Menu

Archive

Histoire : Le 9 juin 1966, date de l’institution du service militaire obligatoire au Maroc

Le 9 juin 1966, presqu’un an après la proclamation de l’état d’exception, feu le roi Hassan II instituait le service militaire obligatoire. Une première dans l’histoire du Maroc. Ce décret royal, pourtant le numéro 137-66 et datant du 20 safar 1386 (9 juin 1966), n’a été abrogé qu’en août 2006 par décret royal. Histoire.

Publié
Un défilé des FAR en Mauritanie. / Ph. DR
Temps de lecture: 4'

Un an après la proclamation de l’état d’exception et dix ans après la création des Forces armées royales, un décret portant le n° 137-66 et datant du 9 juin 1966 instituait, pour la première fois, le service militaire obligatoire. Il fait suite à deux autres textes émanant de l’institution monarchique : le dahir n° 1-56-138 du 25 juin 1956 portant création des Forces armées royales et le décret royal n° 136-65  du 7 juin 1965 proclamant l'état d’exception.

En effet, la quatrième année du règne de feu Hassan II a été marquée par une crise sociopolitique dès mars 1965. Plusieurs émeutes entre citoyens et forces de l’ordre, faisant des centaines de morts, ont eu lieu à Casablanca, Fès et dans d’autres villes marocaines. Un contexte qui poussera le monarque alaouite à décréter l'état d'exception et à disposer de l’ensemble des pouvoirs législatifs et exécutifs.

Le 9 juin 1966, soit un an après ces événements, le roi indique dans un décret l’institution, pour la première fois, du service militaire obligatoire. En préambule des 27 articles s’étalant sur l’organisation de ce service, feu le roi Hassan II évoque les raisons de ce décret, notamment sa volonté de rendre «aptes» les Marocains «à prendre conscience des responsabilités qu'ils doivent assumer».

«Le souci qui Nous a toujours animés de promouvoir Nos Sujets en les rendant aptes à prendre conscience des responsabilités qu'ils doivent assumer en leurs qualités de citoyens libres au sein de la communauté nationale indépendante, Nous incite aujourd'hui à franchir une nouvelle étape dans la voie de cette promotion, en les soumettant à l'obligation d'accomplir un service militaire pendant un temps déterminé et dans les conditions précises.»

18 mois de service actif dès l'âge de 18 ans

Le texte annonce que les citoyens marocain bénéficieront, en marge du service militaire, de deux formations : une formation de base pour permettre de «contribuer efficacement et en toute circonstance à la défense de la Patrie» et une formation technique et professionnelle. Cette dernière étant destinée à «élever [le] niveau social et à (…) faire participer» les Marocains au développement du pays.

Dans son tout premier article, le décret énonce que «tous les citoyens marocains de sexe masculin sont assujettis au service militaire». «Des exemptions, des dispenses et des sursis peuvent être accordés suivant les conditions qui seront fixées par décret», poursuit le texte qui cite comme motifs l’inaptitude physique, les charges familiales ainsi que la poursuite des études. Il exclut aussi «les individus condamnés à des peines afflictives et infâmantes».

Le prince Moulay Hassan, en uniforme militaire, en compagnie du général Kettani Benhamou, le 16 Novembre 1956 à Casablanca. / Ph. DRLe prince Moulay Hassan, en uniforme militaire, en compagnie du général Kettani Benhamou, le 16 Novembre 1956 à Casablanca. / Ph. DR

Les autres articles concernent la durée du service actif, de 18 mois selon le texte, l’âge d’appel, fixé à 18 ans, ou encore l’éventualité d’appeler les assujettis jusqu'à l'âge de 30 ans révolus. Afin d’insister sur la place désormais accordée à ce service militaire, feu Hassan II y rattache l’accès à la fonction publique. «Nul ne pourra postuler un emploi dans l'administration ou être investi de fonctions publiques s'il ne se trouve en position régulière au regard de la loi sur le service militaire», énoncent les articles du décret royal. Ces deux articles 21 et 22 traitent quant à eux des punitions quand un assujetti se rebelle contre la décision de sa convocation.

«Les assujettis au service militaire qui, régulièrement convoqués par l'autorité locale en vue du recensement, s'abstiennent de se présenter sans motif valable, sont punis des peines prévues à l'article 609, 3° du code pénal. Les appelés du contingent et les réservistes ou rappelés qui, sans motif valable, n'ont pas répondu à une convocation ou à un ordre d'appel individuel ou général, sont considérés comme insoumis et punis des peines prévues à l'article 141 du dahir du 6 rebia II 1376 (10 novembre 1956) formant code de justice militaire.»

Mais les raisons évoquées pour justifier l’institution d’un tel régime diffèrent. Dans son ouvrage «Annuaire de l'Afrique du Nord : Chronique sociale et culturelle» (Centre national de la recherche scientifique, 1981), André Adam affirme d’abord que l'un de ses buts serait «de donner à chaque citoyen ‘une formation de base qui lui permettra de contribuer efficacement et en toute circonstance à la défense de la patrie’». «Cette formation ne sera pas seulement militaire, elle sera aussi technique et professionnelle, et le contingent doit participer à des travaux d'intérêt national.  L'incorporation de milliers de jeunes gens, que le marché du travail est incapable d'absorber tous, apportera une solution, au moins partielle, au problème de l'emploi», écrit-il.

Un relifting puis un coup de grâce

Il déclare ensuite que ce décret sur le service militaire obligatoire, qui fixe l'âge d'appel à 18 ans, a été utilisé par le gouvernement pour justifier le refus des demandes de sursis du président et des membres du comité exécutif de l'Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM). C’est par le biais de ce même texte qu’ils seront incorporés le 15 juillet pour dix-huit mois. «La suppression du sursis accordé aux étudiants est utilisée, en guise de punition, contre les cadres dirigeants du 10e congrès de l’UNEM, envoyés au SMO (Service militaire obligatoire, ndlr) en février 1967 et contre ceux qui ont organisé leur soutien à l’étranger, en occupant l’ambassade du Maroc à Paris», écrit pour sa part la politologue Marguerite Rollinde dans son ouvrage «Le mouvement marocain des droits de l'homme : entre consensus national et engagement citoyen» (édition Karthala, 2002).

 Des éléments des FAR. / Ph DRDes éléments des FAR. / Ph DR

Confié aux agents de l’autorité locale et aux Caïds, le service enregistrera par la suite un relâchement dans les procédures de recensement. Un constat également dû au fait que l’armée disposait suffisamment de réservistes.

Ce n’est qu’en 1999 que le Dahir n° 1-99-187 25 août 1999, portant promulgation de la loi n° 5-99 relative à la réserve des FAR, est venu relifter le décret sur le service militaire obligatoire. Il introduisait notamment une réduction de la durée du service, passant de 18 à 12 mois et énonçait que les personnes assujetties au service militaire devaient désormais être âgées de 20 à 40 ans alors que les femmes, dont le service demeure volontaire, doivent être âgées de 20 à 27 ans, ne pas être mariées et ne pas avoir d’enfants à charge.

Il faudra attendre 2006 pour qu’un décret-loi émis par le roi Mohammed VI, chef suprême et chef d’Etat-major général des Forces armées royales, mette fin au service militaire obligatoire. «La décision n’aura que peu de conséquences sur la vie des citoyens marocains, tant le service militaire n’était pas appliqué de façon stricte, officiellement pour des raisons d’ordre budgétaire», écrivait en septembre 2006 le média Afrik.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com