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Grand Angle

De l’Espagne vers le Maroc, rouages du trafic de karkoubi espagnol

Une enquête amorcée en 2015 a mis en lumière l’organisation minutieuse d’un réseau de trafic de karkoubi en Espagne, dont les ramifications s’étendaient jusqu’au Maroc. Détails.

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Le karkoubi espagnol inonde le Maroc. / Ph. DR
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Le karkoubi fait des ravages auprès de la jeunesse défavorisée marocaine. Le quotidien espagnol El Mundo a consacré un article aux rouages du trafic de cette drogue dévastatrice, de l’Espagne vers le Maroc.

Suite à la récente arrestation à Cadix (extrême sud de l’Espagne) de 18 personnes impliquées dans un réseau de trafic de ces comprimés psychotropes, éparpillé à travers toute l’Espagne, les autorités du pays sont parvenues à réunir plus d’éléments. D’après la police, les prévenus ont falsifié plus de 50 000 ordonnances médicales pour pouvoir se procurer des benzodiazépines, un composé organique qui sert de base à la fabrication de cette drogue. Ils achetaient des boîtes de 60 comprimés à 4 euros afin de les acheminer vers le Maroc, où chaque pilule est vendue 3 euros l’unité. Au total, leur bénéfice s’élève à 9 millions d’euros.

Une organisation minutieuse

C’est une inspection de routine dans une pharmacie qui a conduit à l’ouverture d’une enquête en avril 2015. Des ordonnances non affiliées à la sécurité sociale avaient été retrouvées lors d’une perquisition, d’après Aquilino Alonso, conseiller à la Santé dans la Junte d’Andalousie. Un psychiatre de Cadix a également porté plainte car son nom et son numéro d’adhésion étaient utilisés pour rédiger des ordonnances et, ainsi, acheter les médicaments. Depuis deux ans, 110 personnes ont été arrêtées dans 40 provinces espagnoles dans le cadre de cette enquête, parmi lesquelles les cerveaux de ce réseau, à savoir trois Espagnols et deux Marocains.

«Ils étaient très bien organisés. Les leaders s’occupaient de recopier les cachets et les ordonnances des médecins», explique Javier Molinera, chef de la brigade des stupéfiants de la police nationale. «Les ‘passeurs’, eux, se rendaient dans des petites pharmacies locales, où il est plus facile de se procurer ce type d’ordonnances», ajoute-t-il. Ils faisaient ensuite passer les médicaments via des ressortissants latino-américains répartis en Espagne et les payaient le double du prix du médicament. Une fois arrivés à la frontière maroco-espagnole, ils faisaient passer les comprimés dans des sacs de lentilles pour s’éviter tout problème à la douane.

Anxiété, hallucinations, irritabilité et comportements agressifs

C’est ainsi que cette drogue parvient aux quartiers populaires marocains. «Le karkoubi n’est pas cher, plonge le consommateur dans un état constant d’euphorie accompagné d’hallucinations», poursuit Javier Molinera. La drogue est fabriquée à partir d’un mélange entre le haschich et le clonazépam, une molécule de la classe des benzodiazépines. Il en résulte ensuite trois à quatre comprimés de karkoubi. «Les benzodiazépines agissent en tant qu’inhibiteur du système de neurotransmission cérébrale», abonde le docteur Raúl Usechi. «Les mécanismes excitateurs du système nerveux sont surmenés, le cerveau est donc en hyperactivité. Le mélange avec le haschich peut générer de l’anxiété, des hallucinations, de l’irritabilité et des comportements agressifs.»

Si le karkoubi transite régulièrement par l’Espagne et l’Algérie, il n’empêche que le Maroc possède lui aussi des laboratoires de fabrication clandestins. A Fnideq, un mineur raconte à El Mundo : «Je franchis quotidiennement la frontière au niveau de Ceuta avec une voiture chargée de comprimés cachés dans l’air conditionné. Je garde quelques comprimés pour fabriquer le karkoubi et j’envoie le reste vers d’autres villes côtières.»

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