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Grand Angle

Transport : VTC, «khattafas» ou covoiturage ont du mal à trouver la formule adéquate

Khattafas, nouvelles plateformes et transport illégal au sein des villes, ou sinon covoiturage. Ces nouveaux modes de transport et malgré leur caractère illégal fleurissent au Maroc pour faire face à l’insuffisance de l’offre. En vogue, ces solutions restent toutefois prisées par certainsmais décriées par d’autres.

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Un khattaf devant un arrêt de bus à Rabat. / Ph. L'Opinion
Temps de lecture: 4'

Au Maroc, pour pallier aux problèmes liés à l’insuffisance de l’offre en matière du transport, à l’intérieur ou l’extérieur des villes, les Marocains prennent leurs maux en patience et innovent. Au sein des villes marocaines, face à l’anarchie régnante au sein du secteur du transport, le champ reste libre à plusieurs pratiques illégales aux côtés de certaines alternatives.

Uber et Careem vs les Taxis, l’éternel bras de fer

Décriés depuis plusieurs années par les chauffeurs des petits taxis, Uber et Careem continuent de séduire les Casablancais en dépit d’un bras de fer qui finit généralement devant les commissariats de police ou dans les urgences des hôpitaux de la capitale économique. Les chauffeurs des taxis considèrent, en effet, les activités des deux entreprises comme illégales et procèdent, depuis plusieurs mois, au repérage et à l’immobilisation des voitures opérant sous la houlette desdites entreprises.

Parfois, ce sont même des chauffeurs de taxis qui se font passer pour des clients afin de piéger les chauffeurs de VTC pour envoyer des messages forts et clairs aux dirigeants d’Uber et de Careem : «les Taximen ne sont pas encore prêts à accueillir à bras ouverts ces nouveaux modes de transport au sein de la ville».

Et ce n’est pas nouveau, puisque même le tramway a subi une campagne menée par les chauffeurs de taxis à la veille de son lancement. Les taximen ne voient d'ailleurs pas d’un bon œil les futures lignes du nouveau mode de transport, destinées à désenclaver d’autres quartiers de la capitale blanche.

Ces khattafas qui «sauvent la vie des Marrakchis»

Dans d’autres villes, à l’instar de Marrakech, en l’absence de tramways et face à un projet de tram-bus qui piétine, c’est le transport illégal qui fleurit. Devant la gare ONCF de Marrakech, la gare routière de Bab Doukkala ou généralement au niveau des grands artères de la ville, les anonymes qui s'improvisent chauffeurs n’ont désormais plus froid aux yeux. Hafida, mère et institutrice marrakchie n’y voit même aucun inconvénient. «Souvent, lors des heures de pointes et lorsqu’il y a un grand flux d’usagers qui veulent se déplacer, les khattafas qui nous sauvent la vie», nous confie-t-elle. Notre interlocutrice nous informe aussi que les prix de chaque course avec ces transporteurs restent les mêmes que pour les grands taxis et les bus. Elle ne manque pas toutefois d’insister sur la sécurité, arguant qu’en l’absence d’un groupe de personnes souhaitant se diriger vers la même destination, elle préfère emprunter un moyen de transport «plus légal et sécurisé».

Marrakech n’est d’ailleurs pas la seule ville connaissant le développement d’un commerce illégal dans le secteur du transport. Les Rbatis et les Slaouis sont aussi habitués à voir des khattafas roder près des arrêts de bus, faisant des fois la liaison entre la capitale du royaume et sa jumelle.

Le covoiturage made in Morocco qui peine à trouver son modèle

Alors que cette activité, pourtant punissable par la loi, tisse sa toile dans de nombreuses villes, toutes catégories confondues, le transport interrégional et entre les villes connait, lui aussi, un nouvel arrivant. Après des débuts timides sur le marché marocain, le covoiturage est devenu tendance, surtout chez les plus jeunes. Largement différent de l'auto-stop classique, le covoiturage consiste à partager les frais d’un trajet entre différentes personnes ; l’une d’elles étant un conducteur non professionnel disposant d’une voiture automobile.

Au Maroc, les sites et applications destinés à ce nouveau mode de transport se sont multipliés ces dernières années et avec l’émergence des réseaux sociaux, des pages et des groupes destinés aux covoiturages sont de plus en plus nombreux. Des centaines d’offres et de demandes sont publiées quotidiennement par les internautes, démontrant ainsi un réel engouement envers ce mode de transport destiné à pallier aux retards des trains ou encore l’absence de confort de certains autocars.

«Au lieu de réserver un billet de train à l’ONCF, qui arrivera certainement sans places disponibles et très souvent en retard, je préfère désormais cherche une offre de covoiturage la veille et m’assurer que le voyage se déroulera dans de meilleures conditions», nous confie Simo E. Selon lui, le covoiturage permet aussi, dans plusieurs cas, de créer du lien social. Sur l’un des groupes Facebook, certains conducteurs, habitués à prendre la route avec à chaque fois de nouveaux visages, proposent même parfois des trajets à zéro dirham. Tandis que d’autres suggèrent de transporter gratuitement les étudiants et les personnes au chômage.

Les prix et la sécurité, de points qui dérangent

Mais ce mode n’est pas sans mésaventure. Mis à part son caractère illégal et contrairement au modèle français qui offre plus de garanties quant à la sécurité, le covoiturage au Maroc échappe à toute surveillance. Bien que «les poseurs de lapins» sont régulièrement dénoncés par les utilisateurs et les administrateurs de ces pages, voyager avec un groupe d’inconnus reste encore, pour certains, un pas qui nécessite vigilance et réflexion préalable.

Autre point de blocage : à la veille des vacances scolaires et des fêtes, les prix des trajets explosent. Si certains internautes demandeurs reprochent aux conducteurs de proposer des prix exorbitants pour les trajets, d’autres détenteurs de voiture refusent de négocier les prix. Des discussions qui finissent généralement par décourager certains internautes d’opter pour ce mode de transport.

Force est de constater que même s’il est prisé par certains, le covoiturage au Maroc est encore loin de la maturité du modèle à l'étranger. En France, chez Blablacar, leader du secteur et dont le «chiffre d’affaires, non communiqué, double tous les ans aux dires de son fondateur», selon le mensuel français Capital, les chauffeurs ne sont pas si libres s’agissant des prix des trajets. «Nous vous recommandons un certain prix pour les contributions par passager sur vos trajets. Cette recommandation nous sert également à éviter que les membres puissent se faire un bénéfice sur leur covoiturage», indique la plateforme, qui se lance dès cette année aux trajets quotidiens entre le domicile et le travail.

En attendant, qui de nous n’a pas songé, ne serait-ce qu’une seule fois, à partir avec un khattaf ou prendre un covoiturage au lieu d’emprunter le train ou l’autocar ?

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