«La communication du ‘système onusien’ : le symbole et la réputation comme moyens d'action» est le dernier ouvrage d’Ismaïl Regragui, sujet de thèse du docteur associé au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po. Contacté par Yabiladi, Ismaïl Regragui explique que son travail cherche pourquoi, comment et à qui l’ONU communique. Une analyse de la communication d’une organisation qui permet d’identifier et de comprendre les rapports de force politiques qui la traversent.
Après un premier ouvrage sur le «branding religieux marocain» paru en 2013, il décide donc d’élargir son champ d’analyse à l’organisation internationale la plus exposée aux regards, avis et critiques de l’opinion du fait de son caractère universel. Sa volonté d’analyser les orientations stratégiques d’une organisation internationale émane des attentes qu'elle suscite, des contraintes politiques et financières dont elle fait l’objet. Interview.
De quoi est-il question dans votre étude ?
J’ai organisé mon étude autour de deux axes : une sociohistoire de la communication onusienne puis une étude de la réalité actuelle de la communication onusienne. Cela m’a conduit à analyser la communication contemporaine d’un point de vue métapolitique afin de comprendre le contexte dans lequel la communication onusienne est amenée, comme toute communication contemporaine, à évoluer.
J’ai aussi cherché à montrer la similitude des trajectoires communicationnelles entre la Société des nations et l’ONU ainsi que la continuité sociohistorique qui les lie en la matière. Il a aussi été nécessaire de réaliser une étude sociohistorique de la communication onusienne qui, selon qu’elle soit entendue comme programme politique ou comprise, au premier degré, comme un instrument de propagation d’idées et de symboles, n’a pas la même influence sur le continuum historique dans lequel l’ONU, comme toute institution, évolue.
Pour ce qui est du fonctionnement actuel de la communication onusienne, j’ai étudié en détail le Département de l’Information Publique, le rôle communicationnel du Secrétaire Général de l’ONU ainsi que les limitations financières de la communication onusienne. Au final, mon travail permet d’établir que bien que la communication ne permette pas de compenser les faiblesses organisationnelles et politiques de l’Organisation, elle en a tout de même les capacités, pour peu que celles-ci soient développées et utilisées de façon adéquate.
L'ONU parvient-elle à asseoir son autorité par sa symbolique et sa réputation ?
L’Organisation n’est pas une entité dotée d’une autorité contraignante qu’elle exercerait en son nom propre. Pour le dire autrement, l’ONU, ce sont les Etats qui la composent. Il est donc facile pour ces derniers de blâmer l’appareil bureaucratique pour leurs incapacités à parvenir à des choix concertés de politique internationale comme on peut souvent le constater dans l’enceinte du Conseil de Sécurité.
Dans ce contexte, l’objectif communicationnel de l’ONU est, depuis ses origines, de faire adhérer les peuples du monde à un mode de gestion coopératif des problèmes auxquels l’Humanité fait face.
Quels sont alors les moyens de communication pour atteindre cet objectif ?
Aujourd’hui, le Département de l’Information Publique du Secrétariat Général de l’ONU tente de sensibiliser les opinions publiques en investissant le terrain de la culture populaire (séries télévisées, divertissement, réseaux sociaux) mais les moyens (humains et financiers) sont trop modestes et la bureaucratie onusienne trop sclérosée.
Par ailleurs, le mandat communicationnel est handicapant du fait de son imprécision : l’ONU s’adresse à l’ensemble de la population mondiale (absence de segmentation des audiences) et sur des sujets trop divers (l’ONU s’attelle à résoudre de très nombreux problèmes). Dans le secteur privé, un tel manque de précision serait synonyme d’échec programmé pour les services communication et marketing d’une entreprise !
Dans la zone tampon près de Guergarate, quels moyens de pression l'ONU peut-elle exercer pour exiger le retrait du Polisario ?
Dans ce cas précis, c’est la fonction médiatrice de l’ONU, en particulier celle de son Secrétaire Général, qui est susceptible de contribuer à la résolution du problème. La décision de retrait du Maroc de la zone de Guergarate doit être analysée comme le signe d’une volonté de coopérer à nouveau avec les instances internationales. En effet, la fin du mandat de Ban Ki-Moon avait été quelque peu mouvementée du point de vue de ses relations avec le Maroc, si bien que l’entrée en fonction d’Antonio Guterres est vue comme l’opportunité de reprendre un processus de dialogue constructif auquel, il faut le souligner, le Maroc s’est toujours engagé.
Sur la question saharienne, l’administration onusienne ne peut qu’inviter les parties à se réunir autour d’une table et tenir des pourparlers. La contrainte, si contrainte il y a, ne peut venir que du Conseil de Sécurité, en particulier des 5 membres permanents qui considèrent de plus en plus le Maroc comme une force stabilisatrice en Afrique du Nord du point de vue de la lutte contre l’insécurité dans la région (lutte contre le terrorisme, contrôle des flux migratoires, stabilité politique).