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Grand Angle  

Le temple de la science maure d'Amérique, une organisation religieuse d'origine marocaine ?

Historiquement, le mot maure désignait différents peuples à différentes époques. Cependant, en référence à l'époque médiévale et plus précisément l'Europe du Moyen-Age, les maures étaient les musulmans. A partir du 20ème siècle, un groupe d'Afro-américains a fondé une nouvelle organisation religieuse, émanant selon eux de l'islam, mais qui se voulait en réalité une influence de multiples croyances. Ils se sont désignés comme maures en référence à leur supposé pays d'origine, le Maroc. Histoire.

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Le principal temple de l'organisation mauresque à Chicago. /Ph. Wikimedia
Temps de lecture: 5'

Fondé en 1913 par Noble Drew Ali alias Timothy Drew, le Temple de la science maure d'Amérique (Moorish Science Temple of America) est une organisation nationale et religieuse américaine. Elle s’appuie sur le principe selon lequel les Afro-américains auraient été les héritiers des Maures de l'Afrique du nord-ouest, et sont par conséquent Maures et musulmans. Le Temple des sciences mauresques devient alors une sous-culture islamique qui réunit les Afro-américains convaincus d’avoir des racines maures.

Le «prophète» Noble Drew Ali. / Ph. DRLe «prophète» Noble Drew Ali. / Ph. DR

Cette sous-culture islamique, qui voit le jour dans un contexte mouvementé et controversé, notamment par les préludes de la Première Guerre mondiale, est née dans l'Etat de l'Illinois, aux Etats-Unis. La principale motivation de Noble Drew Ali lorsqu'il fonde ce courant est de permettre à ses adeptes de se forger une identité. En effet, en plus de mettre en avant la fierté raciale et l'élévation spirituelle, la doctrine mauresque visait aussi à donner de la visibilité aux Afro-américains à l'échelle internationale et permettre leur participation civique.

C’est que le «prophète» Noble Drew Ali est persuadé des origines maures des Afro-américains, dont il considère le caractère noble et supérieur. Le temple a renforcé cette idée, qu'il liait à l'islam, de façon à ce que les nouveaux membres de cette organisation devaient prouver que leurs ancêtres étaient bien nord-africains, marocains ou asiatiques. Ainsi, pour aspirer à une adhésion à cette organisation religieuse, il fallait que les fidèles soient d'origine maure et plus particulièrement de «l'Empire marocain». C'est à cet effet qu'au moment de se convertir, les néophytes obtenaient une «carte de nationalité».

Une communauté en quête d'identité

Les récits historiques ne manquent pas de rappeler que la communauté Afro-américaine faisait régulièrement l’objet de persécutions, soulignant qu’ils étaient perçus comme «Noirs». La ségrégation raciale et le racisme qui régnaient en ont fait la communauté la plus stigmatisée et la plus marginalisée. Ces persécutions deviennent le cheval de bataille de Noble Drew Ali. Et pour cause, le socle principal de sa secte était de trouver une identité et de s'y accrocher au fil des siècles. S'identifier en tant que Marocain ou Asiatique était l'un des moyens pour oublier ce qualificatif ; «noir». La nationalité, l'identité et les racines deviennent les piliers fondamentaux de cette organisation religieuse, comme souligné dans un article publié sur le site officiel du Temple de la science maure d'Amérique : «La véritable nationalité de ce qu'on appelle la personne noire de l'Amérique est américaine maure.»

Toujours dans cette quête d'identité, les adeptes de la nouvelle religion se distinguaient par un port vestimentaire qui leur était propre - les femmes portaient des turbans et les hommes un fez - ainsi que par une différenciation dans leurs noms, en ajoutant des suffixes «El» ou «Bey», accentuant leurs origines nord-africaines et plus précisément maures. L'organisation aspirait à glorifier tout simplement les peuples noirs et surtout les Afro-américains.

Les prières ont également été marquées par cette volonté de trouver une identité autre que celle donnée aux Africains vivant en Amérique. Les expressions comme «connaître votre soi» et «aimer votre nationalité» ont souvent été transmises comme une obligation et représentées comme le seul moyen de gagner l'amour et le respect. «Si vous ne vous connaissez pas, vous laissez l'autorité à quelqu'un d'autre pour vous identifier, et dans le temps, vous serez habitué à cette étiquette. Lorsque vous permettez à quelqu'un d'autre de vous nommer, vous lui avez essentiellement donné le pouvoir de vous définir», énonce la communauté sur son site officiel.

