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Tribune

Abdelillah Benkirane entre soumission et crise

Le plus beau pays du monde vit sans gouvernement depuis presque cinq mois. Plus de blagues à la Benkirane ni de ministres empêtrés dans des scandales pour ce havre de stabilité. Certes gouverner est la chose que fait le moins un gouvernement marocain, mais nous restons dans la nécessité d’en avoir un qui illustrera notre exception démocratique et servira de pare-choc à la monarchie. Retraçons les péripéties et cherchons le pourquoi de ce désert gouvernemental.

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Acte 1 : Après un mandat tumultueux rythmé par des réformes impopulaires, le PJD est sacré vainqueur des élections législatives. En faisant fi du taux de participation, des inscrits aux listes ainsi que du système électoral, le compte des voix assure que le PJD a réussi une razzia en empochant 50% de voix de plus par rapport à son précédent score. Certes le jeu des élections est loin d’être parfait et recèle maintes défaillances, mais la victoire électorale et politique est là. Benkirane a été le maître artisan de celle-ci avec son franc-parler et ses diatribes acerbes à l’égard de ses adversaires. La percée du PAM a été aussi fulgurante, mais il est resté deuxième. C’est un échec cuisant pour le makhzen. Veni, vedi, vici Benkirane jusqu’à présent.

Acte 2 : Nabil Ben Abdellah «est recadré» par le cabinet royal pour des déclarations sur l’implication du sérail dans la genèse du PAM, un secret de polichinelle pour le néophyte de la politique marocaine… Malgré cela, son parti le soutient et affirme habilement qu’il assume les propos de son secrétaire général et qu’il tient à son indépendance. Bref, le PPS ne s’est pas agenouillé. L’opposé de ce libre arbitre politique se produira chez le RNI. Ce parti récidive et change de leader du jour au lendemain. Veuillez applaudir l’entrée sur scène de votre nouveau chef de troupe, le milliardaire et grand rouage du makhzen, Monsieur Aziz Akhannouch. Doit-on rappeler qu’il avait démissionné de ce parti cinq ans auparavant ?

Acte 3 : Devenir le chef de gouvernement de facto, c’est la mission d’Akhannouch. Traînant derrière lui le MP, l’UC et l’USFP il s’est arrogé le rôle du négociateur tandis que le PAM est resté dans l’ombre jusqu’à nouvel ordre. Depuis les déclarations fusent. Tel un couple de pubères amoureux, Benkirane s’échange avec Akhannouch des : «Je t’aime, moi non plus»,  «Ce gouvernement ne verra plus le jour», «On pourra y arriver Akhannouch, mais reviens de ta virée en Afrique !», «Je vais le dire au roi, j’en peux plus», «Je boude dans ma baraque et j’attends de nouveau Akhannouch», «Agharass Agharass», «Je veux l’USFP, moi j’en veux pas !».  Une stichomythie qui ne tarit pas depuis…

Acte 4 : «Je ne tolérerai aucune tentative de s’en écarter», affirma le discours royal depuis Dakar en parlant des critères que veut le roi pour ses ministres. Le ton est donné, à la fin c’est le gouvernement de sa Majesté (l’opposition lui appartient aussi selon Driss Lachgar). Vint ensuite une visite du cabinet royal… sans résultat. Stop, arrêtez tout ! Des instructions royales viennent de tomber, on adhère de nouveau à l’Union Africaine. Que tout le monde s’exécute, et vite ! On a besoin d’un président du parlement. Qui sera l’heureux élu faute de majorité ? Le sixième parti qui a eu vingt des 395 sièges évidemment ! On est au Maroc et c’est l’intérêt suprême de la nation qui est en jeu après tout. Au passage, a-t-on demandé au peuple s’il voulait ou non y adhérer à cette union ? Lui a-t-on demandé s’il voulait en sortir déjà ? Non ? Alors ferme là !

Acte 5 :

- Acteurs : Benkirane, chef de gouvernement malgré lui ; Akhannouch, émissaire du makhzen ; MP, UC, USFP valets de l’émissaire ; PAM qui guette dans l’ombre.

- La scène : Le plus beau pays du monde.

- L’enjeu : Un pas en avant ou en arrière pour la démocratie.

- Les événements se dérouleront dans les jours qui viennent…

Vous me direz qu’il manque un prologue. On l’a vécu durant cinq ans, c’était le dernier mandat. Le PJD a offert trop de concessions pour une confiance du Palais. Il ne l’aura jamais. Quoi qu’ils fassent, les indicateurs montrent que le vrai pouvoir ne veut pas des islamistes... même pour faire de la figuration.

Sauf un Deus ex machina, l’épilogue de cette mascarade sera une soumission totale de Benkirane au choix de la monarchie, c’est le scénario le plus envisageable pour le dramaturge du Maroc. L’autre fin est une crise politique. L’Histoire l’a toujours dicté, le peuple n’arrive à arracher les pouvoirs d’une monarchie qu’après une crise. Entre temps et dans les coulisses de ce spectacle, on aura toujours des écoles délabrées, des hôpitaux funèbres et un peuple qu’on écrase dans des bennes à ordures.

Visiter le site de l'auteur: http://mahdizahraoui.blogspot.com

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