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Grand Angle

Dans le Maroc rural, la douloureuse expérience de l'accouchement

Une médecin et une éducatrice argentines sont parties à la rencontre des femmes du Maroc rural, où la grossesse et l'accouchement s'avèrent souvent des aventures périlleuses. Détails.

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Dans les régions reculées du Maroc, 70% de la population naîtrait avec des infirmités qui pourraient être évitées si les grossesses et les accouchements étaient mieux pris en charge. / DR
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Mieux vaux prévenir que guérir, dit l'adage. Celui-là même à travers lequel deux femmes, Natalia Richat, pédiatre et María Eugenia Dümmig, éducatrice périnatale, ont choisi d'aborder le projet qu'elles nourrissent dans les montagnes du Moyen Atlas : former les sages-femmes traditionnelles pour améliorer la santé maternelle et infantile.

Au début, vint un constat : dans les villages reculés du Maroc rural, les femmes sont confrontées à un mal qui les «condamne» - ainsi que leurs enfants - à «souffrir en silence», écrit le journal argentin La Nueva. On pourrait éviter 70% des bébés naissant avec des infirmités si les grossesses et les accouchements étaient mieux pris en charge. Et si la consanguinité était révolue également. Entre 2014 et 2015, Natalia Richat s'est rendue à deux reprises au royaume pour y entreprendre des projets de recherche liés à de graves maladies neurologiques chez les enfants, constatant effectivement qu'il y avait bel et bien un lien entre ces pathologies et la consanguinité, phénomène encore répandu dans certaines régions marocaines.

La plupart de ces femmes, contraintes à l'isolement, soumises à des facteurs économiques, logistiques ou culturels, mettent au monde seules ou avec l'aide d'accoucheuses traditionnelles, ces aïeules qui ont hérité, telles des autodidactes, des méthodes d'accouchement transmises au fil des générations. Dévouées, celles-ci ne disposent pas pour autant d'une formation, encore moins des outils et des ressources suffisantes pour prévenir des situations dangereuses ou d'urgence spécifique qui peuvent survenir pendant la grossesse ou l'accouchement.

Des barrières culturelles et linguistiques

Par-delà les frontières, Natalia Richat et María Eugenia Dümmig ont donc décidé de faire bénéficier ces sages-femmes d'une (re)mise à niveau et de promouvoir la coopération entre elles et les services de santé. Le projet a pu être concrétisé grâce à une campagne de solidarité et avec le soutien de l'ONG espagnole socio-éducative NouSol.

Pendant leur séjour, la pédiatre et l'éducatrice ont remarqué que la majorité des futures mères n'effectuent pas d'examens prénataux. Souvent, elles ne possèdent pas les ressources financières et le transport nécessaires pour se rendre dans les établissements de santé. La frontière est également d'ordre linguistique et culturel : les patientes expliquent ne pas se sentir respectées par le personnel hospitalier, lequel est peu acclimaté à la culture et à la langue amazighes. Une incompréhension qui génère parfois des situations inconfortables, comme lorsque certaines femmes «ont été contraintes de signer des documents qu'elles ne comprenaient même pas», poursuit La Nueva. «Elles préfèrent être entourées des sages-femmes traditionnelles, qui parlent leur dialecte et ne remettent pas en question leurs coutumes», explique Natalia Richat.

Pis encore, celle-ci rapporte que dans certains cas, les femmes enceintes de ces régions sont victimes de mauvais traitements. La violence y est parfois tellement enracinée qu'elle devient somme toute banale. «Certaines femmes me disaient des choses terribles ; on est venu me dire qu'on avait vu une fois un cordon ombilical coupé avec une pierre parce qu'il n'y avait rien d'autre à portée de main», témoigne encore Natalia Richat.

«En tant que médecin, je dois beaucoup à ces femmes que personne n'écoute, ni ne voit. Comme si elles n'existaient pas aux yeux des autres. Leur invisibilité est propre à un système où ce sont les inégalités qui dominent.»

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