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Histoire : Le 3 mars 1961, quand le roi Hassan II fut officiellement intronisé

Entre février et mars 1961, l'histoire du Maroc retient deux principaux faits marquants. D’abord, le décès prématuré du roi Mohammed V puis l’intronisation, le 3 mars 1961, du roi Hassan II. 

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Feu le roi Hassan II le jour de son intronisation au palais royal de Rabat. / Ph. Phillipe Le Tellier
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Ce vendredi 3 mars, les Marocains célèbrent le 56e anniversaire de l’intronisation du roi Hassan II. Une date fêtée en grande pompe pendant près de 37 ans. Six jours plus tôt, soit le 26 février 1961, le prince héritier Moulay Hassan annonçait au peuple marocain la triste nouvelle : le roi Mohammed V est décédé à Rabat suite à une intervention chirurgicale bénigne. Une opération qui a fait l’objet de plusieurs versions par les historiens, en fonction de leur position et leur proximité avec le Palais royal.

Dès mai 1960, Hassan II est à la tête de la direction active du pays

Remonté dans le temps. Nous sommes le mardi 9 juillet 1957. Le roi Mohammed V, répondant aux sollicitations de la classe politique, du gouvernement et de plusieurs personnalités, nomme son fils aîné, Moulay Hassan, prince héritier. Bien avant cette date, le sultan chérifien avait déjà exprimé l’envie de mettre en place des institutions politiques représentatives du peuple au lendemain de l’Indépendance. Une idée qui se concrétise dès août 1956 avec la mise en place du premier Conseil national consultatif, puis en mai 1960 avec les élections rurales et urbaines. Le 3 novembre de la même année, le tout premier Conseil constitutionnel est mis en place. Toutefois, il ne fait déjà pas l’unanimité. En effet, d’après le septième volume des «Mémoires du patrimoine marocain» (éditions Nord Organisation, 1986), le conseil a été boycotté par les membres de l’Union nationale des forces populaires (UNFP), le Mouvement national (devenu par la suite Mouvement populaire) de Mahjoub Aherdan et le Parti démocratique constitutionnel de Hassan El Ouazzani.

D’ailleurs, dès les élections de 1960, le roi Mohammed V avait chargé l’héritier au trône de la direction active du pays. «Lorsque son fils Moulay Hassan, le futur Hassan II, se montre impatient face à la lenteur de sa politique, Mohammed V le nomme vice-président du Conseil en mai 1960 et lui délègue la direction active du pays», indique un article d’Universalis.

«Le prince héritier détient de fait tous les pouvoirs depuis le 20 mai 1960. Neuf mois après, Mohammed V va disparaître au cours d’une opération, théoriquement bénigne», raconte de son côté Maurice Buttin, dans son ouvrage «Hassan II, de Gaulle, Ben Barka. Ce que je sais d’eux» (édition Karthala, 2010). Selon ce dernier, le souverain et son fils se serait fâchés à plusieurs reprises. L’écartement de la gauche marocaine du gouvernement serait l’une des raisons de leurs désaccords.

Mohammed V, une disparition prématurée

Nous sommes samedi 25 février 1961. Le roi Mohammed V reçoit au palais royal de Rabat Ahmed Balafrej et Boubker Kadiri. Il est souffrant et doit subir le lendemain, le 26 février, une intervention chirurgicale, qui ne serait pas la première. En effet, déjà en 1938, le sultan chérifien aurait subi une opération dont on ignore la nature. Le jour de l’opération, les chirurgiens se réunissent dans la clinique interne du palais pour opérer le souverain. Sur la nature de ses souffrances, les versions divergent entre ceux qui évoquent la déviation de la cloison nasale, ceux qui parlent d’angines, tandis que d’autres encore évoquent un cancer à l’oreille. Bref, une «opération bénigne» pour reprendre les mots de Jean Wolf dans l’ouvrage «Les secrets du Maroc espagnol : l’épopée d’Abd-El-Khaleq Torrès» (édition Eddif, 1994).

Le roi Hassan II lors des funérailles de son père. / Ph. Phillipe Le Tellier

Tout ce que l’on sait, c’est que Mohammed V, sujet à l’hémophilie, aurait eu une crise cardiaque peu de temps avant la fin de l’intervention. Sa disparition prématurée est alors annoncée à la radio vers 18 heures. Mais avant cela, «ravagé par le plus intense chagrin de sa vie, le prince Moulay Hassan pleure, silencieusement, ce père merveilleux qu’il vénérait, ce souverain d’une impressionnante stature morale», décrit l’écrivain Jean Wolf.

Le nouveau roi, après avoir convoqué les ministères, pénètre dans la salle du Conseil : «Messieurs, le roi est mort. C’est désormais devant moi que vous répondrez de la gestion du département qui vous a été confiée», s’adresse-t-il aux ministres. Abd El Khaleq Torrès, alors ministre de la Justice, rédige la traditionnelle Baya pour proclamer officiellement Moulay Hassan nouveau roi Hassan II. Une proclamation qui sera ensuite ratifiée par tous les membres de la famille royale, les Chorafas Alaouites de toutes les villes, les membres du gouvernement ainsi que les membres de conseils des oulémas.

Feu le roi Hassan II à la tête du cortège lors des funérailles du feu le roi Mohammed V. / Ph. AFP

Le roi est mort, vive le roi !

Le père de l’indépendance et de la nation marocaine moderne est alors inhumé au mausolée qui portera son nom. Quelque 600 000 Marocains attendent émus le passage de son cercueil le long des principaux boulevards de Rabat. «Des femmes s’évanouissaient par centaines sous le soleil accablant. A 15h30, le cortège funèbre s’ébranlait alors que des dizaines de milliers de voix brisées par l’émotion scandaient ‘Allah est grand’», raconte Paris Match. Ce jour-là, le prince Hassan menait le deuil avec son frère cadet Moulay Abdallah. «Huit jours plus tard le Maroc fêtait son nouveau roi. La liesse séchait les larmes. Mais le deuil était impossible à faire car Mohammed V a été l’âme de l’indépendance du pays», poursuit le célèbre magazine français.

Le 3 mars, feu le roi Hassan II monte sur le trône de ces ancêtres. Le jour-même, il s’adresse à la nation avec un discours assez émouvant. «Cher peuple. Je m’adresse à toi tout en sachant que les plaies sont toujours fraîches. Nous avons été surpris par sa disparition et espérions qu’il serait parmi nous pour continuer sa mission noble (…) Je t’annonce, cher peuple que j’arrive aux rênes du pouvoir (…) pour répondre à la volonté sociale qui s’est illustrée par ton allégeance», avait-il dit.

Sur son père, le souverain avait affirmé, trois ans plus tard, que Mohammed V avait en lui «la dureté et une extraordinaire bonté». «Je n’ai jamais pu l’approcher sans un sentiment d’intimidation et de profond respect. Jamais il ne m’a déçu», avait-il confié à Abd El Khaleq Torrès. Ses responsabilités en tant que roi ont officiellement commencé dès cet instant. Un rôle qui ne s’annoncera pas facile puisque deux ans après son intronisation, il fera face à la fameuse guerre des Sables entre le Maroc et l’Algérie.

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