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Grand Angle

L’après kafala : L’histoire continue [Magazine, 2/3]

Une fois la procédure de kafala conclue et l’enfant confié à son nouveau tuteur, visa ou pas, la famille kafil quitte le territoire marocain et rejoint son pays de résidence. C’est le début d’une nouvelle vie : un couple trouve la joie d’être parent, l’enfant abandonné celle d’un nouveau foyer. Pourtant, les difficultés continuent sur le plan légal et aussi, parfois, affectif.

Publié
Orphelinat Hind Belarbi, septembre 2003
Temps de lecture: 3'

Lorsque les MRE adoptent, c’est dans l’intention de faire de ces enfants leur descendance et non pas simplement des filleuls comme le veut la kafala. Lorsqu’ils rentrent dans leur pays de résidence avec l’enfant ils ont seulement le statut de tuteur donné par la kafala. La loi française, par le biais de l’agrément, leur accorde seulement le droit de prendre en charge l’enfant. Dans les deux cas, ces enfants ne sont pas considérés comme les leurs. Ils ne peuvent donc pas jouir des droits d’enfants légitimes. Les tribunaux disent aux parents : «vous n’êtes pas leurs parents. Vous n’êtes que des tuteurs». Il arrive même que des greffiers disent : «vos enfants n’ont pas à vous appeler ‘papa’ ou ‘maman’», selon une déclaration de Malika Bouziane, présidente de l’Association des parents adoptifs d’enfants recueillis en kafala, au site web français d’information Rue89.

Cette situation est parfois source de découragement pour les kafils, mais au regard des efforts consentis, ils ne baissent pas les bras. Comme l’indique Mme Boumediene, membre fondatrice de l’Association des parents d’enfants nés en Algérie et au Maroc, certains parents gardent la kafala et d’autres finissent par changer pour une adoption simple. Ainsi, ils attendent patiemment que leurs enfants passent cinq années de résidence en France avant de les naturaliser.

Ensuite, ils peuvent les adopter selon la loi française. Entre temps, les makfouls (enfants adoptés) peuvent bénéficier d’un Document de circulation pour étranger mineur. «Pour l’instant, mon enfant porte un nom différent de celui de mon mari et moi. J’attends qu’il ait cinq années de résidence en France pour qu’il soit naturalisé et que je puisse l’adopter. Personnellement, je n’ai pas l’intention de demander une adoption plénière, mais une adoption simple», indique Safaa.

Ils attendent patiemment, mais aimeraient bien comprendre pourquoi cette durée n’est pas plus courte. Youssef considère qu’il y a des «non dits politiques. Cette période de cinq ans est à éclaircir.» Mme Bouziane, quant à elle, a l’impression qu’il s’agit d’un test pour voir si les parents sont irréprochables. En attendant de pouvoir naturaliser son enfant, la famille vit un quotidien apparemment normal mais doit faire face à certaines difficultés.

Mieux vaut dire la vérité

Vient, d’abord, l’épreuve de la vérité à dire à l’enfant. S’il est de coutume, au Maroc, pour les parents adoptifs, de cacher la vérité à leurs enfants sur leur adoption, les MRE se sont imprégnés de la culture occidentale : «le zéro tabou». La majorité des MRE recourent à la kafala judiciaire. Ils ont ainsi la possibilité de taire à jamais les conditions d’accueil de l’enfant. D’après la présidente de l’Association marocaine des parents adoptifs Osraty, à Rabat, il est préférable pour les parents, comme pour les enfants, que la vérité soit dévoilée. «Régulièrement, on leur dit papa et maman n’ont pas eu d’enfant, alors ils sont allés à Taroudant... C’est notre histoire à tous les quatre, mais avant que l’on arrive dans leur vie, ils avaient une histoire et nous voudrions qu’ils la connaissent», expliquent Youssef et son épouse. C’est également le fait de plusieurs autres parents MRE, qui préfèrent éduquer leurs enfants en tenant compte de cette vérité. «Bien sûr, nous savons qu’ils ne comprennent pas grand chose aujourd’hui, mais le moment viendra où nous rentrerons dans les détails», ajoute l’heureux papa.

Pour l’avenir, certains kafils, issus de la diaspora marocaine, sont plutôt optimistes et appréhendent avec «tranquillité et sérénité» les années de conscience de leurs enfants. «Il faut savoir que c’est une partie de leur vie qui influencera leur développement, tout comme leur vie avec nous les influencera», soutient un kafil. «Ma femme et moi avons un couple d’amis qui a adopté il y a dix ans et qui a emmené en visite son fils, aujourd’hui âgé de 11 ans, dans l’orphelinat où il a été recueilli», relate le couple Youssef. Ils espèrent que les choses se passent aussi sereinement pour eux dans quelques années, quand leurs enfants auront grandi.

 Cet article fait partie du focus sur la kafala, publié précédemment dans Yabiladi Mag no 6 (avril 2011)

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