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Grand Angle

Yahya El Fassi, symbole d'un système défaillant ?

Décédé à la fleur de l'âge, Yahya El Fassi, marocain d'origine palestinienne, 26 ans, a été fauché le 18 avril dernier par une conductrice qui n'a pas marqué le stop. La jeune femme, en liberté, est toujours titulaire de son permis de conduire. La famille de la victime dénonce l'impunité dont bénéficient certains citoyens marocains qui ont le bras long.

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Yahya El Fassi, victime de l'imprudence d'une conductrice, est mort le 18 avril 2017. / Ph. Sabrine El Fassi
Temps de lecture: 3'

Comme une impression de déjà vu, les récentes actualités ont fait ressortir bien des failles dans le système de nos institutions. En effet, après la polémique Derham en Ferrari, voici l'affaire Yahya El Fassi, ou l'histoire d'une vie brisée pour un stop non respecté.

Il est 22h30 ce mardi 18 avril lorsque Yahya et son ami, à bord du scooter de ce dernier, sont renversés par une voiture. Yahya, installé derrière le conducteur, est propulsé à une quinzaine de mètres. Il décède sur le coup. Son ami termine sa course avec deux jambes cassées. «Il sortait de l'entreprise où il travaille à Sidi Maarouf. L'accident a eu lieu sur la route d'Al Qods près de Ain Chok», explique la petite sœur de Yahya, Sabrine El Fassi, 24 ans, coursière en cabinet d'avocats.

«C'était l'homme de la famille depuis le décès de mon père. C'est lui qui travaillait pour m'aider à subvenir aux besoins de la famille, ma petite sœur et ma mère ne travaillant pas. Il était encore jeune, il n'aurait pas dû mourir ainsi. Il avait des rêves plein la tête, ils se sont envolés avec lui, tout est parti en fumée», raconte Sabrine, la mort dans l'âme.

Un témoignage douteux

Un stop non respecté, un accident et un homicide involontaire : c'est ainsi que se sont enchaînés les événements cette nuit-là. L'irresponsabilité d'une conductrice s'est traduit par un stop non marqué, qui a causé une collision avec le scooter. L'autopsie a révélé que la victime est morte sur le coup en raison de la violence du heurt à la tête et que toutes ses côtes ont été brisées.

«Nous n'avons été alertés que vers 23 heures. Eux arrivaient sur la route principale tandis que la voiture qui les a percutés sortait d'une petite ruelle résidentielle. Le procès verbal précise bien que la cause de l'accident est due au non respect du stop de la part de la conductrice. D'ailleurs lorsque les policiers sont arrivés sur place, ils ont relevé qu'elle se trouvait à plus de cinq mètres de la ligne blanche», poursuit Sabrine.

Faute de témoignage et face à la gravité des dégâts corporels et matériels, la mise en cause est placée en garde à vue le soir même pendant 48 heures. Le lendemain, un voisin de la jeune femme se rend au commissariat en affirmant avoir assisté à la scène depuis son balcon du troisième étage. Sabrine avance toutefois qu'il s'agit d'un faux témoignage livré en faveur de la conductrice : «Ce monsieur affirme que sa montre indiquait 22 heures lorsqu'il a regardé par sa fenêtre. Or c'est impossible car mon frère était encore au travail à cette heure-ci. Il n'a pointé son départ qu'à 22h10 et l'accident a eu lieu à 22h30.»

Le procès verbal confirme le non-respect du stop de la part de la conductrice. / Ph. Sabrine El FassiLe procès verbal confirme le non-respect du stop de la part de la conductrice. / Ph. Sabrine El Fassi

Un procès aux contours flous

Après avoir passé 48 heures derrière les verrous, la jeune femme a été libérée sous caution d'un montant de 10 000 dirhams, d'après Sabrine. Le plus surprenant, c'est que la conductrice, selon elle, est toujours en possession de son permis de conduire. Une sentence amère pour la famille de Yahya qui crie à l'injustice face à ce sentiment d'impunité. Bouleversée, Sabrine se dit indignée par cet acte : «Pourquoi lui ont-ils rendu son permis ? Elle a tué une personne, ce n'est pas rien. Les vies ne valent rien aux yeux de la loi et de ce pays de droit ?»

La première audience a eu lieu jeudi 27 avril. Pas moins de 12 avocats se sont portés volontaires pour défendre la famille de la victime. «Je suis dans le milieu et je connais du monde. Ils n'ont pas digéré que cette nana s'en sorte si facilement alors ils se sont constitués partie civile», précise Sabrine. Contactée par Yabiladi, l'une des avocates en charge du dossier n'a pas donné suite à nos appels.

«Ce qu'on demande aujourd'hui, c'est que la loi relative au code de la route soit appliquée. La législation marocaine est claire : l'article en question énonce bien que si le conducteur n'a pas respecté le stop et causé un accident, il encourt une peine d'emprisonnement minimale de 6 mois, pouvant même aller jusqu'à 5 ans. Son permis de conduire doit lui être retiré immédiatement. Nous voulons seulement rendre justice à mon frère et prouver que ce n'est pas parce qu'ils sont riches que nos droits doivent être bafoués.»

«Ce qui m'a fait mal, c'est qu'ils n'ont même pas daigné s'excuser. Lors de l'audience, sa famille s'est montrée hautaine et a osé se présenter bien maquillée et en talons. On parle d'une vie, c'est mon frère qui est mort», se révolte Sabrine. «Ils ont cru qu'on était issus d'un quartier populaire ? Qu'ils pouvaient s'en sortir avec de l'argent ? Je ne veux pas que mon frère soit décédé pour rien, je veux dénoncer sans langue de bois, à travers son histoire, ce système où une vie ôtée ne reçoit que du mépris et de l'indifférence parce que les coupables sont riches.»

La prochaine audience du procès aura lieu le 1er juin 2017. Se fera-t-il le porte-voix de toutes ces victimes qui payent le prix cher en faveur des Welad L'fchouch et des bras long de ce pays ?

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