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Grand Angle

Un préfet publie un essai critique sur la gestion de l'islam en France

Dans «Misère(s) de l'islam de France», Didier Leschi dresse un constat sévère de la gestion de la deuxième religion de France. En cause, des responsables cultuels qui délaissent leurs responsabilités au profit de leurs intérêts personnels et des mosquées qui fonctionnent parfois à la manière d’une «administration».

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L'intérieur de la Grande mosquée de Paris. / DR
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L'islam de France gangrené par des intellectuels aux abonnés absents, des responsables religieux qui donnent l'impression de «vivre de» et non pour leur religion et un affichage identitaire du voile, entre autres. C'est le diagnostic, très critique, de Didier Leschi qui a publié vendredi un ouvrage intitulé «Misère(s) de l'islam de France» (éditions du Cerf), rapporte l'AFP.

D'emblée, l'essai de ce préfet, haut fonctionnaire - «l'un des meilleurs observateurs institutionnels du développement de la deuxième religion de France depuis la fin des années 1990» -, livre une analyse sévère sur la gestion de l'islam dans l'Hexagone : «Il est quelque chose de pathétique dans la présente situation de l'islam en France», écrit-il, déplorant une «impuissance» de ses acteurs face aux tragédies qui ont frappé le pays au nom d'Allah - 238 morts en 2015 et 2016 dans des attentats jihadistes.

Didier Leschi, «laïc de la gauche républicaine», a été conseiller de Jean-Pierre Chevènement au ministère de l'Intérieur, chef du bureau central des cultes et préfet délégué pour l'égalité des chances en Seine-Saint-Denis.

Des mosquées «bureaucratisées»

Plus loin, les responsables cultuels en prennent pour leur grade. L'auteur critique «celui qui, des années durant, a été la figure publique la plus connue de l'islam de France et, dans le même temps, en a incarné l'impasse». Difficile de ne pas reconnaître derrière ces lignes Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris, deux fois président du Conseil français du culte musulman (CFCM). Celui-la même qui, encore récemment, faisait passer les intérêts de son fils avant ses responsabilités en tant que chef de file du culte musulman en France.

«Malgré lui, l'État a favorisé la cristallisation d'une bureaucratie des mosquées, avec une partie d'entre elles qui donne le sentiment, de manière constante, de plus vivre de l'islam que pour l'islam», explique à l'AFP Didier Leschi. «Ce que ces responsables sont devenus n'est pas attirant pour des jeunes en recherche de spiritualité. Des groupes plus identitaires, salafistes, peuvent leur apparaître comme plus purs.»

Des «Bernanos musulmans»

Le bât blesse également du côté des «intellectuels musulmans». Récemment, ces derniers se sont réunis dans un «appel des 41 personnalités», désireux d'être associés à la construction d'un «islam de France» alors qu'ils ne sont pas tous croyants. «Des personnes se présentent comme intellectuels musulmans alors qu'elles semblent ne pas s'intéresser au peuple des mosquées, et ne prennent pas assez au sérieux la question de la foi», estime l'auteur. «Il nous manque des Bernanos musulmans», poursuit-il. «Il y a trop peu de gens qui à la fois réussissent socialement, gardent la foi et s'investissent dans les questions cultuelles».

Mêmes limites dans le champ humanitaire : «Il manque encore cette dimension d'un islam social qui, à partir de la foi, prouve dans ses actes qu'il prend en charge notre commune humanité», note Didier Leschi. En quelque sorte «un Abbé Pierre», que «personne n'a soupçonné de se battre pour le logement des seuls catholiques».

Article modifié le 2017/01/24 à 13h23

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