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Grand Angle

Détricotage de l’opération de com' autour du TGV marocain [Edito]

Mohamed Rabie Khlie, Directeur de l’ONCF et Guillaume Pepy, président de la SNCF ont organisé une belle opération de communication autour du TGV marocain. Les nuages s’étant amoncelés au-dessus de l’ambitieux projet ces dernières années, il fallait bien ça pour tenter de rassurer.

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Photo d'illustration. / DR
Temps de lecture: 3'

Articles pleins de superlatifs, interview croisée des deux patrons de l’ONCF et de la SNCF sur un média français (Le Monde) et marocain (L’Economiste), le dispositif de communication semble précéder une grande annonce pour le projet de TGV au Maroc. Innovation ? Imminence du lancement de la ligne Tanger-Kenitra ? Grille tarifaire ? Ouverture des réservations ? Non, rien de tout ça. En réalité, tout ce qui est dit était déjà connu et rien ne justifiait cette opération de communication si ce n’est pour rassurer sur un projet qui collectionne les embûches avant même sa mise en exploitation. Dans cette opération de séduction, les responsables passeront sous silence les points moins reluisants.

1. Les rails qui arrivent en retard

«Votre TGV MA001 en provenance de Tanger, entrera en gare de Rabat-Ville avec 2 ans et demi de retard. Nous prions les voyageurs de nous excuser pour ce léger contretemps.»

Un message que les clients de l’Office national des chemins de fer connaissent bien et qui pourrait illustrer l’énorme décalage entre l’annonce optimiste d’une mise en service de la première ligne du TGV marocain prévue fin 2015, régulièrement décalée (fin 2016 et fin 2017) pour finalement être annoncée à la mi-2018. Les travaux ayant débuté en septembre 2011, nous passons donc d’une durée de 4 ans à 6 ans et demi si tout se passe comme prévu annoncé dernièrement.

2. Faire du vieux avec du neuf

Le retard dans l’installation des infrastructures est d’autant plus problématique qu’il vient percuter la ponctualité des livraisons des rames TGV par Alstom. La première avait été reçue mi-2015 comme cela avait été prévu dans le contrat signé pour 4,4 milliards de dirhams. Mieux encore, la dernière rame de TGV a été livrée en juillet 2016. Donc tout est prêt, sauf les rails. En plus des frais de stockage, des coûts induits par la dépréciation du matériel roulant rouillant, vous pourrez vous consoler en 2018 en montant à bord d’une des douze rames neuves ayant entre 24 et 36 mois d’ancienneté.

3. 20 milliards, 30 milliards qui dit mieux ?

Au départ, l’investissement annoncé s’élevait à 20 milliards de dirhams. Les responsables sont beaucoup plus discrets sur le coût global du projet, compte tenu du retard pris par les travaux. Mohamed Rabie Khlie se contentera d’expliquer, lors de l’interview, que la ligne de TGV reste la moins chère du monde. Une déclaration plutôt vague qu’il ne justifie avec aucune donnée chiffrée.

4. Le TGV pour les pauvres ?

De 2011 à 2016, les responsables marocains se sont succédé pour démonter les critiques quant aux côtés élitistes de ce projet. Le TGV doit être accessible aux populations modestes avec une «légère augmentation» du tarif actuel, rassurait Karim Ghellab en 2011. Mohamed Rabie Khlie se veut tout aussi rassurant mais plus précis. Le prix plancher du TGV coûtera 20% plus cher qu’aujourd’hui (2016). En réalité, les prix seront fixés selon les disponibilités et les horaires (Yield management). Comme pour l’avion, il faudra vous levez de bonne heure pour profiter des tarifs les plus bas.

5. Rentabilité ?

Karim Ghellab évoquait la rentabilité de l’investissement partant sur une estimation de 6 à 8 millions de voyageurs par an. Le directeur de l’ONCF nuance quelque peu l’assurance du ministre des Transports de l’époque. Khlie parle désormais de 6 millions si et seulement si on atteint 70% de remplissage moyen des trains avec une fréquence de départ chaque heure. Si on résume, d’ici 2020, l’ONCF vise un doublement de la fréquentation de la ligne Tanger-Casa (6 au lieu de 3 millions actuellement) tout en augmentant les tarifs d’au moins 20%.

Et sur la rentabilité, Mohamed Rabie Khlie se veut plus prudent, n’évoquant qu’une marge opérationnelle qui dépassera de loin celle des trains conventionnels. Il met ainsi de côté l’amortissement de l’investissement de départ (infrastructure ferroviaire et rames TGV) qui est forcément plus important que des lignes de train conventionnel. Retards des travaux, erreurs de planification, surcoût, augmentation sensible des tarifs prévue, et une rentabilité qui est loin d’être acquise comme la plupart des TGV à travers le monde. Voilà qui vient confirmer nos inquiétudes exprimées en 2011, malgré le ton rassurant du ministre des Transports.

Article modifié le 2017/01/04 à 12h44

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