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Grand Angle

Hirak : Les grandes lignes de la lettre de Nasser Zefzafi

Le porte-parole du Hirak, Nasser Zefzafi, détenu depuis fin mai à la prison Oukacha, a adressé mercredi une lettre aux Rifains et aux Marocains, démentie ce jeudi par la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion, mais authentifiée par les proches de Zefzafi. Il insiste sur le caractère pacifique du Hirak et l’innocence des détenus, et tire à boulets rouges sur les partis politiques, entre autres.

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Nasser Zafzafi, leader de la contestation lors d'une manifestation le 18 mai 2017 à Al Hoceima. / Ph. Youssef Boudlal - Reuters
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Depuis sa cellule individuelle à la prison d’Oukacha, le leader du Hirak, Nasser Zefzafi a adressé mercredi une lettre aux Rifains et à l’ensemble des Marocains. Le contenu a été authentifié par les avocats de la défense, plusieurs figures de proue du mouvement de contestation à l’instar d’El Mortada Iamrachen, et par le père de Zefzafi. Il est relayé depuis cette nuit sur les réseaux sociaux.

Le Hirak, les corrompus et le roi

Dans sa lettre, Nasser Zefzafi salue les Marocains du Maroc et de la diaspora pour la solidarité et le soutien apporté au mouvement de contestation. Il rend également hommage à la femme rifaine, «libre et chaste», avant d’évoquer sa situation.

«En vous écrivant depuis ma petite cellule verrouillée par des portes en fer et des serrures cherchant à emprisonner le corps sans pouvoir menotter la volonté, la conscience et le spectre de la liberté, je vous envoie cette lettre pour renouveler l’alliance et le serment que j’ai prononcé devant vous sur la Place des martyrs.»

Nasser Zefzafi passe ensuite aux choses sérieuses, clamant l’innocence des détenus du Hirak de l’ensemble des accusations portées contre eux, qu’il qualifie de «calomnie et [de] machination» et de «tentatives désespérées de faire taire la voix de la liberté». Une voix qui dénonce, «depuis le décès du martyr Mohcine Fikri, les corrompus au sein des autorités locales, des élus, des responsables gouvernementaux et des boutiques politiques», poursuit-il. Nasser Zefzafi voit là un ensemble qui a veillé, «au fil des ans», à «piller nos produits et amadouer nos frères et nos enfants, et à faire de fausses promesses sur des projets de développement illusoires et inachevés». Il marque un tournant décisif en évoquant le monarque.

«Même le Roi du pays n’a pas été épargné de leurs mensonges et leurs complots. Nous avions foi à ce que leur vérité honteuse soit exposée devant lui pour que la loi s’applique à leur égard.»

Les «boutiques politiques» et l’importance du «caractère pacifique» du Hirak

Le visage du Hirak tire également à boulets rouges sur les partis politiques, saluant la dénonciation par le Hirak des accusations de séparatisme. «Vous vous êtes révoltés contre les boutiques politiques et le gouvernement le jour où vous avez été accusés de séparatisme et de haute trahison, et vous vous êtes opposés à ceux qui tentent d’utiliser le Hirak pour régler leurs comptes ou mettre en œuvre des agendas contre les intérêts suprêmes de la nation», écrit-il. «Une nation dont nos honorables grands-parents ont défendu par leur sang béni l’indépendance et l’intégrité territoriale», enchaîne-t-il. «L’ironie du sort dans notre pays blessé a inévitablement restauré la protection des corrompus, des conspirateurs et des traîtres au moment où les nobles, les patriotes et les libéraux sont torturés, tel le sort des ancêtres résistants avec les agents de la colonisation.»

A la fin de sa lettre, Zefzafi insiste à trois reprises sur le caractère pacifique du Hirak comme «l’unique voie pour mettre en œuvre le dossier revendicatif», en dépit des «provocations délibérées des forces de sécurité et de ce qu’endurent les jeunes et les citoyens des mains de l'officier Issam lors des marches et dans les postes de police».

«Je vous demande de renoncer à la violence et à l'extrémisme et de ne pas dévier de nos réclamations justes. Je vous mets en garde [contre le fait] de ne pas être entraînés dans des machinations par ceux qui vous veulent du mal. Celui qui jette une pierre trahit le Hirak et ses détenus. Celui qui brisera du verre ne fera pas partie de notre mouvement.»

Comme au début de son courrier, il conclut sa lettre par un verset du Coran, appelant à la fermeté et à la patience et prédisant une «victoire proche».

Le démenti de la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion

La Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) a réagi ce jeudi à la lettre publiée par plusieurs activistes du Hirak et authentifiée par ces derniers comme étant émise par Nasser Zafzafi.

La DGAPR affirme que «le détenu (Nasser Zafzafi, ndlr) a catégoriquement nié, dans une déclaration écrite, les allégations faites par l’avocat (Mohamed Ziyane, ndlr) concernant la réception de documents relayés sur les médias sociaux». La direction de Mohamed Salem Tamek indique aussi qu’elle soumettra une demande aux autorités judiciaires compétentes pour ouvrir une enquête sur les allégations et déterminer «la source réelle des documents publiés».

La DGAPR indique qu’elle est «désormais dans l’obligation d’interdire à l’avocat de communiquer avec les détenus». «Il s’avère, selon la déclaration écrite du détenu, que l’avocat ne cherche pas du tout à servir les intérêts de son client, dans la mesure où il cherche à servir des agendas visant à accroître la sédition et l'incitation à envenimer la situation», conclut le communiqué.

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