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Nomad #19 : Sidi Ahmad Chachkal, un petit «Mont-Saint-Michel» près de Cap Beddouza

Aventurons nous à quelques kilomètres de Cap Cantin (Cap Beddouza à 35 km de Safi), dans le tombeau de Sidi Ahmed Chachkal. Un marabout qui fera l’objet de cet article #Nomad qui regorge de légendes. Détails.

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À trois kilomètres de Cap Beddouza (région Marrakech-Safi) se trouve le marabout de Sidi Ahmed Chachkal. / Ph. Marocopédia
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À trois kilomètres de Cap Beddouza (région Doukkala-Abda) se trouve le marabout de Sidi Ahmed Chachkal. Le lieu est connu pour son «pèlerinage des pauvres» datant de plusieurs siècles dans le passé, où plusieurs personnes viennent chaque année pour se recharger en spiritualité. Des traditions d’antan qui continuent de perdurer jusqu’au 21ème siècle.

Le marabout de Sidi Ahmed Chachkal donne sur une étendue de sable à l’infini au milieu de nulle part. Le vent de l’océan Atlantique frappe le visage des rares personnes qui se baladent dans les environs. L’air est pur et vivifiant. Le lieu de culte est construit autour d’un grand rocher, à quelques mètres se trouve un abri qui fait office de mosquée.

Lors de la marée haute, un spectacle sublime s’offre aux visiteurs, puisque l’eau encercle le marabout, «comme le Mont Saint-Michel», décrit à Yabiladi Fouad Rehouma anthropologue. «Malheureusement c’est en ruine et laissé à l’abandon», se désole l’homme de 62 ans qui vit à quelques pas du lieu. «C’est un lieu de pêche par excellence, un vrai bonheur», confie-t-il. Il faut creuser un peu plus dans l’histoire pour se rendre compte qu’autour de ce marabout des siècles d’une tradition de pèlerinage perdure.

Ph. MarocopédiaPh. Marocopédia

«Le pèlerinage des pauvres»

«Sidi Ahmed Chachkal est un personnage qui a existé au début du 13ème siècle (vers 1210/1220). C’était un disciple du saint patron de la ville de Safi : Sidi Mohamed Bensalah», explique l’anthropologue. Le saint de la ville avait une charge étatique de s’occuper du pèlerinage en accompagnant les caravanes depuis le littoral marocain jusqu'à La Mecque. A l’époque peu de personnes effectuaient ce pèlerinage et ne comprenaient pas ce qu’étaient les rituels du Hadj. Fouad Rehouma explique :

«Ce saint s’occupait des initiations pour leur apprendre comment procéder pour faire le pèlerinage. Il a choisi ce rocher qui se trouve au Cap Cantin, au milieu de la plage.»

Sidi Mohamed Bensalah a demandé à Sidi Ahmed Chachkal d’apprendre aux visiteurs à faire les «circumambulations autour de la Kaâba». Il le faisait sur la plage autour du rocher où est construit le marabout actuel.

Sidi Ahmed Chachkal décède, pourtant les habitants de la région ont gardé cette tradition jusqu’au 14ème siècle. Petit à petit, elle ne devint qu’un souvenir. «Vers le 17ème/18ème siècle, la pratique recommence, mais ils ont rajouté une chose, pour les personnes qui ne peuvent pas aller à La Mecque, elle peuvent faire leur pèlerinage à Sidi Ahmad Chachkal», raconte l’homme de 62 ans. C’est de là que nait l’appellation «pèlerinage du pauvre». Selon l’anthropologue, les «pèlerins» avaient «fait leur devoir», mais il n’avaient pas droit au titre de «Hajj». «Ils n’ont fait qu’aimer Dieu de cette façon-là», ajoute Fouad Rehouma. Le pèlerinage a lieu la veille de l’Aid El Kebir en même temps que celui de La Mecque.

Le mausolée Sidi Ahmad Chachkal. / Ph. MarocopédiaLe mausolée Sidi Ahmad Chachkal. / Ph. Marocopédia

«Kaâba et Jbel Arafa»

A une cinquantaine de mètres du marabout se trouve un autre rocher «plus imposant que celui du saint». C’était un cimetière. «Les gens de la région l’appellent Jbel Arafa. Après le rituel de la Kaâba, ils vont redescendre du monticule et vont vers le jbel arafa pour y faire leur prière», ajoute l’anthropologue.

La tradition commence à créer des contestations de la part de certains mouvements islamistes qui «considère que cette pratique est une hérésie», confie l’anthropologue. Et d’ajouter :

«Pour eux, si on veut aller à la rencontre de Dieu, il faut aller à La Mecque et non ailleurs. Ce malentendu a fait que la pratique est devenu un sorte d’illicite.»

De temps en temps des personnes viennent jeter des pierres sur les visiteurs «pèlerins» qui viennent au marabout. Dans les faits, les personnes qui viennent au marabout «sont dans l’infortune de la santé et de l’âme viennent s’y repentir et s’apaiser», déclare Fouad Rehouma.

«J’ai sollicité quelques contacts pour la sauvegarde du site. Mais c’est un peu compliqué avec les autorités de la ville vu cette compétition autour de la lecture religieuse du lieu.»

Au milieu de la plage, à une soixantaine de mètre du marabout se trouve un puit. «Des archéologues ont analysé la roche et pensent que ce puit existe depuis l’époque romaine», renchérit l’homme de 62 ans. «Ils y trouvaient l’eau en abondance pour alimenter le navire. L’eau était soit douce, soit saumâtre». Une bassine en pierre creuse est posée à coté du puit, «elle est vraiment ancienne aussi», révèle Fouad Rehouma.

Cet article a été écrit en partenariat avec Marocopédia, site qui met en valeur la culture et le patrimoine marocain. Ce dernier a fait une page spéciale pour la ville de Safi.

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