«La situation réelle de l’entreprise de presse est dramatique», cette réaction du président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) Khalil Hachimi Idrissi, résume parfaitement l’état actuel de la presse marocaine. Sur le plan économique, peu de sociétés s’en sortent, dans un secteur constitué essentiellement de petites entreprises, constate «L’Etude de développement du secteur de la presse écrite», présentée jeudi à Rabat.
Même si l’endettement des entreprises de presse reste «limité» (seulement 32% des sociétés) selon l’étude, il n’en est pas moins «alarmant». Et ce malgré les recettes publicitaires et les subventions étatiques. D’ailleurs, pour ce qui est des subventions, 77% des montants sont consacrées à seulement 10 sociétés de presses (qui ont plusieurs publications), dans un marché qui comptait déjà 42 entreprises, au moment de la réalisation de l’étude, en 2008. Dans ce registre, il faut souligner que la contribution fiscale de la presse (plus de 106 millions de dirhams) est de 2,9 fois supérieure au montant de l’aide à la presse.
Presse francophone : 23% des lecteurs, mais 77% de la pub
Concernant la publicité, la presse maintient ses parts de marchés (22%, soit 4 milliards en 2008), malgré la percée de la radio, depuis la libéralisation du paysage audiovisuel. Seulement, cette publicité est, elle aussi, très orientée. 9 titres s’accaparaient environ 50% des recettes publicitaires (sur près de 70 publications régulières) en 2008. Avec 13% des parts de marché, L'Economiste arrive en tête, suivi du Matin du Sahara (9%), Al Massae (7%) et Telquel (5%) des recettes publicitaires. La publicité représente 40% des revenus de la presse.
Ces revenus sont répartis de manière inégale entre presse francophone et arabophone. Alors que le nombre de titres arabophones atteint presque le double des titres francophones (42 contre 22 en 2008) et qu'ils regroupent 73% des lecteurs, les titres arabophones ne recoivent que 23% des recettes publicitaires. Les 77% restants sont partagés entre les magazines francophones (39%) et les journaux francophones (38%, donées de 2008).
Le contenu de la presse marocaine constitue également une autre source d’inquiétude pour son avenir. Selon l’étude, «la qualité des supports est en deçà des standards internationaux», même si la presse indépendante (97% des titres) comble «partiellement ce déficit (notamment les magazines)». La recherche de thèmes vendeurs au détriment de la qualité et de la profondeur des contenus semble être devenue un des premiers reflexes chez bien des journalistes.
L’internet, concurrent de taille
La concurrence des médias en ligne y est probablement pour quelque chose. En effet, le numérique attire de plus en plus de lecteurs, au détriment de la presse papier. Les portails arabophones sont pour le moment les plus visités par les internautes marocains, font savoir les auteurs de l’étude. Mais les publications en ligne restent très limitées au Maroc et n’attirent pas encore les annonceurs. Elles apparaissent toutefois comme une véritable menace pour la presse papier.
Cette presse, pour sortir de sa léthargie actuelle, a besoin d’évoluer dans un cadre légal différent de celui qui le régit actuellement, préconise l’étude : nouveau code de la presse, redéfinir le statut des journalistes… De même, le renforcement du cadre conventionnel (contrat programme) s’avère nécessaire. Dans ce registre, l’espoir est de mise, avec l’annonce des réformes démocratiques qui devraient concerner en premier lieu le quatrième pouvoir.