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Grand Angle

L’artiste marocaine Lalla Essaydi se fait tirer le portrait par le New York Times

Artiste à succès qui navigue entre Marrakech et New York, Lalla Essaydi milite pour que changent les stéréotypes qui pèsent sur les femmes arabes. Le New York Times raconte.

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L’artiste marocaine Lalla Essaydi se fait tailler le portrait par le New York Times. / DR
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Comment les femmes sont-elles dépeintes dans l’art ? La question a fait l’objet d’une table ronde à Doha, organisée par le prestigieux New York Times (NYT). L’artiste marocaine Lalla Essaydi, qui figurait parmi les participants, est revenue sur son parcours artistique.

Elle a notamment évoqué ses difficultés à imposer son art à sa famille, réputée conservatrice. «J’ai eu beaucoup de mal à exercer mon travail», raconte-t-elle. «[Ma famille] disait quasiment que ce que je faisais était de la pornographie, puisque je travaillais avec des femmes. J’ai donc dû faire en sorte qu’ils n’en sachent rien.» C’est ainsi que Lalla Essaydi a commencé à forger son art à l’abri des regards, capturant ses photographies le soir. Lors d’un shoot, la police ira même jusqu’à surveiller les lieux, «pour me protéger de ma famille à cause de ce que je faisais». «Ils ne comprenaient pas. Ils voyaient un groupe de femmes ensemble alors que je les prenais simplement en photo.»

Ainsi, la relation de l’artiste avec l’art oriental est «compliquée», les représentations occidentales des femmes arabes étant jugées «dégradantes». «Nous ne nous projetons pas dans ces peintures», déplore-t-elle. Depuis, son objectif en tant qu’artiste est clair : briser ces stéréotypes «en s’appropriant l’imagerie ou le style» des peintres orientalistes.

«Une fusion de calligraphie arabe et de formes féminines»

Petit à petit, le travail de Lalla Essaydi a commencé à se frayer un chemin au Moyen-Orient, relayé par le bouche-à-oreille de quelques médias curieux. «[Mon art] est désormais accepté au Maroc», dit-elle. «J’ai fait plusieurs expositions. Certaines de mes œuvres figurent même dans la collection du roi en personne.» L’artiste se dit honorée d’un tel prestige : «Le plus important pour moi est que ce type de travail soit dans la collection de la personne la plus puissante du pays, qui peut ainsi faire des actions pour aider les femmes», espère Lalla Essaydi.

Cette native de Marrakech est née dans une «famille privilégiée», écrit le NYT. «Son père avait quatre femmes et 11 enfants (…) Elle a grandi dans un environnement (…) où le rôle de la femme se résumait à se marier et avoir des enfants.» L’artiste emprunte dans un premier le chemin tracé par sa famille, se marie et déménage en Arabie saoudite pour élever ses enfants. Dans les années 1990, elle fait escale en France où elle étudie l’art, avant de s’envoler aux Etats-Unis avec ses enfants.

Le travail de Lalla Essaydi est «une fusion de calligraphie arabe et de formes féminines», décrit le quotidien new yorkais. «C’est aussi une réponse aux peintures orientales du 19e siècle d’Ingres, Delacroix et Jean-Léon Gérôme, qui étaient de purs produits de l’imagination.» Ces œuvres d’art représentaient des concubines à moitié nues «adossées dans des harems d’hommes puissants». Ces femmes n’avaient pas de nom et étaient «des objets du désir masculin», poursuit le NYT.

Lalla Essaydi montre aujourd’hui de vraies femmes issues de son entourage - sa famille notamment -, prenant la pose à l’intérieur de palaces marocains historiques, et espère surtout que ses œuvres permettront de faire sauter certains verrous.

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