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Grand Angle

Hirak : Activistes des droits de l’homme et avocats dénoncent la vidéo «humiliante» de Nasser Zefzafi

La polémique autour de la diffusion d’une vidéo de Nasser Zefzafi se poursuit. Militants des droits de l’homme et avocats dénoncent unanimement des images «humiliantes» qui constituent une «violation flagrante des droits du prisonnier». Réactions.

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Nasser Zefzafi, leader du Hirak, est en détention provisoire à la prison d'Oukacha depuis fin mai. / Ph. Facebook
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Les réactions fusent au lendemain de la diffusion d’une vidéo montrant Nasser Zefzafi, leader du Hirak, en train d’exhiber son corps face à une caméra pour attester de n’avoir subi aucune torture lors de sa détention. Avocats, hommes politiques et activistes des droits de l’homme se sont indignés contre ces images, aussitôt supprimées par leur source, qui n’est autre qu’un média proche des milieux sécuritaires.

«L’Etat (…) tenté par des pratiques extrêmement musclées»

«Cet événement doit être analysé dans son contexte», commente pour Yabiladi l’activiste et militant des droits de l'homme, Fouad Abdelmoumni. «L’Etat marocain est en train d’annoncer de manière assez systématique que, contrairement à son discours, il n’est pas disposé à respecter la règle de droit et les garanties minimales des droits humains.»

«Le fait de dénuder, d’enregistrer et de diffuser la vidéo d’un détenu doit être mis à côté des centaines d’arrestations illégitimes, du tabassage systématique des manifestants, de la mise hors d’état d’agir d'un nombre important d’ONG, du refus d’agir lorsque des agents de l’autorité sont dans l’abus et de la garantie d’impunité, qui devient de plus en plus systématique. Cela montre que l’Etat marocain est très tenté par des pratiques extrêmement musclées.»

Pour Fouad Abdelmoumni, ce recours systématique à la violence «va nous faire passer d’une situation (…) intermédiaire entre dictature et démocratie à une situation de dictature pure et simple».

«Une situation humiliante et insultante», estiment l’AMDH et El Hayej

De son côté, l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) a immédiatement réagi sur Twitter : «La publication d'une vidéo humiliante de Nasser Zefzafi est une atteinte à ses droits de prisonnier. Nous condamnons cet acte», écrit l’ONG sur son compte.

Son président, Ahmed El Hayej a estimé lundi dans une déclaration à Yabiladi que la vidéo est «scandaleuse» et qu’elle constitue une «atteinte à plusieurs droits comme celui à la vie privée et à la dignité».

«Pour attester que le prisonnier n’a pas subi des actes de torture, il y a des procédures spéciales. Malheureusement, ce qui arrive aujourd’hui, c’est qu’on filme le détenu dans une situation humiliante et insultante, peut-être même sans prendre son avis préalable, et qu’on diffuse la vidéo au grand public. C'est un acte d’une absurdité ultime, un manque de respect et une atteinte à la dignité humaine.»

De son côté, Houria Esslami, membre du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), première femme à avoir présidé le Groupe de travail de l'Organisation des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI), a réagi sur sa page Facebook. «Le démenti des allégations relatives à la torture ou leur confirmation se fait à travers l’ouverture d’une enquête, la demande d’une expertise médicale et la punition des responsables, non pas par la violation de la vie privée du détenu et son humiliation», écrit-elle. «Les droits et la dignité ne peuvent pas faire l’objet de calculs politiciens. S’il vous plaît, respectez la dignité du détenu et ne partagez pas la vidéo», poursuit-elle.

Les avocats réagiront après avoir visité Nasser Zefzafi dans sa cellule

Des avocats à l’instar de Mohamed Ziane, Naima El Guellaf et Abdessamad Idrissi ont également réagi à cet enregistrement. La vidéo «ne peut être diffusée par le directeur de la prison ou par Mohamed Salah Tamek, délégué général de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion». «Cela a été commandé par de hauts responsables», a déclaré le premier.

«Cela constitue une violation grave des droits du prisonnier. Nous étudions les canaux possibles pour répondre à cette atteinte flagrante des droits de l’homme.»

Même son de cloche auprès de l’avocate Naima El Guellaf, qui fait partie du comité de défense des détenus du Rif. «La vidéo est humiliante et porte atteinte à sa liberté et à son habilité à se défendre. Nous avons été surpris de la découvrir à notre sortie de l’audience. Nous ne ferons rien avant de pouvoir visiter Zefzafi», note-t-elle.

Sur sa page Facebook, l’avocat Abdessamad Idrissi a lui aussi dénoncé la vidéo, affirmant que la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) et la Délégation générale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion (DGAPR) seraient tous deux responsables de la fuite de ces images. «L’atteinte à la vie privée et à la dignité de Zefzafi par cette vidéo nous rappelle la prison d’Abou Ghraib», dirigée par l’armée américaine en Irak en 2004. «Ce scandale sans précédent interpelle tout le monde, à commencer par le ministère de l’Intérieur, celui de la Justice et celui chargé des droits de l’homme», conclut-il.

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