Les participants au Conclave du Temple de la Science des Maures en 1928 à Chicago. Noble Drew Ali est en blanc au centre de première ligne. / Ph. WikipédiaLes participants au Conclave du Temple de la Science des Maures en 1928 à Chicago. Noble Drew Ali est en blanc au centre de première ligne. / Ph. Wikipédia

Un lien avec l’islam

Le temple de la science mauresque puise sa doctrine en fusionnant plusieurs croyances dont l'islam, le bouddhisme, le christianisme ou encore la franc-maçonnerie. L’organisation avait sa propre version du Coran : «Holy Koran of the Moorish Science Temple of America» parfois abrégé en «Circle Seven Koran», avançant même l'idée que cet écrit serait l'original. Dans ses récits de voyages, leur «prophète» rapporte que c'est lorsqu'il rencontra le grand prêtre d'Egypte qu'il lui remit la version perdue du Coran ; un prêtre qui l'aurait également formé dans le mysticisme. Une version que Noble Drew Ali complétera par la suite en écrivant lui-même les quatre derniers chapitre du livre saint de son organisation religieuse : «Les fils et les filles déchus de la nation asiatique d'Amérique du Nord doivent apprendre à aimer au lieu d'haïr ; et de connaître leur moi supérieur et leur être inférieur. (...) La clé de la civilisation était et est entre les mains des nations asiatiques. Les maures, qui étaient les anciens Moabites, et les fondateurs de la ville sainte de La Mecque.»

Pour cette communauté, seuls deux populations subsistent sur Terre : les Européens et les Asiatiques, ces derniers étant les peuples d'Asie, d'Afrique, du Pacifique mais aussi les Latino-Américains et les Américains. Etaient considérés comme Européens tous les peuples «blancs» qui, d'après Noble Drew Ali, représentaient «l'individu inférieur», soit Satan.

Le mouvement religieux était dirigé conformément aux préceptes de l'islam de manière à ce que chaque fidèle croyait en Dieu, le prophète Mohammed et a lu le Coran. Les changements qui étaient à opérer par rapport à la religion musulmane portaient sur la version coranique et sur le fait que Noble Drew Ali était aussi un «prophète» et une âme réincarnée.

Le mouvement s'est étendu très vite à Chicago où il comptait beaucoup de partisans. En 1926, l'Etat de l'Illinois considérait le temple maure comme une organisation civique chargée d'enseigner aux Afro-américains comment devenir de meilleurs citoyens, rejeter la haine et embrasser l'amour et la tolérance. «L'objet de notre organisation est d'aider dans le grand programme d'épanouissement de l'humanité déchue et d'enseigner ces choses pour faire de nos membres de meilleurs citoyens», a déclaré Noble Drew Ali lors d'un discours publié sur le site officiel. Cela dit, l'islam orthodoxe n'a jamais accepté de reconnaître le «Moorish Science Temple of America» comme une branche de l'islam.

La communauté de nos jours. / Ph. Site Officiel (MSTA)La communauté de nos jours. / Ph. Site Officiel (MSTA)

Noble Drew Ali, un «prophète» américain

Fils d'un musulman marocain et d'une mère cherokee, Timothy Drew naît de parents tous deux esclaves, le 8 janvier 1886 en Caroline du Nord, et devient l'initiateur de cette nouvelle croyance.

De nombreuses légendes entourent son existence, telles que les récits portaient à croire qu'il était la réincarnation de tous les prophètes. Noble Drew Ali était très respecté par la communauté maure. Il était considéré comme une personnalité influente à Chicago. D'ailleurs, en 1929, il a assisté à l'inauguration du gouverneur de l'Illinois. Il décède des suites d'une tuberculose le 20 juillet de la même année, à l'âge de 43 ans. Cependant, des rumeurs laissent entendre qu'il a été tué par la police.

Après la mort du père-fondateur, le groupe éclate en trois factions rivales, dont certaines existent encore aujourd'hui. C. Kirkman-Bey, qui était son confident, est devenu le dirigeant du groupe le plus important, qui porte toujours le nom de «Moorish Science Temple of America».

Aujourd'hui, les groupes issus du mouvement sont toujours actifs et connaissent un certain succès, surtout dans les institutions carcérales où ils développent un fort prosélytisme. La concurrence et la visibilité médiatique des autres groupes de musulmans noirs américains ou de l’organisation politico-religieuse américaine «Nation of Islam» limitent néanmoins leurs capacités à s'étendre.

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