France : Petits trucs et astuces pour annonce immobilière raciste

«Nationalité française, pas de Noir.» C'est la diffusion de cette petite annonce qui, fin décembre, a mis en cause une agence immobilière Laforêt en région parisienne, rappelle Marianne. Depuis, le groupe a assuré avoir retiré sa franchise à l'agence le temps d'une enquête.

Quand à l'agence, celle-ci a imputé la faute à la propriétaire «raciste» et à une employée «naïve et mal formée» qui aurait «retranscrit sans savoir». Sans savoir que les critères racistes ne devaient pas être mentionnés dans l'annonce ? Ou sans savoir qu'il fallait les faire apparaître en filigrane, de manière plus... « subtile», dirons-nous ? Le 3 janvier dernier, le média en ligne Bondy Blog a voulu lever le voile sur ces pratiques en allant interroger différents agents immobiliers, sous couvert d'anonymat.

«PE» pour «pas d'étrangers»

Leurs réponses font l'unanimité : tous reconnaissent prendre en compte les demandes racistes des propriétaires, de manière écrite ou implicite. En témoigne une capture d'écran au sein de l'agence ORPI, dans le Rhône. L'une des conseillères raconte en effet qu'un onglet «note externe» dans son logiciel permet d'indiquer discrètement ce type de demande en la camouflant sous un nom de code particulier. Ainsi, si le client ne veut «pas de Noirs», «pas d'Arabes» ou «pas d'étrangers», l'agent immobilier l'indique grâce à l'abréviation «PE».

«Nous disons systématiquement à ces propriétaires que leurs demandes sont illégales. Ce qui ne nous empêche pas de renseigner cette demande dans notre logiciel informatique interne. (...) On ne l’écrit jamais explicitement. Ce sont toujours des abréviations qui sont utilisées comme PE, pour 'pas d’étrangers' par exemple. (...). La particularité c’est que ces notes ne sont accessibles que via ce logiciel interne et ne sont plus visibles une fois ces fiches de location imprimées. Une manière d’être le plus discret possible sur ces pratiques et ces critères discriminatoires.»

Une «terrible loi du marché»

Ailleurs, les consignes sont données à l'oral. François, qui a travaillé à l'agence Laforêt de Paris Gobelins, raconte : «Quand un propriétaire nous demandait ce genre de critères, on ne lui proposait tout simplement pas de dossiers de personnes d’origine étrangère ou d’apparence étrangère.» Bien sûr, conscients que refuser la visite pourrait évidemment éveiller des soupçons de discrimination, les agents faisaient tout de même visiter les biens... s'abstenant finalement de sélectionner les dossiers ou les transmettre au client. «On les appelait et on leur disait qu'il y avait un meilleure dossier que le leur, même lorsque ce n'était pas vrai.»

Un procédé qui résulterait des pressions imposées par une «terrible loi du marché», observe Marianne. «Très peu de clients viennent en agence pour mettre leurs biens en location, c’est la guerre pour avoir le plus de biens possibles dans les agences donc même quand les propriétaires étaient racistes, on prenait quand même le dossier.»

Le Bondy Blog met également en exergue un autre cas de figure : parfois, ce sont les agents immobiliers eux-mêmes qui sont Arabes ou Noirs. Dans ce cas là, «en petite agence (...) c’est délicat, confesse Kader, ancien agent immobilier dans une agence indépendante de Seine-Saint-Denis. Tout est subtil en général. Tu ramassais un mois de loyer hors charge en honoraires si tu louais bien, donc tu bordais ton dossier au mieux. Et au début, quand tu présentais un ou deux dossiers de personnes de couleur et que ton responsable te disait 'non' seulement en lisant les noms, tu comprenais tout seul. Au final, c’est peut-être ça le plus grave : tu n’avais même plus besoin qu’on te le dise, tu faisais le tri tout seul, tu avais intégré le concept.»