A qui revient la légitimité de parler santé sur les ondes et le petit écran ? La question a fait l’objet d’une rencontre hier à Rabat, réunissant un panel de professionnels de santé, de représentants du Conseil de l’ordre des médecins, du ministère de la Santé et d’organes médiatiques privés et publics, sous la houlette de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA).
Les prescriptions de médicaments et de formules de soins aux herbes menacent en effet la santé publique au vu des risques qui en découlent et des fausses informations qu’elles véhiculent, ont estimé les participants à cette rencontre, d’après la MAP. Ils ont également souligné la nécessité d’organiser des sessions de formation destinées à fournir l’information médicale aux journalistes, afin qu’ils puissent la transmettre de la meilleure manière au public et le prévenir contre les risques de certaines mauvaises pratiques sur la santé.
Contacté par Yabiladi, Abdelghani Drhimeur, chargé de l’information et de la communication au ministère de la Santé, tient à préciser : «Attention, ce ne sont pas les journalistes qui dispensent des conseils, mais les spécialistes qu’ils invitent», rectifie-t-il d’emblée. «Il est important de débattre avec les journalistes sur la nécessité de s’assurer que les personnes qui sont invitées dans les médias possèdent un diplôme leur conférant les compétences pour donner des conseils aux auditeurs, qu’il s’agisse de médecins, d’infirmières, de sages-femmes ou de psychologues.»
Quant aux contenus de ces programmes, Abdelghani Drhimeur est sans équivoque : ils sont soumis aux réglementations en vigueur et à la loi de l’exercice de la médecine. «Les professionnels de santé peuvent donner des conseils sur la prévention et la protection de la santé, notamment sur l’hygiène corporelle et environnementale, les soins pour les nouveau-nés et les femmes enceintes ou la consommation d’aliments sains. Le médecin a aussi la possibilité d’orienter les auditeurs en fonction des symptômes qu’ils décrivent, d’essayer d’expliquer, de donner des petits conseils, mais ça s’arrête là», prévient-il.
«Tout professionnel de santé ne peut prescrire des médicaments ou un examen complémentaire sans qu’il se trouve dans la situation de l’exercice légal et normal de la médecine, c’est-à-dire qu’il est en face de son patient, qu’il l’a ausculté et a procédé à un examen clinique.»
Les plantes, ces «usines chimiques»
Si la loi n°77-03 relative à la communication audiovisuelle interdit les contenus publicitaires incitant à des comportements préjudiciables à la santé, il n’empêche que les canaux médiatiques peuvent parfois faire office de terreau fertile à l’automédication. «Nous avons déjà eu à réagir suite à des émissions qui se faisaient l’écho d’un certain nombre de thérapies à base de plantes, raconte Abdelghani Drhimeur. Plusieurs cas d’intoxication ont été relevés par le Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc, suite à la diffusion de programmes lors desquels des personnes qui disaient avoir les compétences nécessaires en phytothérapie sont intervenues.»
Bien que certaines herbes soient ancrées dans la culture culinaire marocaine, d’autres, utilisées dans la médecine traditionnelle et la phytothérapie, doivent être manipulées avec précaution. «Les plantes sont des usines chimiques qui peuvent fabriquer des molécules assez dangereuses. Au sein d’une même espèce, le polymorphisme chimique (diversité de la forme chimique des plantes, ndlr) peut varier en fonction de la région où elle est cultivée, d’où l’importance de la traçabilité. Comme la région, le génotype (composition de tous les gènes d’un être vivant, ndlr) influe aussi sur la composition chimique», explique Chaouki Al Faiz, directeur de recherche à l’Institut national de recherche agronomique. Des recherches ont bien été menées pour identifier les zones de culture à risque, mais elles n’ont pas été vulgarisées, déplore le spécialiste.
De même, la composition chimique d’une plante peut aussi être modifiée en fonction de la manière dont elle est cultivée : «Entre une plante issue de la culture et une autre cueillie à l’état sauvage, il y a une différence», relève-t-il. De même, les conditions hygiéniques de stockage des espèces peuvent altérer leurs principes actifs, notamment lorsqu’elles sont séchées traditionnellement, c’est-à-dire à l’air libre. «Les oiseaux et les rongeurs peuvent passer… Puis ça passe de main en main… Sans compter que les herboristes stockent parfois leurs produits dans des conditions peu hygiéniques», poursuit Chaouki Al Faiz.
Ce dernier pointe également un autre danger : «Il y a un problème par rapport à l’adultération des plantes, c’est-à-dire leur falsification. En fait, on ne commercialise parfois que leurs racines. Il faut faire très attention car certaines se ressemblent tellement qu’on ne peut pas forcément identifier à quelles plantes elles appartiennent. Il n’y a pas de réglementation suffisamment vigilante pour que les gens sachent ce qu’ils achètent, et que les herboristes sachent ce qu’ils vendent. Ces derniers s’approvisionnent auprès des revendeurs, lesquels se fournissent auprès des cultivateurs. L’Etat doit prendre en charge des formations car beaucoup de Marocains utilisent ces plantes.» Encore plus dans les campagnes ; tradition oblige.