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Grand Angle

Blocage au gouvernement : Ce qu'en pensent Al Adl Wal Ihsane, Annahj addimocrati et le Conseil national ittihadi

Alors que le secrétariat général du Parti de la justice et du développement (PJD) vient de publier un énième communiqué, laissant encore planer le suspense sur la participation du Parti de l’Istiqlal au prochain gouvernement, les négociations devront reprendre ce mercredi entre Abdelilah Benkirane et Aziz Akhannouch. Le prochain exécutif doit donc encore attendre quelques jours avant d'émerger. Qu’en pensent les autres acteurs politiques qu'on a pas l'habitude d'entendre ? Les réponses de Hassan Bennajeh, Mustapha Brahma et d'Abdeslam El Aziz.

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Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, en compagnie d'Aziz Akhannouch, président du RNI. / Ph. Le Desk
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Trois mois après sa désignation en tant que chef du gouvernement du prochain exécutif, le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) ne parvient toujours pas à former une coalition gouvernementale. Une situation décriée par plusieurs formations politiques et par l’opinion publique. Qu'en pensent les opposants du pouvoir au Maroc ?

En premier lieu, Hassan Bennajeh, membre du secrétariat général du Mouvement Al Adl Wal Ihsane (AWI), impute ce blocage à la logique et à la méthode politique qui prévalent au Maroc. «Si le gouvernement avait une réelle importance dans le système politique marocain, s’il gouvernait et jouait véritablement un rôle de représentation, les trois mois qui viennent de s'écouler auraient été un désastre», confie ce dernier à Yabiladi.

«Le roi et son entourage gouvernent avec ou sans le gouvernement»

«L’exécutif ne gouverne pas. La preuve : les choses se passent normalement puisque ce sont les autorités, en l’occurrence le roi et son entourage, qui gouvernent avec ou sans le gouvernement», poursuit-il. Là où le bât blesse également selon Hassan Bennajeh, c'est du côté des élections législatives. «Elles ne sont pas réglementées sur la base des programmes puisque les débats ne concernent pas ces programmes. De même, la légitimité des urnes, tout comme la volonté du peuple, ne sont guère prises en compte», déplore-t-il.

Quant aux consultations, «elles démarrent pour former des alliances qui n’ont aucun rapport avec la volonté des électeurs, qui ne sont que minoritaires au moment où la majorité des Marocains boycottent ce feuilleton». Pour Hassan Bennajeh, la composition du prochain gouvernement diffèrera certainement peu du précédent. Le militant de l'AWI prévoit d'ores et déjà une «coalition bizarre et hétérogène».

Hassan Bennajeh / DR

«C'est absurde de passer des semaines à tenter de convaincre un parti politique que le chef du gouvernement et sa formation politique accusaient de 'Tahakoum' (ingérence)», déclare encore le militant de la Jamaâ.

«Au final, le Makhzen et ses partenaires ont mené, au cours des trois derniers mois, une longue campagne pour appeler au boycott des élections. Par conséquent, on se doute que le taux de participation aux prochaines élections sera encore plus bas.»

Hassan Bennajeh évoque également les propos d'Abdelilah Benkirane sur le blocage dû à une «force majeure», estimant que ce nouveau concept, «inventé par le chef du gouvernement, s’appelle la tyrannie». «La distinction se fait surtout entre ceux qui cherchent à pousser les gens vers la normalisation et la soumission et ceux qui préfèrent que le peuple maintienne une résistance face à cette tyrannie et cette corruption», conclut-il.

Mustapha Brahma : «L’indépendance de la décision partisane n’existe pas»

«L'Etat profond souhaitait que le PAM (Parti de l’authenticité et de la modernité, ndlr) arrive en tête des élections du 7 octobre», rappelle de son côté Mustapha Brahma, secrétaire national du parti La Voix démocratique (Annahj Addimocrati), formation politique qui a également boycotté les élections. «Or, ce souhait n’a pas été exaucé puisqu’une large partie de la société commence à acquérir une conscience. On remarque que les orientations des commis de l’Etat ne font plus l’affaire», poursuit-il. C’est d’ailleurs l’«échec» de ce plan qui a «poussé le Makhzen à passer au plan B», observe Mustapha Brahma. Il s’agit de «nommer Aziz Akhannouch à la tête du RNI (Rassemblement national des indépendants, ndlr) et de l’inciter à participer au gouvernement pour devenir le principal interlocuteur avec le palais au lieu du chef du gouvernement».

Mustapha Brahma / DR

Pour Mustapha Brahma, c’est ce «plan» qui a permis au président du RNI d’imposer la condition de mise à l’écart du Parti de l’Istiqlal pour «sanctionner ce dernier de s’être allié avec le PJD et avoir refusé de se retourner contre la formation politique du chef du gouvernement après les élections».

Le secrétaire national d’Annahj n'est pas non plus resté indifférent aux propos du patron du PI sur la Mauritanie. D'après lui, ces déclarations ont été «utilisées» pour écarter Hamid Chabat du Parti de l’Istiqlal, pour «ensuite écarter l’Istiqlal du gouvernement».

«Ce qui se passe actuellement prouve que l’indépendance de la décision partisane n’existe pas et que les décisions sont prises en externe. Cela signifie également que les partis ne se conforment pas aux ordres mais qu'ils interagissent avec ces directives. Certains essaient toutefois de rompre avec cette pratique, comme le PJD qui tient au PI.»

Pour Abdeslam El Aziz, la faute à est à mettre sur le compte d'Abdelilah Benkirane

Et Mustapha Brahma de conclure que «si les partis étaient indépendants, le gouvernement se serait formé en quelques jours entre le PJD et les partis de la Koutla démocratique (le PI, le Parti du progrès et du socialisme et l’Union socialiste des forces populaires, ndlr), mais puisqu’Abdelilah Benkirane sait ce que veut l’Etat profond, il n’est pas prêt à lâcher le RNI».

Abdeslam El Aziz / Ph. AICPRESS

Pour sa part, Abdeslam El Aziz, secrétaire général du Conseil national Ittihadi (CNI), parti membre de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), avance une autre explication : «Le blocage au gouvernement a des impacts sur les intérêts des Marocains». Évoquant les tractations pour la formation du prochain exécutif, il estime que ce dernier aurait dû être formé «quelques jours après la désignation d’Abdelilah Benkirane par le roi».

«Plusieurs facteurs causent ce blocage, notamment la façon dont le chef de file du PJD gère les rencontres avec les autres leaders. Une façon de procéder marquée par des incertitudes : tantôt il annonce que la coalition est prête, tantôt qu’il tient au RNI et que ce dernier est au centre des négociations.»

«La question qu’on doit se poser, c'est de savoir s'il est important qu’un parti soit présent au gouvernement. La réponse nous poussera à conclure qu’on est encore loin de la démocratie», analyse Abdeslam El Aziz. «La situation actuelle pousse l’opinion publique à émettre des spéculations, qui peuvent s'avérer vraies ou fausses. De toute évidence, la gestion des tractations menée par le parti vainqueur aux élections législatives n’est pas très claire», lâche-t-il en guise de conclusion.

Article modifié le 2017/01/05 à 20h35

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