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Interview

Attentats du 16 mai à Casablanca : Les salafistes se considèrent aussi comme des victimes [Interview]

Le Maroc commémore ce mardi le 14e anniversaire des attentats terroristes perpétrés à Casablanca, qui ont fait une quarantaine de morts et une centaine de blessés. Le Comité mixte pour la défense des détenus islamistes veut profiter de cette occasion pour faire entendre sa voix, à travers celle de son porte-parole Abderrahim Ghazali. Interview.

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Abderrahim Ghazali, porte-parole du Comité mixte pour la défense des détenus islamistes. / Ph. AFP
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Le Maroc commémore les douloureux attentats terroristes qui ont frappé Casablanca, le 16 mai 2003. Un commando d’une dizaine de kamikazes avait visé plusieurs sites, dont le restaurant Casa de España, l’Hôtel Farah et le cimetière juif. Plusieurs salafistes avaient été rapidement arrêtés, constituant ainsi les premiers éléments du dossier des détenus islamistes dans les prisons marocaines.

Alors que les victimes organisent mardi 16 mai un rassemblement en hommage aux Marocains et ressortissants étrangers qui ont perdu la vie lors de ces attaques, le Comité mixte pour la défense des détenus islamistes organisera dès 10 heures un sit-in devant le Parlement à Rabat.

Vous appellerez demain à l’ouverture d’une enquête sérieuse et transparente sur les attentats qui ont frappé Casablanca en 2003. Pourquoi cette revendication ?

Compte tenu de ces événements et de leur contexte, il s’avère que ce drame a fait deux types de victimes : d’abord, les personnes qui ont perdu la vie et leur famille, soit les victimes directes, nos frères et sœurs, au nom desquelles nous réaffirmons notre solidarité. Les autres victimes, ce sont les personnes réellement visées par ces attentats : les islamistes emprisonnés.

Nous considérons que nous sommes les personnes les plus impactées par les événements du 16 mai. Puisqu’ils n’ont jamais été revendiqués par des groupes ou des organisations, nous demandons à l’Etat de révéler la vérité et de démasquer les vrais responsables de ces attentats, d’autant que des figures politiques et associatives ont confirmé nos doutes.

Lesquelles ?

Le redoutable Driss Basri, qui avait déclaré que les islamistes n’avaient rien à voir avec ces attentats. Le Parlementaire Saïd Châou, qui a fui le Maroc et dit avoir entendu une personnalité très influente au Maroc prédire ces attentats, qui entraîneraient des emprisonnements et des arrestations dans les rangs des islamistes. Je cite aussi Abdelilah Benkirane, qui avait exhorté les autorités à ouvrir une enquête sérieuse et transparente, alors qu’il était dans les rangs de l’opposition au Parlement. Lui qui voulait mettre la pression sur le régime se doutait que des attentats seraient perpétrés par des salafistes.

Vous dites que les détenus islamistes ne sont pas les véritables auteurs des attentats du 16 mai 2003. Qui sont, selon vous, les vrais responsables ?

En 2003, l’Etat voulait marginaliser et limiter la vague islamiste dans la société marocaine. Avant 2001, on parlait d’un éveil de la société marocaine qui se dirigeait alors vers une religiosité accrue. Certaines sphères de l’Etat ne voyaient pas d’un bon œil cette vague et ont donc été contraintes de réagir en planifiant des attentats qui visaient - il faut le reconnaître - l’alignement du Maroc avec la politique mondiale pour la lutte contre le terrorisme. Ça a finalement été une lutte contre l’islam.

Il faut savoir qu’avant 2003, un projet de loi antiterroriste avait été présenté au Parlement, sans sortir du circuit législatif. Juste après les attentats du 16 mai, cette même loi a été votée à l’unanimité car tout le monde avait peur.

Les observateurs neutres remarqueront que le courant le plus impacté par ces attentats est le mouvement salafiste. C’est actuellement le courant le plus marginalisé dans ce pays ; celui qu’on a essayé de diaboliser.

Maintenant que le mal est fait, dites vous, qui doit être blâmé ?

L’emballement médiatique et les fausses informations qui circulent sur le courant islamiste au Maroc ont contribué à susciter la peur chez les Marocains. Ce ne sont pas eux qui doivent être blâmés car ils font confiance aux versions officielles. Nous ne sommes pas rancuniers et ne tenons personne pour responsable de ce qui a été fait. Au contraire même, nous n’avons aucun problème avec notre société marocaine, dont nous sommes les fils. Ceux qui diffusent des allégations et des mensonges sur le mouvement salafiste doivent permettre aux salafistes d’accéder aux médias officiels, de leur donner la parole pour expliquer leurs idées et démentir ces mensonges.

Le salafisme a été diabolisé, transformé en monstre alors que les premiers sultans étaient salafistes. L’imam Malik était un salafiste. Le salafisme est la religion de Mohammed - paix et salut sur lui -, et donc la religion musulmane selon le prophète et ses disciples. Ils l’ont associé avec l’excommunication, le terrorisme, l’extrémisme, l’assassinat… Ce ne sont que des mensonges.

Parallèlement au sit-in prévu demain, que comptez-vous faire dans le cadre de vos discussions avec l’Etat pour fermer le dossier des détenus islamistes dans les prisons marocaines ?

Cette fois, nous tenterons de former un comité de militants associatifs et des droits de l’homme pour faire bouger les choses. Ce comité sera un intermédiaire entre le comité de soutien et les autorités. Nous espérons que cette mesure qu’un nouvel accord soit conclu, avant que l’Etat se désengage encore une fois. Ce comité de militants indépendants, issus d’organisations et d’associations reconnues par l’Etat sera appelé à jouer ce rôle d’intermédiaire. Nous y travaillons actuellement.

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