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Grand Angle

France : Des mineurs marocains livrés à eux-mêmes dans les rues de Paris

Une centaine de jeunes garçons marocains se trouveraient actuellement dans la capitale française. L’association «Hors la Rue», qui vient en aide aux mineurs étrangers en détresse, a établi un premier contact avec eux.

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Une centaine de jeunes garçons marocains se trouveraient actuellement dans la capitale française. / Ph. Jacques Demarthon, AFP
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Depuis deux mois, un groupe de mineurs marocains sillonnent les rues du quartier de Barbès, dans le 18e arrondissement de Paris, d’après le Monde. Agés de 10 à 16 ans, ils seraient arrivés dans la capitale au terme d’un long périple, après avoir rejoint dans un premier temps l’Espagne.

S’il est difficile d’évaluer leur nombre, la Ville de Paris en a identifié 24, tandis que l’Office français de l’immigration et de l’intégration les estime à une centaine. Shootés à la colle, ils arpentent seuls et sans but précis ce quartier chaud de l’ouest parisien, «refusant toute prise en charge par les pouvoirs publics», écrit le quotidien.

Un portrait peu flatteur qui conforte malgré lui les stéréotypes déjà peu élogieux des enfants des rues, que l’on veut confinés à la délinquance, regrette Séverine Canale, responsable communication de l’association «Hors la Rue» - la seule à être parvenue à entrer en contact avec eux. «Ils n’en sont certes pas encore à formuler une demande de prise en charge ‘classique’ au titre de la protection de l'enfance - scolarisation et foyers, entre autres -, mais demandent en revanche à dormir au chaud, pouvoir accéder à un repas, prendre une douche», corrige notre interlocutrice.

Celle-ci d’insister : «Il faut savoir que ce sont des choses qui prennent beaucoup de temps et un travail éducatif inscrit dans la durée est nécessaire. Ces jeunes sont habitués à se débrouiller seuls, d’autant que pour l’instant, on ne sait pas dans quel contexte ils évoluaient dans leur pays d’origine. Ils ne sont pas dans la capacité immédiate de formuler un projet de vie clairement défini au vu de leur parcours inscrit dans l'errance depuis plusieurs années. Tout ça s’apprend et demande du temps.» Séverine Canale nie toute «démarche ‘clochardisée’» et assure au contraire que ces jeunes prennent soin d’eux.

«Etablir un pont avec eux»

D’après les témoignages récoltés ici et là par cette association spécialisée dans le soutien aux mineurs étrangers, ils seraient originaires du nord du Maroc, «notamment Fès et Tanger», précise la responsable. Ils auraient fait escale à Ceuta et Melilla et «se seraient peut-être cachés dans des camions pour arriver en France. On pense aussi qu’ils sont venus en train». Ces jeunes garçons seraient présents sur le sol français «depuis quatre ou cinq mois. Ils nous ont été signalés par la mairie de Paris. Nous, on les connaît depuis un petit mois». Soit trop peu pour nouer des rapports de confiance :

«Il y a avant tout un travail de lien, de confiance et d’accroche à faire avec eux, qui s’inscrit dans la durée. Pour le moment, on est dans une phase d’observation, on tente d’établir un pont avec eux. C’est le type de public qui se braque facilement face aux questions, ça les fait fuir et, au final, ils ne racontent que ce qu’ils ont envie de raconter. L’heure n’est donc pas aux interrogations sur leur parcours migratoire.»

L’association privilégie ainsi d’autres pistes pour récolter quelques éléments de compréhension sur la situation de ces jeunes et leurs parcours : «On a essayé de se renseigner en établissant des contacts avec des associations marocaines et espagnoles pour comprendre certains éléments. On ne passe pas forcément par eux pour avoir ces éléments. D'autant qu'une autre association est mandatée par la Mairie de Paris pour réaliser un diagnostic.»

En revanche, d’autres fragments de leur histoire ressortent spontanément : «Il y a une grosse tension dans le quartier de Barbès qui les poussent à subsister et commettre par conséquent des actes de délinquance par faute de choix. Ça reste des mineurs vulnérables en grande souffrance, d’autant que la toxicomanie engendre chez eux des comportements qu’ils ne maitrisent pas forcément. La consommation peut ainsi les rendre violents», explique Séverine Canale.

Des mineurs étrangers isolés qui ne peuvent être expulsés

La France étant signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), ces jeunes, parce que mineurs isolés étrangers (MIE), ne sont pas en situation irrégulière et ne peuvent faire l’objet d’une expulsion. Il revient ainsi à l’Etat de les prendre en charge et de les insérer dans le droit commun. «Les mineurs isolés étrangers étant par définition isolés, aucun accord des tuteurs légaux n’est envisageable. Leur prise en charge administrative par les services départementaux de la protection de l’enfance ne peut donc résulter que d’une situation d’urgence. Le fait qu’ils soient mineurs et isolés suffit à caractériser le danger qui rend nécessaire leur recueil provisoire d’urgence», énonce le Centre ressources sur les mineurs étrangers isolés.

Ainsi, ces derniers «devront faire l’objet d’une protection administrative sur le fondement de l’urgence dès leur signalement à la CRIP (Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes). Ils sont donc éligibles à une protection dès leur arrivée sur le territoire français (Recueil Provisoire d’Urgence).»

Article modifié le 2017/03/15 à 11h36

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