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Grand Angle

Libertés et droits au Maroc : Quelques avancées face à de multiples atteintes selon Amnesty International

Amnesty International vient de publier ce mercredi son rapport annuel dans lequel elle rend compte de la situation des droits de l’homme dans le monde. Pour le cas du Maroc, l’ONG reconnaît quelques avancées mais dresse un bilan sombre de la situation des droits humains. Les grandes lignes de l'étude.

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Une manifestation à Rabat contre la torture à l'appel d'Amnesty International. / Ph. Amnesty International
Temps de lecture: 4'

«Des restrictions continuent de peser sur la liberté d’expression, d’association et de réunion.» C’est avec ces mots qu’Amnesty International inaugure un court chapitre de quatre pages réservé au Maroc dans son rapport 2016-2017 sur la situation des droits humains dans le monde. L’ONG fustige les autorités marocaines, fait état de manifestations réprimées et de cas de torture, reconnaissant toutefois quelques avancées.

L’étude rappelle d’abord le contexte général, à savoir la fermeture du bureau de liaison de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), la demande d’adhésion du Maroc à l’Union africaine (UA) et les manifestations qui ont émaillé dans le pays au lendemain du décès de Mohcine Fikri.

Amnesty International rappelle également la réforme du système judiciaire. «Les autorités ont poursuivi le processus de réforme du système judiciaire. En février, le Parlement a adopté des lois relatives au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et au statut des magistrats. En juin, le Conseil de gouvernement a approuvé un avant-projet de loi visant à modifier et à compléter le Code pénal», lit-on dans le rapport. Un ton nettement plus sévère quelques lignes plus loin : «Ces lois n’ont toutefois pas instauré l’indépendance du pouvoir judiciaire, estime l’ONG selon qui l’avant-projet de loi contenait des dispositions progressistes mais ne remédiait pas aux lacunes importantes du code actuel».

Bilan sombre pour les libertés d’expression, d’association et de réunion

Concernant les libertés d’expression, d’association et de réunion, Amnesty International énumère plusieurs cas de violations. Le rapport évoque les journalistes et les détracteurs du gouvernement poursuivis en justice, soulignant notamment le cas d’Ali Anouzla ainsi que les sept journalistes et militants poursuivis pour «atteinte à la sûreté intérieure de l’État» et «manquement au devoir de signaler des financements étrangers».

La même source relève aussi le cas du juge Mohamed El Haini, accusé par le ministère de la Justice et des libertés d’avoir enfreint son devoir de réserve et exprimé des opinions politiques. Le rapport point ensuite le bras de fer qui oppose les autorités locales aux ONG de défense des droits de l’homme, à l’instar de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), Freedom Now et la Coordination maghrébine des organisations des droits humains, avant d’évoquer l’expulsion de journalistes, défenseurs des droits humains et militants étrangers.

Plus loin, le bilan s’éclaircit : bien qu’il déplore que le texte tarde à voir le jour, le rapport salue en effet le projet de loi contre les violences faites aux femmes : «Il contenait des éléments positifs, notamment des mesures en vue de protéger les victimes de violence pendant la procédure judiciaire et par la suite». L’ONG estime cependant que ce texte «n’assurerait pas aux femmes une véritable protection contre la violence et la discrimination». Toujours sur le front des droits des femmes, Amnesty International pointe la pénalisation de l’avortement, «toujours érigé en infraction pénale», puis la loi réglementant le travail des employés de maison ; des femmes et des filles pour la plupart.

La question des minorités sexuelles fait également l’objet d’un paragraphe : «Des personnes LGBT ont été poursuivies et incarcérées aux termes de l’article 489 du Code pénal, qui érige en infraction les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe». L’occasion de rappeler l’affaire des deux homosexuels de Béni Mellal, victimes d’un violent lynchage homophobe en mars 2016, qui ont fait l’objet par la suite de poursuites pénales.

Conflit du Sahara occidental : Amnesty fustige le Maroc et le Front Polisario

Le rapport rectifie le tir s’agissant des droits des réfugiés et des migrants. «Les législateurs ont adopté en juillet une disposition législative approuvant la ratification par le Maroc de la Convention 143 de l’OIT sur les travailleurs migrants. En août, le gouvernement a promulgué une nouvelle loi pour lutter contre la traite des êtres humains et en décembre, le roi Mohammed VI a annoncé une nouvelle vague de régularisation de migrants sans papiers», souligne-t-on. Mais le rôle du Maroc en tant que «gendarme de l’Union européenne» n’échappe pas à la critique : «Les autorités continuent d’empêcher des personnes originaires d’Afrique subsaharienne de pénétrer de façon irrégulière dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, dans le nord du Maroc.»

Une longue partie est ensuite consacrée à la situation des droits de l’homme au Sahara, une question sur laquelle l’ONG ne caresse pas le Maroc dans le sens du poil. «Les autorités ont continué de réprimer la dissidence pacifique au Sahara occidental. Elles ont dispersé des manifestations non violentes, engagé des poursuites pénales contre des militants sahraouis qui prônaient l’autodétermination du Sahara occidental ou dénonçaient des atteintes aux droits humains, et soumis ces militants à des restrictions», dénonce Amnesty International.

Le jugement, en juillet 2016, de la Cour de cassation annonçant l’annulation de la condamnation, par un tribunal militaire, des 23 «manifestants et militants sahraouis emprisonnés» dans le cadre de l’affaire Gdim Izik est aussi cité, tout comme les expulsions de Laâyoune de «journalistes et des militants étrangers». L’ONG pointe aussi du doit des cas de «torture et autres mauvais traitements», citant le militant de la Coordination des chômeurs sahraouis à Guelmim, Brahim Saika, entre autres. Elle tire même à boulets rouges sur le Front Polisario, qui «n’a pris aucune mesure pour mettre fin à l’impunité dont bénéficiaient ceux qui étaient accusés d’avoir commis des atteintes aux droits humains durant les années 1970 et 1980 dans les camps qu’il contrôlait». La situation des droits de l'homme au Maroc, qui a peu évolué par rapport à celle de l'année dernière, reste loin d’être positive, selon Amnesty International.

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