'Saviez-vous que le site de Maroc Numeric Cluster (MNC), un projet qui vous tient à coeur, a été réalisé par une société enregistrée au nom du frère de Moncef Belkhayat ?', demande, en essence, Rachid Jankari, s'adressant au ministre du Commerce et de l'industrie, Ahmed Reda Chami. Un cas de népotisme, un exemple de «rapports d’interconnexion haut débit Business & Family», estime Jankari, blogeur-journaliste et consultant nouveaux médias.
La société qui a été choisie pour gérer le site de MNC serait «Wib Zeneration», qui a pour sigle «WibZen». Elle appartiendrait à Ismaël Belkhayat Zougari, frère cadet de Moncef Belkhayat, ministre de la Jeunesse et des sports, révèle Jankari sur son blog. Maroc Numeric Cluster est un groupement d'acteurs publics et privés qui visent à mettre en oeuvre la Stratégie nationale pour la société de l'information et de l'économie numérique. Côté Etat, le ministère du Commerce, de l'industrie et des nouvelles technologies est le principal partenaire, ce qui peut rendre suspect le fait que le site du projet seraitgéré par le frère d'un membre du gouvernement. Est-ce pour favoriser des distances courtes ?
Cacher l'implication de WibZen ?
En tout cas, la révélation de Jankari semble avoir fait réagir WibZen. Selon Rachid Jankari, «5 minutes après» la publication de son article, «la mention Designed by WibZen a été supprimée du site Maroc Numeric Cluster», rapportait Jankari mercredi matin. Le journaliste-bloggeur a cependant enregistré les traces de la mention, à l'aide de la recherche cache de Google (voir mention de WibZen en bas de page).
La réalisation du site aurait été confiée à WibZen par Mehdi Kettani, directeur général de Bull Maroc et président de MNC. Ceci, sans que les conditions d'attribution aient été transparentes, selon Jankari. Dans une lettre ouverte adressée à Ahmed Reda Chami, Ministre du Commerce, de l’Industrie et des Technologies de l’information, vendredi 22 avril, Rachid Jankari appelait déjà le ministre à une «prise de position sur l’affaire». Considérant qu’à cause de sa fonction, il devait certainement avoir une idée sur la manière dont les choses se sont passées. Il fait également état, dans cette lettre, d’un message électronique qu’il aurait reçu et qui serait la preuve supplémentaire que la société «WibZen» travaille sur le projet de mise en place du système d’information du ministère de la Jeunesse et des Sports.
Des accusations qui s'ajoutent à d'autres
Jankari n'est pas le premier à accuser le ministre Belkhayat. Le 18 avril dernier, le Collectif Mamfakinch a publié sur son site, une lettre ouverte. Celle-ci concernait l'attribution à Bull Maroc d'un contrat sur des services informatiques par le ministère de la Jeunesse et des sports. Le collectif soulignait la non-conformité de la démarche appliquée avec la loi sur les marchés publics, et illustrait également les liens familiaux entre Moncef Belkhayat et Mehdi Kettani.
«L’avis d’appel d’offres, le résultat de l’appel d’offres et les extraits de procès verbaux de l’examen des offres devaient être publiés sur le portail gouvernemental des marchés publics. C’est pourtant sur le portail du ministère de la jeunesse et des sports qu’on a pu apprendre, le 6 avril, le lancement de ce projet, sans que l’attribution de ce marché de services à la société Bull Maroc, filiale marocaine du groupe français du même nom, n’ait été évoquée». Ce, tandis que dans un communiqué le 18 mars dernier, M. Belkhayat annonce l’attribution du marché à Bull, précisant qu’il avait été conclu le 2 février, en présence de Mehdi Kettani, PDG de Bull Maroc.
Autre affaire : une attribution de marché de construction. Goud.ma dévoilait le 16 avril dernier que Samia El Ghassal, l'architecte qui a obtenu des marchés de centres sportifs de proximité, n’est autre que la belle-sœur de Moncef Belkhayat. Par ailleurs, le Canard Libéré dans son numéro du quinze avril, révélait l’identité de certains collaborateurs du ministre. Said Belkhayat, l'oncle du ministre agé de 68 ans, est aussi son conseiller, moyennant un salaire mensuel de pres de 3000 euros. Jalal Hajjou, ancien collaborateur de Belkhayat chez Meditel (opérateur de téléphonie) d'où il a été licencié pour faute grave et soupçons de détournements, est aussi devenu son consultant au ministère. Mouad Hajji est chirurgien dentiste et ami, et a été catapulté directeur de cabinet du ministre (il a démissionné il y a quelques semaines pour désaccords). Pour le Canard Libéré, qui avait intitulé son article «Le Mensonge Musclé de Belkhayat», le ministre est «très controversé».
Le ministre dément
Face à ces accusations, M. Belkhayat dément et ne cesse de clamer son innocence. Depuis le début des accusations, M. Belkhayat répond via sa page Facebook. Il a pris le soin de répondre au Canard Libéré, ainsi qu’aux articles électroniques qu’il qualifie de « diffamatoires». Selon le ministre, ces rapportages ne seraient que des «manœuvres politiques en vue des élections de 2012», a-t-il déclaré le 20 avril dernier en réponse à un article paru dans l’hebdomadaire Actuel.