Le secrétariat de l'école, contacté par nos soins, fait savoir que la directrice refuse de s'exprimer sur cette affaire. De même, le service scolarité de la mairie de Bondoufle a «reçu la consigne de ne pas parler de cette affaire», nous dit-on au téléphone, mais le directeur de l'inspection académique de l'Essonne, M. Wassenberg, s'est confié à l'AFP. Il a estimé que «l'origine du conflit se situe hors de l'école» et a qualifié le père de famille de «vindicatif voire menaçant». Ce dernier a porté plainte pour diffamation. Contactée à plusieurs reprises, l'inspection académique a affirmée qu'elle n'avait «pas plus d'informations à fournir» pour le moment.
Nouvelle école, nouveaux amis pour les jumelles, mais le petit frère ?
Pour Karima et Leila, la situation semble toutefois s'améliorer. A défaut de pouvoir aller dans une autre école publique, les parents les ont inscrites dans une école privée. Là, «tout se passe bien» rapporte le père. Les filles «ont bien intégrées la nouvelle école», et auraient déjà «plein d'amis». Une raison pour Farid Z. d'expliquer qu'il peut passer l'éponge sur la gestion du conflit par l'ancienne école. Il n'en est pas de même de l'inspection académique et de la mairie ; la famille veut avoir des explications sur le manque de coopération. Les parents continuent leurs démarches auprès des deux organismes.
Ils ont demandé le changement d'école du petit frère des jumelles, en petite section de la même école, mais attendent toujours une réponse. Aujourd'hui, l'enfant reste à la maison.
* Les prénoms ont été changés