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Grand Angle

Privatisation de la production électrique marocaine et influence

La part des entreprises privées dans la production électrique nationale ne cesse de croître. Emiratie, saoudienne, mais aussi françaises et particulièrement marocaines, elles participent à la géopolitique du royaume.

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Après la construction de la centrale à charbon de Safi, l'ONE envisagerait une nouvelle centrale thermique à Nador
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La centrale à charbon de Jorf Lasfar représente encore un quart de la capacité électrique installée au Maroc. Ce constat rappelle que l’indépendance énergétique chère au Maroc ne tient pas seulement à l’origine des hydrocarbures et du charbon qu’il importe, mais également à l’origine et aux intérêts des sociétés qui installent les centrales électriques du pays. Le secteur public, s’il lance encore les appels d’offre, ne veut plus, en effet, en être propriétaire.

Sur 8154 MW de capacité de production électrique installée au Maroc, l’ONE en gère toujours 61,3% mais il ne lance aucun nouveau projet en propre. Tous les nouvelles centrales électriques - du solaire au charbon en passant par l’éolien - sont financées et développées par des entreprises privées. Ce secteur va doubler sa capacité de production électrique dans les prochaines années.

Emblématique de ce glissement stratégique, la première phase de la centrale solaire Noor I, inaugurée en grande pompe par le roi, en décembre 2015, a été financée, développée et exploitée par le Saoudien Acwa Power. Un an plus tôt, la même société remportait l’appel d’offre pour la réalisation des deux phases suivantes. Un an plus tard, elle lançait les commandes des turbines pour le parc éolien de Khalladi, près de Tanger Med.

L’influence des pays du Golfe et notamment de l’Arabie Saoudite n’augmentera cependant pas en proportion de ces investissements car ils ne sont pas les seuls. Beaucoup de nouvelles centrales électriques sont en construction un peu partout au Maroc pour faire face à la croissance exponentielle de la demande. Elle devrait avoir doublé entre 2013 et 2025, selon le ministère de l’Energie.

Dans quelques années - lorsque tous les projets en cours d’adjudication ou de réalisation auront été achevés - les installations de Taqa et Acwa Power réunies ne représenteront ainsi, selon nos calculs*, que 22,5% de la capacité électrique du Maroc : moins que la seule centrale à charbon de Taqa aujourd’hui.

Nareva prochain big player

A contrario, le marocain Nareva, filiale de la holding royale SNI, en partenariat avec les principales sociétés européennes de l’énergie, fait une poussée fulgurante. En plus du parc éolien de Tarfaya opérationnel et réalisé avec le français Engie (ex-EDF), Nareva a remporté en mars dernier l’appel d’offre lancé par l’ONE pour la réalisation de plusieurs parcs éoliens totalisant une capacité de 850 MW. En sus, sa participation de 35% au capital de la SAFIEC, chargée de la construction de la future centrale à charbon de Safi, va lui permettre de presque tripler sa participation dans la capacité de production électrique marocaine totale. Elle atteindra 17% quand tous les projets en développement auront été achevés.

Le choix de l’ONE de développer une nouvelle centrale à charbon à Safi a ainsi durablement influencé le marché de la production électrique au Maroc. Si les centrales à énergie renouvelable - que développe Acwa, par exemple - ont une capacité limitée à quelques centaines de MW chacune, une seule centrale à charbon installe aisément une production de plus de 1000 MW. Ainsi le français GDF Suez, le Japonais Mitsui et Nareva ont-ils frappés fort en remportant l’appel d’offre pour les 1386 MW de la centrale de Safi.

Enfin, de nouveaux petits producteurs privés d’électricité émergent en parallèle grâce au cadre favorable de la loi 13.09 relative aux énergies renouvelables. Depuis son adoption en 2010, elle avait surtout profité à Nareva mais de nouvelles entreprises comme Energie J2 Terre, Innovent Maroc, SGTM ou le fonds d’investissement américain Platinum Power multiplient les tous petits projets éoliens et hydro-électriques.

* Nous avons recensé toutes les installations électriques actuelles, ainsi que tous les projets en cours de developpement (ceux qui en sont au moins au stade de la préqualification des entreprises) pour calculer l'évolution de la participation de chaque entreprise à la capacité de production électrique installée du Maroc.

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