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Grand Angle

Réforme constitutionnelle : Le débat se déplace à Paris

Lundi 25 avril, à Paris, s’est tenu un large débat politique sur l’avenir du Maroc et de sa constitution. À l'invitation de l'Association Maroc développement les représentants des principaux partis politiques marocains, ainsi qu’un membre du Mouvement du 20 février ont débattu pendant plus de 4 heures devant un public composé essentiellement de jeunes. Compte rendu.

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El Mourabet, intiateur de la conférence
Temps de lecture: 4'

La conférence organisée par l’association Maroc Développement, organisation proche du Parti Justice et Développement (PJD), lundi 25 avril a rassemblé la quasi-totalité de la scène politique marocaine actuelle pour débattre dans le cadre de la nouvelle réforme constitutionnelle.

En ouverture de ce débat, la seule femme présente à la tribune, Latifa Bennani Smires, présidente du groupe istiqlalien au parlement, a souligné que le Maroc se situe à un moment critique de son histoire. «Au Maroc nous marchons sur des œufs, certes le pays a choisi le chemin du développement avec ses erreurs mais les revendications actuelles font aussi craindre le désordre», estime-t-elle. Ces craintes n’empêchent pas le parti historique de manifester son soutien au Mouvement du 20 février.

Les partis politiques défendent leur action

L’Istiqlal revendique toutefois la paternité de beaucoup de demandes de réformes : «j'invite la jeunesse à lire nos propositions depuis l'indépendance», lance Latifa Bennani Smires, avant d'ajouter, «si les jeunes s'expriment aujourd'hui quant il le veulent et sans contraintes c'est grâce aux luttes des partis politiques dont l'istiqlal.»

Driss Lachguar, membre de Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) et ministre chargé des Relations avec le parlement, a également rappelé le «lourd tribu payé par son parti» pour l'instauration d'un Etat de droit. Il a souligné que la nouvelle constitution ne doit pas «être un modèle du point de vue technique mais doit être faite pour le Maroc d'aujourd'hui avec ses particularismes». Pour Driss Lachguar, «aujourd'hui nous avons un nouveau pouvoir, le pouvoir de l'opinion publique».

Said Ameskane, ancien ministre et député du Mouvement Populaire (MP), refuse aussi que l’on balaie d'un revers de main les réalisations des partis politiques depuis l'indépendance. Il invite toutefois la jeunesse à pousser les anciennes générations vers la sortie si ces dernières ne conviennent plus ou alors de fonder d'autres partis si elle considère que tout est «pourri». Pour la nouvelle constitution, il ressent «la nécessité de poser des gardes fous pour préserver nos acquis car nous ne partons pas de rien». Bref, le MP propose quelques retouches tout en conservant la constitution actuelle.

Le membre du Mouvement du 20 février, Mustapha Mouchtari, a reconnu le rôle des partis historique dans la lutte du peuple marocain - «notre mouvement n'est pas le début de l'histoire» - mais a souligné que c'est ce mouvement qui a permis de faire sortir ce débat, jusqu’ici limité aux élites, dans la rue pour permettre à l'ensemble des composantes de la société marocaine de s'en saisir. Interpelé sur ses propositions, il a rappelé que le Mouvement porte des revendications populaires et qu’il appartient à ceux qui «détiennent le pouvoir de trouver les solutions. Nous resterons dans la rue tant que nos demandes ne seront pas satisfaites». Parmi elles, comptent la fermeture du centre de détention secret de Témara et la suppression du festival Mawazine qui «consacre la collusion entre les intérêts privés et l'Etat». Le Mouvement dénonce aussi tous «les prédateurs qui profitent de leur proximité du Roi pour accroitre leurs richesses».

Nouvelle constitution

L'article 19, qui cristallise le débat au Maroc, ne semble pas être la priorité pour les représentants des partis présents à Paris. Latifa Bennani Smires considère que c'est un faux débat : bien d’autres articles de la constitution concentrent le pouvoir entre les mains d'une seule personne. Le Parti de l'Istiqlal propose d'éviter cette concentration par la séparation des pouvoirs. Mustapha Ramid, figure rebelle du PJD et soutien du Mouvement du 20 Février depuis ses débuts, a souligné que même l'actuel article 19 ne donne pas le pouvoir de légiférer au Roi c'est la lecture qui est faite de cet article qui doit changer : «l'article 19 ne doit pas être une constitution à lui seul».

Pour Abdelouahed Souhail membre du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), «Il n'est pas imaginable de légiférer au nom de l'article 19, le parlement doit être la seule source de législation. L'idée d'une constitution est venue de la volonté de limiter un pouvoir absolu. Au Maroc, la monarchie est légitime parce que voulue par le peuple, elle doit donc garder un rôle d'intervention dans la chose publique en respectant la constitution».

Le PJD propose la création d'un haut conseil d'Etat, présidé par le Roi, qui se charge des questions sécuritaires, militaires. En parallèle, le gouvernement deviendrait totalement responsable de ses actes en matière des politiques publiques. Pour le PJD comme pour la majorité des partis il ne doit plus y avoir de «dahir», tout doit passer par le parlement représentatif et démocratiquement élu. Autre point d'accord entre les différents partis : l'élargissement des prérogatives du gouvernement.

La représentation politique de MRE est une évidence pour tous, mais les partis sont à court d'idées sur la question. Pour l'heure ils en restent aux déclarations d'intention. Seul le PPS appelle le CCME à être imaginatif.

La langue amazighe suscite plus le débat. Pour les uns (PPS, USFP) la langue amazighe doit devenir une langue officielle alors que pour les autres (PI, MP, PJD) le statut de langue nationale suffit quitte à ce que l'administration soit capable, dans les régions ne parlant pas l'arabe, de s'adapter à ces usagers. En revanche, l'unité du pays dans sa diversité est une priorité pour tous. Le mouvement du 20 Février n'a, toutefois, pas de position définitive sur la question : la nature composite du mouvement rend difficile une position claire sur une question aussi cruciale.

Le Parti Authenticité et Modernité (PAM) fait l'unanimité contre lui. Pour Latifa Bennani Smires, l'ascension de ce parti porte une lourde responsabilité dans le délabrement politique actuel au Maroc. La charge la plus lourde vient de Mostafa Ramid : «certains pensaient que le développement économique suffisait et que le modèle tunisien était efficace. Ils ont donc imaginé la création d'un parti dirigé par le pouvoir pour contrôler le tout. Il a assassiné la politique au Maroc». Il a ajouté, «le mouvement de la jeunesse constitue une nouvelle donne, le discours du Roi est courageux, je suis optimiste mais vigilant».

En conclusion de ce riche débat, Said Ameskane, a annoncé qu'il ne briguera pas de nouveau mandat de député en 2012, il laisse sa place. Espérant que d'autres suivent l'exemple pour que nos enfants soient fiers de nous comme l'espère Mustapha Mouchtari.

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