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Grand Angle

«Bnat Lalla Mennana» a-t-elle influé sur le tourisme à Chefchaouen ?

Nawel Chaouni, professeure-chercheure à Toulouse, a étudié les effets sur le tourisme de Chefchaouen de la désormais célèbre série télévisée «Bnat Lalla Mennana», diffusée pendant le ramadan en 2012 et 2013. Elle livre à Yabiladi - et dans une thèse - ses conclusions.

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Un panneau interdit aux touristes de poser devant la maison de «Bnat Lalla Mennana». / DR
Temps de lecture: 2'

Vous rappelez-vous du succès de la série «Bnat Lalla Mennana» en 2012 ? Elle avait beaucoup surpris un public plutôt habitué à vilipender les productions télévisées diffusées pendant le ramadan. La série de Nora Skalli et Samia Akariou a si bien fait parler d’elle que la bien nommée Nawel Chaouni, enseignante en communication et management à l’Université Toulouse-III-Paul-Sabatier, a même rédigé une thèse sur le sujet en 2016 : «Etude de réception transnationale d’une série télévisée et ses effets sur l’attractivité touristique d’une région rurale : cas d'un feuilleton marocain». Elle a étudié les effets de la série sur le tourisme à Chefchaouen, où se déroule l’histoire.

«Les autorités se sont fait surprendre par le succès, certains touristes se seraient retrouvés à dormir dans les parcs faute de place à l’hôtel, raconte Nawel Chaouni. Selon le responsable du point d’information touristique de la ville, sur 100 personnes qui venaient se renseigner, 30 avaient des requêtes en rapport avec la série.»

En 2012, le nombre de Marocains à avoir visité la ville, selon les statistiques de l’Observatoire du tourisme, a augmenté de 14,60%. Cependant, cette forte croissance n’avait rien d’exceptionnel, puisqu’une année auparavant le nombre d’arrivées des nationaux avait déjà augmenté de 19%. «Il est difficile d’isoler précisément l’effet propre de la série puisque la région connaît en parallèle un certain essor. Tanger est en pleine croissance ; avec l’autoroute nord, les infrastructures touristiques du littoral de Tétouan se développent en même temps. La zone a également été désignée prioritaire dans le cadre de la stratégie touristique Maroc 2020», rappelle Nawel Chaouni.

Le régionalisme y est pour beaucoup

L’engouement autour de la série s’explique par la qualité de la production et son originalité. «Il y a eu un concours de circonstances favorable puisque la série a été diffusée pendant le ramadan. Il est fort probable qu’elle n’aurait pas eu le même effet sur le tourisme si elle avait été diffusée à un autre moment. Qui plus est, cette année-là, le ramadan avait lieu en pleine saison estivale, alors que les gens envisageaient de prendre des vacances», souligne Nawel Chaouni.

Cependant, par rapport à d’autres séries de qualité diffusées à cette période, le régionalisme a probablement fait la différence. «La série devait se tourner dans le nord selon les vœux des actrices et productrices qui sont originaires de la région, mais Chefchaouen n’était qu’un lieu pour le tournage, indique-t-elle. L’équipe (…) n’avait pas imaginé l’impact que leur série aurait sur la ville elle-même.»

Malgré son succès, «Bnat Lalla Mennana» n’a toutefois pas durablement infléchi les arrivées de touristes nationaux. Un an plus tard, en 2013, avec la diffusion de la deuxième saison pendant le ramadan, le nombre de visiteurs marocains n’a augmenté que de 1,16%. «L’effet de la série sur le secteur touristique de la ville s’est essoufflé. Les pouvoirs publics n’ont pas su profiter de l’impulsion créée par la série. Au lieu de mettre en place, pourquoi pas, des produits dérivés à l’image des personnages de la série ou d’organiser des parcours dans la ville liées [à ses] lieux, on a posé un panneau sur la maison de Lalla Mennana et de ses filles ‘Interdit de prendre des photos’. Plus globalement, je pense que les acteurs politiques ne prennent pas assez en compte cette potentialité culturelle pour le tourisme», conclut Nawel Chaouni.

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