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Interview

Imider ou Bni Oukil, l'accaparement des terres à la croisée des luttes sociale et écologique

Dans un récent rapport, l'association Attac Maroc dénonçait l’arrestation de militants écologiques à Imider, Bni Oukil et ailleurs au Royaume. Salaheddine Lemaizi, militant de l'ONG revient sur le combat écologique des citoyens arrêtés et emprisonnés pour avoir opposé une résistance aux pillages des ressources naturelles sur le sol qu’ils occupent. Interview.

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Dans un Maroc qui vient d’organiser la conférence des parties (COP22), les problèmes écologiques sont une réalité quotidienne loin des projecteurs et au plus près des citoyens. Membre de l’association Attac, Salaheddine Lemaizi n’hésite pas à dénoncer l’action de l’Etat marocain à l’encontre du militantisme écologique.

De quoi accuse-t-on les militants écologiste ?

En réalité, on musèle la voix des militants mais aussi des citoyens lambda qui exploitent leurs terres pour des fins d’agriculture ou des villageois qui réclament une juste répartition des richesses. Pour le cas de Bni Oukil, où un projet de carrière d’exploitation de granit est entrepris, les habitants réclament leurs droits.

En réponse, l’Etat utilise plusieurs moyens pour les contraindre comme «obstruction au droit du travail», on oppose aux syndicalistes l’article 288 du code pénal ou bien ils sont accusés d’ «insulte à un agent de l’autorité». En tout cas, ce sont des accusations fallacieuses pour criminaliser des gens qui luttent pour le droit à la terre, à l’eau et pour la préservation de l’environnement de la population locale. Ils sont également accusés pour trouble à l’ordre public, mais ça dépend de ce qu’on entend pas ça, parce qu’organiser une manifestation dans une région éloignée… c’est qu’on est dans un processus criminalisant des luttes environnementales.

Cela se passe après la COP 22…

Après, cet événement où on a présenté le Maroc sous son meilleur jour, on vient criminaliser des causes justes et importantes au lieu de négocier avec les gens et de voir quelles sont les possibilités de résoudre ce conflit. On vient plutôt avec des accusations comme trouble à l’ordre public : ces gens n’ont agressé personne, ils sont dans leurs droits.

Imider, par exemple, ce sont des gens qui revendiquent une meilleure répartition des richesses. Les sols, sous-sols et richesses d’Imider sont énormes, la société Managem en tire des profits mirobolants. Quand on parle de réelle répartition des richesses, il ne s’agit pas de petits projets de charité. Les gens d’Imider revendiquent l’eau et l’accès à l’eau à juste titre, de manière juste autant que la société d’exploitation.

C’est donc une lutte entre capitalisme et enjeux écologique ?

En fait, non, quand on parle d’écologie, on parle de développement durable, de responsabilité sociale d’entreprises, etc. Ce qui est important pour nous, c’est qu’il y a un Etat, un arbitre entre ce capitalisme que nous dénonçons et les populations. Malheureusement, on n’attend pas grand chose du capitalisme, on attend que l’Etat joue son rôle d’arbitre, qu’il n’a pas joué en se rangeant du côté des capitalistes et en refusant de négocier réellement avec les gens.

Quels moyens la société civile peut-elle opposer aujourd’hui ?

Le premier moyen, je pense, est la résistance de la population locale, qu’Attac Maroc soutient car l’association n’est pas à l’origine de la lutte. Ce sont des villageois et des agriculteurs qui s’opposent à la prédation. Nous sommes aujourd’hui dans une phase offensive de l’Etat en terme de répression, il faut répondre à ça par la dénonciation. Je me rappelle que Mohammed Akkad à Bni Oukil a perdu l’usage de son œil gauche après avoir subi des violences de la part de la gendarmerie royale au moment de son arrestation, il n’a pas été soigné. Nous sommes sur des cas assez graves de non respect des droits de l’Homme. Ensuite, nous essayons de sensibiliser les citoyens à ces questions fondamentales.

Au delà de cette histoire, la COP n’est pas une chance en soi, c’est un pari pour mobiliser les gens par rapport à la situation environnementale qui est une question d’avenir. L’accaparement des terres par les entreprises dans le milieu rural c’est un enjeu d’avenir au Maroc, tout comme l’eau. Nos réseaux s’activent aussi à faire respecter la loi, l’Etat marocain dispose d’un arsenal juridique pour faire respecter la loi et les engagements nationaux et internationaux.

Pourquoi les politiques ne réagissent pas ?

Je pense que le problème est de savoir à qui appartient cet Etat. Le système judiciaire appartient non au gouvernement mais à l’état régalien. La question qui se pose est de savoir à qui sert cet Etat au final, il sert des gens puissants économiquement et politiquement, c’est cela la conclusion générale. Les problématiques générales se posent dans la vie quotidienne : l’applicabilité de la loi et le respect des textes votés dans le parlement.

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