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Grand Angle

Maroc : Le chômage en baisse, vraiment ?

Le Haut-Commissariat au Plan a révélé, lundi 6 février, que le taux de chômage avait baissé en 2016. Une note positive dans une année noire ? Non, puisqu’en réalité, beaucoup de chômeurs ont simplement abandonné leur recherche d’emploi. L’inactivité continue donc de progresser.

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Et si les bien nommés diplômés-chômeurs refusaient seulement de se résoudre à l'inactivité ? / DR
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Le taux de chômage atteint 9,4% en 2016, en baisse de 0,3 points par rapport à 2015, selon la dernière note d’information sur le chômage rendue publique mardi soir par le Haut-commissariat au Plan (HCP). Comment expliquer que le taux de chômage soit en baisse, quand toutes les institutions du pays ne cessent de répéter combien l’année 2016 fut catastrophique en raison de la sécheresse de l’automne ? Comment expliquer aussi la réduction de 3,7% du nombre de chômeurs cette année, alors que le Maroc a perdu des emplois - 37 000 - pour la première fois en plus de 10 ans ?

En fait, le chômage désigne les personnes qui cherchent mais ne parviennent pas à trouver d’emploi. Si en 2016, le nombre de personnes en quête d’un emploi a diminué, ce n’est pas parce qu’elles ont trouvé un emploi puisqu’à l’échelle nationale, le nombre d’emplois s’est réduit. En réalité, ce nombre baisse parce qu’elles ont simplement abandonné leurs recherches.

En 2016, 366 000 jeunes sont arrivés sur le marché du travail tandis que 446 000 personnes venaient grossir les rangs de la population inactive ; celle qui ne travaille pas et ne cherche même pas à travailler. En d’autres termes, les 37 000 personnes qui ont perdu leur emploi en 2017 et 43 000 personnes qui étaient déjà au chômage en 2015 ont tout simplement abandonné l’idée de rechercher un emploi.

Le taux d’inactivité de la population en âge de travailler, l’indice révélateur

Pour mesurer l’abandon du marché du travail, de la même façon que l’on peut calculer l’abandon scolaire, il faut s’intéresser non pas aux taux de chômage mais au taux d’inactivité de la population en âge de travailler. Il mesure le nombre de personnes qui ne cherchent pas de travail alors qu’elles pourraient le faire. A titre d’exemples, les femmes aux foyers ne veulent pas chercher un travail parce qu’elles ont d’autres activités, alors que les rentiers n’en ont pas besoin. Au Maroc, ce taux mesure surtout quelle proportion de la population a abandonné jusqu’à l’idée de trouver un travail faute d’espoir. Or, ce nombre augmente continuellement depuis 2000.

Le taux d’inactivité de la population en âge de travailler est ainsi passé de 47% en 2000, à 50,10% en 2009, pour atteindre 53,6% en 2016, en augmentation de 1 point entre 2015 et 2016. En moyenne et depuis au moins 2012, le marché du travail accueille en effet 370 000 jeunes de plus chaque année, alors que l’économie nationale ne parvient plus à créer les 100 000 emplois annuels qu’elle réussissait à maintenir jusqu’en 2012. Même en 2015, alors que la météo a été clémente et que la campagne agricole a été exceptionnelle, l’économie nationale n’a créé que 33 000 emplois supplémentaires. Ce constat a une conséquence : l’explosion de l’abandon et du désœuvrement plutôt que du chômage qui reste pourtant l’unique référence médiatique et politique sur la situation de l’emploi au Maroc.

En 2012, la Banque mondiale tentait d’expliquer ce phénomène pour les cas des jeunes dans un rapport intitulé «Royaume du Maroc : Promouvoir les opportunités et la participation des jeunes». «Les jeunes pensent avoir très peu de contrôle sur leur avenir économique. Une meilleure éducation et de meilleures compétences sont considérées comme insuffisantes pour obtenir un travail décent, à moins d‘avoir des réseaux ou connaissances personnels ou familiaux et ce, dans tous les secteurs économiques : public, privé et informel ; de tels réseaux sont nécessaires même pour obtenir un stage de formation», analysait le rapport. Ce constat est-il partagé par les 13 millions de Marocains ?

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